À l’occasion du dixième anniversaire de la départementalisation, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a annoncé aux élus et représentants de Mayotte sa volonté de mener une concertation rapide, dans le but d’aboutir à un projet de loi le 14 juillet prochain.
Comme un cadeau d’anniversaire. Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, réuni en visioconférence mercredi soir avec les élus de Mayotte à l’occasion des dix ans de la départementalisation, a annoncé une consultation de “l’ensemble des forces vives” afin de proposer une loi de programmation spécifique à Mayotte, selon un calendrier préétabli. “Nous allons ouvrir un temps de concertation important mais rapide dans lequel nous allons donner la parole à l’ensemble des Mahoraises et des Mahorais, aux élus locaux, aux responsables économiques et sociaux”, a précisé le locataire de la rue Oudinot, dans une vidéo postée ce jeudi sur son compte Twitter.
Un calendrier serré
Rendu des copies ? Le 14 juillet, pour un autre anniversaire républicain, la fête nationale. Le projet a pour objectifs d’accélérer la départementalisation, le développement de l’île et surtout la convergence avec les autres DOM et la métropole, pour enfin “converger vers une égalité sociale réelle”, répondant par là à une demande forte de la population. Du 1er avril au 1er juin, les maires, les élus, les candidats, les associations et les forces vives sont invités à participer à cette consultation. À mi-parcours, au mois de mai, une visioconférence sera organisée avec les élus et les acteurs du monde économique et social tandis qu’un questionnaire sera mis en ligne sur le site Internet du ministère des Outre-mer. Une fois l’architecture du projet de loi ficelée, le ministre entend bien le présenter en conseil des ministres avant la fin du quinquennat.
Quatre pistes sont d’ores-et-déjà posées sur la table : le renforcement du rôle régalien de l’État, “en travaillant aux causes mêmes des flux migratoires” ; la convergence sociale “pour qu’il y ait à Mayotte les mêmes droits que pour un autre département français” ; le développement pour faire face à la démographie galopante de l’île, mais aussi aux enjeux environnementaux ; et l’évolution du fonctionnement de la collectivité, qui “n’a pas les moyens financiers de son statut ni même son organisation électorale”. “La départementalisation, cela ne veut pas dire l’uniformisation de la manière d’y travailler”, a insisté Sébastien Lecornu.
Des demandes déjà formulées par les élus
Une démarche plutôt bien accueillie par les élus, dont plusieurs s’étaient d’ailleurs déjà fait l’écho de ces chantiers indispensables pour Mayotte, notamment dans nos colonnes à la veille du 31 mars. “Le but que nous recherchons est qu’enfin, ce département-région ait les outils pour jouer pleinement et entièrement son rôle de chef de file de son propre développement”, avait par exemple exprimé le sénateur Thani Mohamed Soilihi en référence à ce toilettage institutionnel. Côté convergence des droits, les voix en faveur d’un alignement ne manquent pas non plus. “En 2012, nous avons instauré le RSA à l’époque où j’étais président. Entre 2012 et 2015, il est passé de 25 à 50% (du montant national, ndlr), mais depuis il n’a pas progressé en dehors de la revalorisation annuelle”, soulignait ainsi l’élu et ex-président du conseil départemental Daniel Zaïdani, qui appelait justement de ses voeux une “loi programme”.
Donner la voix aux Mahorais
“Je veux saluer cette annonce, je m’en réjouis, car pendant les quarante années qui nous précèdent, c’était l’État qui nous a toujours dit ce qui était bon pour nous. Et aujourd’hui, les Mahorais sont face au mur, donc les orientations n’étaient peut-être pas les bonnes”, commente le député Mansour Kamardine, qui indique avoir déjà envoyé ses propositions. Il faut dire que les élus ont eu l’occasion à maintes reprises de noircir quelques pages à l’attention du gouvernement. La dernière en date remonte au mois de décembre 2020, quand ils ont adressé par courrier au ministre des Outre-mer leur position commune pour le projet de loi portant décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification. Sans parler du plan de convergence de 2018, ou encore de la loi pour l’égalité réelle Outre-mer de 2017… “Cette loi est en inadéquation avec le territoire car Mayotte est loin des standards des autres DOM ! (…) Quant au plan de convergence, il n’a de convergence que le nom ! Il ne mentionne aucune mesure concrète pour construire le département de demain”, s’exclame le parlementaire, en rappelant les nombreux chantiers prioritaires que sont les routes, la piste longue, le port, l’université de plein exercice, l’assainissement…
Dans ses propositions, Mansour Kamardine évoque lui aussi “l’urgence” de l’égalité sociale. “Je pense que d’ici 2025, nous pouvons aligner les cotisations patronales, sans que cela pèse sur l’économie, c’est un argument fallacieux, de même que l’appel d’air : ce que nous demandons c’est le même niveau d’allocations ici qu’à La Réunion ou en métropole, cela ne modifie pas le régime d’accession à ces prestations !”, déroule-t-il. Sur l’évolution de la collectivité, l’élu est plus mitigé : “oui à une modification du mode de scrutin pour intégrer un mode de scrutin régional”, mais gare aux champs de compétences. “Sur le principe d’une extension des compétences, je dirais oui, mais il faut d’abord que l’État accepte de mettre à niveau ces domaines-là”, à savoir les routes nationales, les lycées et collèges et l’université. Il ne faudrait pas que le conseil départemental se retrouve du jour au lendemain à tout gérer sans les lignes budgétaires correspondantes… Enfin, Mansour Kamardine espère obtenir “la reconnaissance de la francité de Mayotte à l’international”. Pour qu’à un prochain sommet de l’ONU, une délégation de Mahorais vienne expliquer à la communauté mondiale que “nous avons fait un choix libre”. Une bonne fois pour toutes !