Le Département de Mayotte divisé sur le renfort des médecins étrangers

Une loi de décembre 2023 autorise des médecins venant de pays hors Union européenne et sans qu’ils n’aient de diplôme français à exercer à Mayotte. Ce mercredi matin, le conseil départemental de Mayotte a approuvé avec une légère majorité la délibération sous réserve que ce soit l’ordre des médecins qui donne l’autorisation d’exercer.

Le problème d’attractivité du centre hospitalier de Mayotte s’est invité à la séance plénière du conseil départemental de Mayotte de ce mercredi matin, qui vient d’entrer en période de réserve électorale*. En effet, les conseillers départementaux étaient appelés à statuer sur une dérogation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2030 qui implique que « les directeurs généraux des agences régionales de santé de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte ainsi que le représentant de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent autoriser un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme, ressortissant d’un pays autre que ceux mentionnés au 2° du même article L. 4111-1 ou titulaire d’un diplôme de médecine, d’odontologie ou de maïeutique, quel que soit le pays dans lequel ce diplôme a été obtenu, à exercer dans une structure de santé située dans leurs ressorts territoriaux respectifs », comme l’indique le code de la santé publique.

Il s’agit là de l’adaptation mahoraise d’un dispositif qui existe dans les Antilles depuis la crise du Covid-19. Confrontées à des problèmes de sous-effectif dans leurs hôpitaux, Guadeloupe, Guyane et Martinique ont pu ainsi faire appel à ces médecins étrangers. Soumis à un manque similaire, l’archipel mahorais va suivre. Selon le président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, « ce dispositif a fait ses preuves ailleurs » et rappelle que la demande vient du territoire mahorais. « Avec les difficultés, la fermeture de services dans les centres du nord et du sud de Mayotte, je crois que si on utilise ce dispositif correctement, cela peut pallier nos difficultés », défend-il, admettant qu’il pense plutôt faire venir des médecins indiens sur le territoire.

« Des médecins dont on ne veut pas ailleurs »

Les élus, y compris de la majorité, sont divisés sur ce sujet. Zamimou Ahamadi, vice-présidente en charge des finances, dit « être partagée » et a peur « des abus ». « Nous, on exige qu’il y ait une clause pour que ces médecins soient soumis aux mêmes conditions de recrutement qu’en métropole », défend Mariam Saïd Kalame, le conseiller départemental du canton de Sada-Chirongui. Son collègue de l’opposition, Daniel Zaïdani, acquiesce. « Lorsqu’on se rend à l’hôpital, il y a une question qu’on ne devrait pas se poser. A savoir, est-ce que le médecin qui va prendre en charge mes enfants ou moi-même est compétent ? », note l’élu de Pamandzi, qui réitère sa demande qu’au moins une première année d’études de médecine puisse être faite sur le territoire mahorais, afin de favoriser la formation locale.

Sur la question des compétences, Abdoul Kamardine, conseiller départemental du canton de M’tsamboro, se veut rassurant. « Il faut qu’on fasse confiance au système sanitaire. Ils ne vont pas nous envoyer des médecins qui n’ont pas les fondamentaux. […] Il n’est pas dans l’intérêt du ministère de la Santé de nous envoyer des bras cassés », fait-il remarquer. Ce n’est pas l’avis plutôt tranché du Abdou Dahalani, le président du Cesem (Conseil économique, social et environnemental de Mayotte), qui s’est exprimé en début de semaine. « On prend le risque qu’on nous refourgue des médecins dont on ne veut pas ailleurs », alerte-il. Lui préfère un système qui ressemble un peu à ce qu’il se fait déjà, mais dans une version un peu plus organisée, avec une rotation constante de même médecins expérimentés sur le territoire. « C’est un dispositif qui existe déjà sur les territoires ruraux. »

Contre une décision rendue par l’ARS

Le conseillers voient un autre problème dans le processus mis en place dans le code de la santé publique, car c’est l’Agence régionale de santé qui donne l’autorisation au praticien d’exercer son territoire. Hélène Pollozec et Mariam Saïd Kalame rappellent que c’est l’ordre des médecins qui en a le pouvoir en métropole et défendent que ce principe soit adopté à Mayotte. « Comme nous tous ici, les personnes à l’ARS n’ont pas la capacité d’évaluer. L’ordre n’est pas consulté, pourtant, à part des médecins, personne n’est en capacité d’évaluer d’autres médecins », estime la première.

Ben Issa Ousseni a approuvé l’idée et une réserve a été rajoutée à la délibération. « Je propose que nous donnions un avis favorable sous réserve que ce soit l’ordre des médecins qui valide le recrutement de ces personnes », offre-t-il comme alternative. Celle-ci a été prise, mais en recueillant qu’une légère majorité des voix.

*Côté manifestations, et hormis « Mayotte Terre de Jeux » organisé ce samedi à Paris, les événements du conseil départemental sont placés en stand-by. La collectivité rentre dans une période de réserve électorale avec les élections législatives, les 30 juin et 7 juillet.

Ben Issa Ousseni veut tout verrouiller

Il n’est pas rare pendant les séances publiques du conseil départemental de Mayotte que les élus d’opposition activent leurs téléphones et filment leurs interventions dans l’hémicycle Younoussa-Bamana. Et le procédé utilisé par l’opposition n’a pas l’air pas du goût du président de la collectivité, alors que le Département de Mayotte est une des rares collectivités départementales qui ne retransmet pas ses travaux. « Les vidéos de séance ne peuvent être publiées qu’à partir du moment où la séance est close. C’est-à-dire à la séance d’après », rappelle-t-il. Celui-ci ne veut pas non plus que des rapports et des projets de délibération « circulent en-dehors de nos murs ». « Il ne peuvent pas être communiqués avant signature du procès-verbal. Ce sont des utilisations frauduleuses de nos documents », argue-t-il.

Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.

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