Cyclone Chido : après les annonces gouvernementales, la difficile mission de terrain de Manuel Valls

Resté après la visite du Premier ministre François Bayrou, Manuel Valls assure le service après les annonces gouvernementales en arpentant le département mahorais. Ce mardi midi, par exemple, c’était au tour des maires de l’ouest qu’il fallait convaincre, eux qui disent se sentir démunis face aux besoins de leur population.

Dix-sept jours après le passage du cyclone, le centre de commandement de la mairie de Chiconi continue de tourner pour assurer l’après-Chido. Sinistre, besoin alimentaire, eau, les requêtes sont nombreuses dans la commune de l’ouest, qui elle aussi s’est retrouvée comme déplumée par les rafales de vent. Ce mardi midi, à la tête d’un cortège de voitures de la préfecture et de forces de l’ordre, on pourrait croire que ce n’est pas quelqu’un dans le besoin qui s’est déplacé jusqu’à eux. Ou plutôt si, car sitôt le Premier ministre François Bayrou parti lundi, l’ex-occupant du poste, Manuel Valls, tente de convaincre du bien-fondé de l’action dans l’État face à des municipalités circonspectes. Il faut dire que les villages du nord de Grande-Terre, où le nouveau ministre de l’Outremer était plus tôt, et ceux de l’ouest continuent de faire face aux problèmes de réseaux électrique ou téléphonique. Seule l’eau semble y être revenue, mais dans les limites fixées par la production déficitaire (avec une alternance entre un jour avec eau (6h à 18h), une nuit le lendemain (de 18h à 6h), puis une coupure de 24 heures (6h à 6h)) et sans compter le manque de pression parfois au robinet. « 50% du bâti scolaire est endommagé. On compte, pour l’instant, 1.500 sinistres sur les 3.000 foyers recensés dans la commune », liste ainsi Mohamadi Madi Ousseni. Le maire de Chiconi insiste sur les charges supplémentaires générées pour des communes mahoraises qui ne roulent pas sur l’or. « De quelle manière la solidarité nationale peut compenser ? On est en attente de mesures fortes et d’une volonté d’y être associés », rappelle-t-il, alors qu’une partie des annonces de la veille concernent justement les municipalités, comme les travaux dans les écoles qui seront normalement à la charge de l’État.

Trois autres maires, tous de la communauté de communes du centre-ouest de Mayotte (3CO), étaient également présents dans le centre névralgique de Chiconi. Houssamoudine Abdallah, Issilamou Ahamada, Youssouf Ambdi, édiles respectifs de Sada, Tsingoni et Ouangani acquiescent. Eux aussi aimeraient un fonds exceptionnel pour leur mobilisation, ainsi que pour amorcer des travaux sur les bâtiments publics, dont les écoles pour moitié sont « hors d’usage » dans ce secteur de l’île aux parfums. Ils ont signifié leur volonté de réparer celles avec les dégâts les plus légers pour répondre à l’urgence de la rentrée dans deux semaines. Le premier fait remarquer qu’en période de saison des pluies, il « faut bâcher le plus rapidement possible ». Et quand Manuel Valls leur demande s’ils sont au courant que des bâches ont déjà été distribuées, ses interlocuteurs opinent, mais assurent qu’ils n’en ont pas vu la couleur. Comme le maire de Sada, celui de Tsingoni rapporte la difficulté de traiter les déchets, qui s’accumulent faute de ramassage, voire qui sont dus aux gravats, branchages ou aux équipements perdus pendant le cyclone. « On y passe beaucoup de temps, on mobilise des privés. Et quand on repasse à des endroits, on a l’impression qu’on n’a rien ramassé tellement il y a encore », regrette Issilamou Ahamada. « On vit un cauchemar depuis vingt jours », ajoute Youssouf Ambdi, arguant que si les administrés mahorais viennent souvent régler leurs problèmes en faisant appel à leur maire, les demandes sont décuplées avec la crise post-cyclone.

« Je pèserai de tout mon poids »

Écoutant avec attention, l’ex-Premier ministre (les élus ou les citoyens rencontrés confondent souvent ses fonctions anciennes et actuelles) a tenté de rassurer les représentants des collectivités locales en les remerciant et en félicitant Chiconi pour son exemplarité. « Pour que les choses bougent, il faut comme outils les maires et les services de l’État », promeut le ministre d’État en charge de l’Outremer. Il cite la loi d’urgence, qui serait décalée au conseil des ministres du 8 janvier et non plus le 3 janvier, qui serait une première réponse aux difficultés. Voulant montrer qu’il s’implique personnellement sur le sujet, il promet un retour « peut-être dans un mois » pour des concertations sur la loi programme qui suivra. « Je pèserai de tout mon poids pour que Mayotte soit majoritaire », promet-il au sujet de futurs arbitrages financiers. « On est conscients de la situation de l’école. Il faut que vos enfants soient accueillis dans les meilleures conditions possibles », continue-t-il, affirmant que le fonds d’urgence pour l’aide à l’habitat servira essentiellement aux maisons en dur. Sur l’électrification, il annonce l’arrivée au 10 janvier de 250 électriciens EDF pour accélérer les raccordements. L’enjeu est de taille, seulement 17% de Tsingoni a récupéré le courant par exemple, et c’est pire dans le nord-ouest de Grande-Terre.

Autre sujet de discorde, les vivres et les bouteilles d’eau sont trop rares pour aider les habitants. « A chaque distribution, il y a des déçus », note ainsi le maire de Sada. Un système d’inscription a donc été mis en place pour que ceux qui n’ont pas pu avoir ce qu’il faut lors des distributions précédentes. A Chiconi, il n’y a pas eu de ravitaillement en bouteilles d’eau depuis une semaine. En tout, 14.000 ont été distribuées…sur deux semaines et à destination des 12.000 habitants de la commune. Alors quand le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, fait remarquer que « les magasins sont ouverts », dans les rangs des employés municipaux, on pouffe.

En effet, depuis le passage de Chido, le 14 décembre, les supérettes du coin ne prennent pas la carte bancaire faute de pouvoir connecter leurs terminaux et aucun distributeur automatique de billets de banque n’existe dans la commune pour que les habitants puissent retirer du liquide.

Les acteurs du monde agricole à Coconi

A peine avoir quitté PC de Chiconi, l’ex-Premier ministre est monté en voiture pour s’aventurer sur les pistes récemment déblayées de la commune de Ouangani. Il y a constaté les nombreux dégâts provoqués par le cyclone sur l’agriculture locale. Cultures arrachées par la force des ventes, arbres fruitiers tombés, serres détruites, poulaillers à terre, la liste est longue pour des exploitants mahorais qui ont l’impression de repartir à zéro. A 14h, la délégation ministérielle avait ainsi rendez-vous pour une rencontre avec plusieurs acteurs du monde agricole au pôle d’excellence rurale (PER) de Coconi. Outre des indemnisations pour les pertes, la plupart demandent des simplifications administratives pour faire repartir les différentes filières. « La leçon de Chido, c’est qu’il faut des bâtiments en dur », donne comme exemple Guillaume Rubin. Le président et fondateur du groupe Ekwali-AVM compte remonter la filière volaille, en même temps qu’il espère réparer le site de production de Kahani. Car de nombreux producteurs de volaille, qui fournissent pour la marque « Mon Pouleti », ont perdu une partie ou la totalité de leur cheptel. La réunion, commencée avec une heure et demie de retard, s’est déroulée à huis clos.

Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.

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