Réunies ce jeudi avec la ministre des Outremers, Marie Guévenoux, et les services de l’État, les organisations salariales réclament une convergence sociale en 2026, tandis que le patronat planche sur 2031. Ce sera pourtant à eux de s’accorder lors d’une prochaine commission en rapport avec le projet de loi Mayotte.
Les mêmes prestations sociales à Mayotte qu’en métropole ? La convergence sociale souhaitée dans un premier temps pour horizon 2036 dans le pacte de de la départementalisation arrivera, mais quand ? Entre 2026, 2031 [date annoncée par le président de la République lors de sa campagne] et 2036, les réponses des organisations patronales et des partenaires sociaux divergent. C’est ce qu’a pu constater, pendant plus d’une heure, ce jeudi 4 avril, la ministre des Outremer Marie Guévenoux qui s’est entretenu, en huis clos, avec les acteurs économiques de Mayotte (chambres consulaires, organisations patronales et salariales) et les services de l’État réunis autour d’une même table au sein de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) à Mamoudzou.
C’est pourtant en local que le calendrier doit se décider. « Dans le cadre du projet de loi Mayotte, on considère qu’il faut aller vers la convergence sociale. Il faudra que les entreprises et les partenaires sociaux se mettent d’accord sur les modalités, quel calendrier, quelle cadence, pour quelles prestations », indique la ministre à l’issue. Une délégation et mission interministérielle travaillera sur le sujet, « pour nourrir la réflexion autour du projet de loi », et établir les différents scénarios en rencontrant les différents acteurs, « probablement autour de la commission consultative du travail ».
« Encore une fois, c’est aux entreprises de faire cet effort »
« C’est une prise de conscience de la réalité qui nous attend », réagit à sa sortie Carla Baltus, la présidente du Medef Mayotte. « La ministre a clairement dit que tout, tout de suite, sous la contrainte, ça ne marchera pas. Et que ce n’est pas non plus l’État qui paiera la facture. Donc encore une fois, c’est aux entreprises de faire cet effort financier qui, en face, se traduit par le rattrapage des droits des salariés », explique celle qui préfère tabler sur une convergence en 2031.
« Est-ce qu’on ne veut pas comprendre, on tue l’économie, on tue les emplois, ou est-ce qu’on essaie d’être raisonnable et que tout le monde fasse des efforts ? », justifie-t-elle, satisfaite d’avoir pu avoir un échange « sans nous vendre du rêve », mais déçue du montant de l’aide déterminé par l’Etat pour compenser les pertes économiques liées au contexte des barrages. « Le décret a été signé devant nous.15 % des charges plafonnées à 4.000 euros par entreprise. On avait dit que ce n’était pas suffisant. In fine, on verra bien combien d’entreprises y auront droit. »
« Ce n’est pas de la discrimination, c’est de la ségrégation »
Mais 2031, du côté des syndicats salariaux, ça ne passe pas. « À la limite 2026, mais je suis plutôt pour 2025 afin de trouver des solutions à ce problème », défend Ousseni Balahachi, secrétaire général de la CFDT Mayotte. « On n’est pas prêts à sacrifier la vie des salariés tel que les choses ont toujours été organisées avec des lois discriminatoires qui impactent lourdement la vie des salariés, les pénalisent à la fin de leur carrière. Certaines personnes vivent avec des pensions de misère de 150 euros », pointe celui qui compte « appeler à la mobilisation » le 1er mai, un rendez-vous qui « déterminera les actions à venir ».
« Je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas aujourd’hui un décret pour aligner le smic [8,80 euros smic horaire brut à Mayotte contre 11,65 en métropole depuis le 1er janvier 2024]. Ce n’est pas de la discrimination, c’est de la ségrégation car on parle de discrimination quand c’est au sein d’un même groupe avec les mêmes règles, là c’est de la ségrégation : dans un groupe, certains sont régis par des lois différentes », presse Haoussi Boinahedja. Le secrétaire général de la CGT Mayotte dit attendre « beaucoup » de cette loi Mayotte « pour corriger les anomalies » : alignement des salaires sur la métropole, alignement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités…
« Nous attendons simplement justice. Et si la loi n’aligne pas le smic, il faut qu’on le justifie par des données socioéconomiques », déclare celui qui se dit inquiet mais attend la prochaine visite de la délégation ministérielle pour exprimer son mécontentement. « Ce qu’oublient les entreprises, c’est que nous avons tous été lésés. C’est à l’Etat d’apporter l’aide car nous payons les mêmes impôts qu’ailleurs », tranche-t-il, balayant les problématiques de calendrier.