L’opposition dénonce déjà une chasse contre ses leaders, à l’instar de son porte-parole, Ibrahim Abdourazakou alias « Razida », déjà inculpé et placé en détention provisoire. En manque de légitimité auprès d’une partie de la population, le président Azali Assoumani ne supporte plus la contestation de sa réélection entachée pourtant de multiples irrégularités.
Presque trois mois après le récent double scrutin présidentiel et gubernatorial qui s’est tenu, le 14 janvier, la tension est à nouveau montée d’un cran ces jours-ci aux Comores avec des arrestations d’opposants ou des intimidations. Tous les ingrédients sont là à l’instar du discours tenu, ce 11 avril, par le président comorien, Azali Assoumani à l’occasion des vœux de la fête d’Aïd-el-Fitr. Une allocution qui montre bien à quel point le pays risque de replonger dans une escalade de violence. L’évènement qui se trouve en ligne de mire est l’investiture du 26 mai prochain, date qui doit marquer la prise de fonction officielle du président de l’Union, ainsi que celle des gouverneurs des trois îles indépendantes, déclarés élus par la cour suprême comorienne, malgré les irrégularités qui ont entaché le processus électoral dans sa globalité. Pendant son discours qu’il prononçait à la mosquée de vendredi de son village natal, Mitsoudje, le président comorien a annoncé la venue à Moroni d’au moins cinq chefs d’État pour assister aux festivités d’investiture. Et il a mis en garde tous ceux qui seraient tentés de jouer les perturbateurs. « Les évènements qui ont suivi la proclamation des résultats ne doivent plus se reproduire. J’appelle mes frères vaincus de l’autre camp de venir s’asseoir pour discuter de l’avenir de ce pays, car je suis le président de tous les Comoriens même ceux qui n’ont pas voté pour moi », a d’emblée déclaré l’ex-putschiste, dont la réélection lors de la dernière présidentielle est toujours contestée.
Déloger
A propos de l’arrivée des délégations étrangères, Azali Assoumani dit espérer que l’hospitalité qui a toujours été collée à l’image du pays ne fera pas défaut et que ces invités ne regretteront pas. « J’entends des bruits ici et là. Quiconque voudrait initier des troubles, il ne pourra pas les lier aux élections. Non. Ce sont des manœuvres visant à me déloger. Pour ça, ils n’ont qu’à se préparer jusqu’en 2029. Que chacun prenne ses responsabilités », a-t-il prévenu, durant son allocution en langue nationale. Ce discours a fait réagir. Candidat malheureux à l’élection présidentielle du 14 janvier 2024, et par ailleurs doyen du collectif des candidats du dernier scrutin, Aboudou Soefo a été très critique. « Ces menaces ne sont pas destinées uniquement aux cinq candidats de l’opposition. Du tout. Elles sont adressées aux milliers de Comoriens qui aspirent à un changement et réclament des élections libres et transparentes », a répondu l’ancien ami d’Azali Assoumani, dont il fut ministre des Affaires étrangères de 2002 à 2006. « Un président de la République n’a pas à proférer des menaces. S’il le fait, c’est qu’il est à bout, donc incapable de convaincreé, a enchainé, l’opposant vendredi, dans une émission accordée à un média social appelé Chaîne libre des Comores.
Trouble à l’ordre public
Pour le coordinateur du collectif des cinq candidats, Mohamed Jaffar Abbas, ce discours d’Azali n’a rien d’étonnant. « Il nous a toujours habitués à l’écouter quasi quotidiennement avec ses discours inaudibles. Ce qui est dommage, c’est qu’il se présente comme un président toujours en train de courir pour une reconnaissance. Et il croit que pour y parvenir, il doit toujours menacer et perpétuer le droit de la force au détriment de la force du droit. La vérité est têtue. Donc il peut menacer tant qu’il a la voix à le dire, mais cela n’entame en rien notre démarche pour la cause juste, celle de son non-élection », a rappelé ce dernier à Flash Infos. Si des pays comme la Chine, la Russie et dernièrement la France ont félicité Azali Assoumani, d’autres puissances et organisations à l’instar des États Unis et l’Union européenne ne l’ont pas encore fait. L’opposition, elle, continue de dénoncer les dernières élections et menace l’investiture. C’est d’ailleurs pour cette raison que le porte-parole des candidats de l’opposition se trouve en prison depuis bientôt une semaine. Ibrahim Abdourazakou alias « Razida » est en effet inculpé depuis le 8 avril pour « incitation à la violence et au trouble à l’ordre public ». Son crime est d’avoir prévenu la veille, lors d’un iftar qu’il n’y aura pas d’investiture le 26 mai, tout en appelant le peuple à s’unir avec l’opposition. « Nous ne sommes pas du tout surpris car, nous savions que, pour un régime honni, seule l’inacceptable torture, – tant morale que physique -, semble être son système pour asseoir la terreur. Les prisons se rempliront des prisonniers politiques, et les cimetières ne sont pas aussi hélas remplis que des morts naturels et normaux. Mais nous serons toujours là à décrier sa dictature », a martelé, Mohamed Jaffar Abbas.
Sur place, personne ne doute que les arrestations se poursuivront dans les semaines à venir.