Comores : Quatre journalistes condamnés pour dénonciation d’attouchements sexuels

Les reporters étaient sous le coup d’une plainte pour diffamation et injure après avoir dénoncé des faits d’attouchements sexuels dont seraient victimes des femmes journalistes de la télévision nationale des Comores. Les avocats de la défense envisagent de faire appel.

Le verdict est tombé, ce jeudi, après un report d’un mois. Ce 24 août, le tribunal correctionnel a enfin rendu son délibéré sur l’affaire qui opposait un cadre de l’office de radio et télévision des Comores (ORTC) à des journalistes, dont le correspondant à Moroni de RFI, Abdallah Mzembaba. La justice a condamné cet ancien rédacteur en chef d’Al-Watwan avec trois confrères à neuf mois de prison avec sursis. Une amende de 150.000 francs comoriens (300 euros) a été aussi prononcée contre tous les prévenus, dont Adjouza Abouheir, vice-présidente du syndicat national des journalistes comoriens (SNJC), Toufé Maecha, secrétaire de rédaction de la Gazette des Comores et Oubeidillah Mchangama de Fcbk Fm. Ils étaient tous poursuivis pour « diffamation et injure » par Hablani Assoumani, directeur opérationnel de la télévision nationale. Présents au tribunal ce jeudi, les avocats de la défense ont vivement critiqué la décision. « Nous avons démontré durant le procès que les éléments constitutifs de la diffamation n’étaient pas réunis. Légalement, il était extrêmement difficile de soutenir que les prévenus avaient consommé ce délit. Donc la condamnation est surprenante. Mais nos clients ont le droit de contester en interjetant l’appel », a fait savoir maître Fahmi Said Ibrahim, selon qui les condamnés disposent de dix jours pour faire appel. Rappelons que cette démarche une fois engagée, rend non seulement suspensif le délibéré, mais elle implique également un réexamen du dossier, comme si l’affaire n’a jamais été jugée. L’avocat promet d’aller jusqu’à la cour suprême s’il le faut, car il est convaincu que le droit n’a pas été bien interprété.

Peines prévues nulle part

Une déception que son confrère qui défendait Abdallah Mzembaba ressent. « La peine prononcée n’est prévue nulle part. Je me demande quels articles du code pénal ont été appliqués. D’autant que l’infraction n’est pas constituée. Je rappelle qu’un jour on partira, que nous soyons juges, avocats ou autre. Parce que J’ai l’impression que certains n’en n’ont pas conscience », regrette maître Saïd Mohamed Saïd Hassane qui continue de marteler que le verdict prononcé est « infondé ».  Quelques minutes après l’annonce du délibéré, Reporters sans frontières (RSF) a, dans un tweet, déploré le fait qu’aucune enquête n’ait été menée à ce jour et a demandé la relaxe des journalistes.

A l’origine de cette procédure judiciaire, un discours prononcé le 17 janvier dernier, lorsque la presse était invitée à Beit-Salam, la présidence comorienne, pour la traditionnelle cérémonie des vœux du nouvel an. Comme il est de coutume, le discours devait être prononcé par le syndicat des journalistes, représenté ce jour-là par sa vice-présidente. Dans son allocution, Adjouza Abouheir, a formulé plusieurs revendications, devant le président Azali Assoumani, comme la fin des attouchements sexuels dont sont victimes des consœurs de l’ORTC. « Une information faisant état d’attouchements évidemment non consentis, par au moins un homme, un supérieur, sur des jeunes femmes, évidemment de position hiérarchique inférieure nous a été remontée. Nous savons aussi que ce même homme promet des promotions à ces jeunes femmes si elles se laissaient faire », alertait la numéro deux du SNJC. Un mois plus tard, les ennuis judiciaires commencent. Deux plaintes sont annoncées, l’une de la direction générale de la télévision nationale, l’autre émanait d’Hablani Assoumani, le seul responsable de l’ORTC qui s’est manifesté jusqu’ici depuis l’éclatement de l’affaire. Pendant l’audience tenue le 22 juin, ce dernier a pourtant reconnu devant le jury, qu’il ne s’est jamais senti visé ni dans le discours du syndicat, encore moins le reportage rédigé par Abdallah Mzembaba, pour RFI. Cette disculpation n’a malheureusement pas fait infléchir le ministère public qui a requis une peine d’un an de prison dont trois ferme et une interdiction d’exercer. Le réquisitoire n’a certes pas été suivi à la lettre, mais les neufs mois de sursis prononcés, constituent un coup de massue pour la bataille de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, tranche Faïza Soulé Youssouf, présidente du SNJC. « Le tribunal de première instance par son verdict injuste, qui ne repose sur aucune base, a clairement choisi son camp. En outre, un sursis de neuf mois pour des journalistes, alors que nous entrons en campagne pré- électorale est un très mauvais signal », s’alarme la correspondante de Mayotte La 1ère à Moroni, pas prête à se taire, « en dépit de cette épée de Damoclès placée au-dessus de nos têtes, pour nous réduire au silence ».

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