Comores : Moscou autorisé à ouvrir sa première ambassade à Moroni

Une correspondance diplomatique du ministère comorien des Affaires étrangères a révélé l’information selon laquelle la Russie installera une ambassade aux Comores. Une autorisation que certains lient à la récente déclaration de Manuel Valls qui a assuré vouloir « soutenir » la base navale de Dzaoudzi, une décision vivement critiquée par les Comores. Le ministre des Outre-mer a également réagi en accusant la Russie de vouloir « nuire aux intérêts de la France » (voir encadré).

Selon un cadre du ministère comorien des Affaires étrangères, c’est un courrier diplomatique censé être confidentiel. Depuis ce mardi, les réseaux sociaux comoriens sont en ébullition après la fuite d’un document qui annonçait l’ouverture prochaine à Moroni d’une ambassade russe. Beaucoup n’y croyaient pas à leurs yeux et se doutaient de l’authenticité de la correspondance en date du 24 mars et qui est destinée à l’ambassadeur russe accrédité aux Comores, mais qui a résidence à Madagascar. « Le gouvernement comorien agréée la demande des autorités de la fédération de Russie, d’établir une ambassade auprès de l’Union des Comores. L’établissement de celle-ci permettra de rapprocher l’Union à la Fédération, qui entretiennent des relations depuis plusieurs années, et d’ouvrir de nouvelles perspectives de coopération entre les deux pays. A cet égard, à la demande de cette ambassade, les autorités russes pourront compter sur la disponibilité de la partie comorienne pour faciliter les démarches liées à cet établissement », précise le courrier dont l’authenticité a été confirmée par des autorités locales. Le 4 février, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait annoncé l’ouverture dans un avenir proche, de missions diplomatiques dans sept pays africains dont les Comores dans le but de renforcer les liens entre Moscou et le continent.

« Décision normale »

Selon une source du palais présidentiel comorien, la Russie va désormais chercher les locaux à louer. Ensuite, il y aura une demande d’agrément. Une fois la réponse donnée, s’ensuivra la présentation des lettres de créances. « Je ne comprends pas pourquoi des gens attendent que nous nous expliquions juste parce qu’un pays avec qui nous entretenons des relations diplomatiques depuis 1975 ouvre une ambassade sur place. Je rappelle qu’il y a toujours un ambassadeur nommé, sauf que sa résidence est à Madagascar. Maintenant, il s’installera à Moroni. Il faut noter que des pays ont fermé leurs ambassades à Moroni, faute de moyens. Si demain ils décident de les rouvrir, on va leur demander pourquoi. Je ne pense pas », a indiqué notre interlocuteur qui a qualifié cette ouverture d’ambassade par les russes de décision tout à fait normal, dès lors qu’on parle de deux pays liés par des relations diplomatiques presque cinquantenaires. Mais à l’heure où le monde connait des perpétuelles mutations, la présence d’une ambassade de Moscou à Moroni soulève néanmoins des questions. Déjà le timing fait parler. Dans les milieux des soutiens russes, la récente annonce du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, accordant à Paris une intention de vouloir « soutenir la base navale afin de garantir la surveillance permanente au plus proche du territoire [mahorais] », aurait contribué à l’octroi par le gouvernement d’Azali Assoumani de cet aval.

Enjeux géopolitiques

La diplomatie comorienne et la société civile de l’archipel avaient vivement critiqué la déclaration de l’ex-Premier ministre. « Le gouvernement comorien dénonce la teneur d’une telle annonce, hostile et contraire aux engagements pris par l’Union des Comores et la République française, de privilégier le dialogue au contentieux qui les oppose sur cette île« , avait réagi le ministre comorien des Affaires étrangères dans un communiqué, Mohamed Mbae. Le président de l’Assemblée des Comores, Moustadroine Abdou, a aussi condamné, le 25 mars, le projet du gouvernement français qui avait suscité des tensions entre les deux pays. Ainsi, des observateurs pensent que l’État comorien a autorisé les Russes à venir ouvrir une ambassade à Moroni, bien qu’il s’agisse d’un projet ancien, afin d’irriter la France. Il faut noter que Moscou, tout comme la République populaire de Chine, ont toujours dénoncé la présence française à Mayotte. Le 28 mai 2024, l’ambassadeur russe à Madagascar, Andrey Andreev, avait réaffirmé leur engagement à « soutenir les Comores dans leur démarche visant récupérer leur souveraineté sur l’ile de Mayotte ». Il avait également évoqué un projet d’ouvrir un centre culturel russe à l’Université des Comores. Au cours de cette conférence de presse, le diplomate a renouvelé la disponibilité de la Russie à accompagner les Comores dans la réalisation du plan Comores émergeantes (PCE), nom du document cadre issu de la conférence de bailleurs organisée à Paris, en 2019, pour lever des fonds destinés à développer l’archipel, qui fait partie des pays les plus pauvres du monde.

Au-delà de ces aspects, la venue de la Russie revêt un enjeu géopolitique, comme l’a souligné sur X, Laylã, spécialiste des enjeux du canal de Mozambique qui a rappelé que les pays des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) entretenaient déjà de très bonnes relations avec les Comores. Pas plus tard que le 22 mars, la marine indienne était en mission de trois jours à Moroni et y organisé une formation sur la sécurité maritime, en présence des hauts gradés de l’armée comorienne.

« La Russie cherche à nuire aux intérêts de la France »

Ministre des Outre-mer, Manuel Valls a réagi aux déclarations russes et à la volonté de la Fédération d’installer une ambassade à Moroni, la capitale comorienne. « La Russie cherche et cherchera à nuire aux intérêts de la France partout. L’installation d’une ambassade de la Fédération russe à Moroni aux Comores et les déclarations scandaleuses de la porte-parole du ministère des affaires étrangères russes accusant la France de « contrôler illégalement » l’archipel sont un signal clair de cette stratégie », estime l’ex-Premier ministre.
Partisan de davantage de fermeté envers les Comores et d’instaurer « une ligne rouge » vis-à-vis des revendications de Moroni, il tient à rappeler : « Nous défendrons toujours avec la même fermeté l’intégrité de Mayotte, département Français. C’est le choix souverain des Mahorais ».

Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
, 1er journal des ?? / @Reuters @el_Pais @mayottehebdo ??

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes

À la Une