Le secrétaire général du parti au pouvoir, a intimé les journalistes travaillant au sein d’Al-watwan de ne jamais critiquer les actions du pouvoir. Une déclaration qui a suscité l’ire de l’opinion publique. Le syndicat des journalistes a condamné ces propos, rappelant au ministre de la Défense qu’un journal d’État n’est pas synonyme d’organe de propagande au service du gouvernement.
Encore une « bourde » du ministre comorien de la Défense, Youssoufa Mohamed Ali. Le secrétaire général de la convention pour le renouveau des Comores (CRC) s’est attiré encore les foudres de l’opinion publique. Jeudi 19 janvier, lors d’une conférence de presse, alors qu’il était entouré des sympathisants du parti au pouvoir, ce proche collaborateur du président Azali Assoumani s’est adressé aux journalistes du quotidien Al-watwan, d’un ton un peu plus particulier. Selon sa déclaration, relayée sur les réseaux sociaux, les journalistes de ce média public, doivent seulement se contenter de relayer les actions du gouvernement, car ils sont payés par l’argent du contribuable comorien. « Vous ne pourrez pas utiliser les ordinateurs, les appareils photos et écrire ce que vous voulez. Car si j’étais le directeur d’Al-watwan je n’allais pas tolérer cela. Ou sinon vous iriez cultiver des patates ou ouvrir votre propre média », déclarait, le secrétaire général de la CRC, dont le président d’honneur n’est autre que le chef de l’État comorien. Ainsi, la directive est donnée par cet ancien directeur de cabinet chargé de la défense. Aucun média public ne doit dénoncer les mauvaises actions du gouvernement.
Service du peuple
Un discours que le syndicat national des journalistes comoriens (SNJC) s’est empressé de contester vigoureusement. Dans un communiqué publié le lendemain, soit le vendredi 20 janvier, les journalistes ont condamné les propos du ministre. « Le syndicat est choqué qu’un ministre d’un tel rang, un délégué à la défense ose menacer publiquement les journalistes, même si pour cela, il égratigne au passage le code de l’information, adopté sous l’actuelle législature », a écrit le bureau du SNJC qui a rappelé que tout comme les autres agents de l’État, les employés du journal Al-watwan sont payés grâce à l’argent du contribuable et non le gouvernement encore moins le parti au pouvoir. Ce faisant, les reporters des médias publics, à l’instar de l’Office de radio et télévision des Comores (ORTC), ainsi que les autres organes sont au service du peuple comorien et non d’un quelconque pouvoir, ont souligné de nombreux citoyens, révoltés par les propos du ministre. Cette sortie médiatique sonne comme une réponse au discours prononcé, deux jours plus tôt, à Beit-salam, à l’occasion des vœux du Nouvel an de la presse. Lors de son intervention, la vice-présidente du syndicat, Adjouza Abouheir, avait interpellé le chef de l’État sur ces ingérences. « Monsieur le président, il faudrait peut-être rappeler à chacun de vos ministres et directeurs qu’un média financé par l’État n’est pas un canard du gouvernement. Il faut dire à ces ministres qu’il est temps que cessent les intimidations aux journalistes », martelait la numéro 2 du syndicat.
Soigner les partisans de la CRC
Mais habitué aux incartades, le secrétaire général de la CRC voulait peut-être faire comprendre qu’il ne sert à rien de réclamer une indépendance au sein des médias de services publics. Une sortie médiatique qui a fait réagir de nombreuses personnalités. « C’est quand même sidérant qu’il soit difficile de comprendre que les médias financés par l’État sont des médias publics n’appartenant à aucun puissant parti politique. Sinon, messieurs, exigeons que les grands médecins en poste à l’hôpital El-maarouf prennent la carte du parti et qu’aucun praticien n’opère s’il n’a pas prouvé son adhésion », taclait Ali Moindjie, ancien directeur général d’Al-watwan. Abondant dans le même sens, Dini Nassur, acteur politique, a étrillé « Belou », surnom du ministre de la Défense. « Ils ignorent que ce n’est pas la CRC qui finance le journal, mais que c’est bel et bien le budget de l’État et que son parti n’est pas l’État », a-t-il clarifié. A ce rythme, a ajouté cet ancien ministre, il est à craindre que bientôt, il sera demandé aux employés des hydrocarbures et à ceux de la société d’électricité de ne fournir en carburant et du courant qu’aux familles la CRC, a-t-il ironisé. Idriss Mohamed, président du parti Ukombozi, a lui rappelé au ministre grisé par la réussite d’après ses mots, que sa diatribe est futile et reflète une image fidèle à la pensée antidémocratique du chef de la CRC, Azali Assoumani, qualifié de dictateur par ses opposants.