Comores : Le ministre de l’Énergie limogé, mais pas à cause des délestages

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Ali Ibouroi, qui a rejoint le gouvernement d’Azali Assoumani, depuis le dernier remaniement du 26 août 2021, aurait fait les frais de ses dissensions avec le secrétaire général du parti au pouvoir, Youssoufa Mohamed Ali, actuel délégué chargé de la Défense.

Le décret de remplacement publié vendredi en fin d’après-midi ne faisait guère l’ombre d’un doute sur son caractère « punitif », si on peut le dire. Car sur une liste de douze ministres et deux secrétaires d’État nommés ensemble, il y a deux ans, Ali Ibouroi est le seul ministre à être éjecté ce 11 août. Le président Azali Assoumani n’a pas fait semblant de procéder à un remaniement technique. Loin s’en faut. Le chef de l’É<tat comorien a signé un décret comportant seulement le nom du ministre de l’Énergie, de l’Eau et des hydrocarbures, ainsi que celui de son successeur. Une méthode qui a beaucoup fait parler. Ailleurs, un tel limogeage intervient souvent après une faute grave commise par l’intéressé. Mais ce n’est pas en raison des délestages qui pourtant frappent le pays en ce moment que le ministre de l’énergie a été remercié. Ali Ibouroi a sauté dans un contexte de guerre de leadership l’opposant au tout puissant secrétaire général de la convention pour le renouveau des Comores (CRC), le parti présidentiel. Le désormais ex-ministre de l’Énergie et Youssoufa Mohamed Ali, actuel ministre de la Défense, ne sont pas en bons termes depuis un moment. Au point que ce dernier aurait glissé à certains proches qu’il ferait tout pour se débarrasser de celui qu’il considérait comme un rival dans son fief, a soufflé un partisan bien renseigné du parti au pouvoir, lequel tenait son congrès ce week-end, à Moroni.

Les Assoumani hués

Mais si ces bisbilles ont d’une façon ou d’une autre contribué au limogeage de l’enfant de Bandamadji, chef-lieu de la circonscription de Domba, au sud-est de la Grande Comore, il y a d’autres causes qui entrent incontestablement en ligne de mire. A commencer par le conflit qui déchire la région du Mbadjini dans sa globalité, où sont originaires le patron de la CRC et son rival, ancien ministre de l’Énergie. La raison ? Un récent découpage électoral adopté en février par le parlement et soutenu par le numéro un du parti au pouvoir, mais qui ne respecterait pas la répartition traditionnelle de l’île, estiment ses pourfendeurs. La création d’une nouvelle circonscription ne passe donc pas. Les habitants du village de l’ancien ministre y sont farouchement opposés. Ces derniers n’ont même pas hésité à huer le couple présidentiel qui s’était rendu dans leur village, le 14 avril 2023, présenter les condoléances à un proche endeuillé. Des fidèles avaient même déserté la mosquée pour ne pas effectuer la prière funéraire derrière Azali Assoumani. Un acte perçu comme un affront surtout, étant survenu dans la localité, où est originaire le ministre de l’Énergie. Enfin, Ali Ibouroi s’est récemment retrouvé au cœur d’une polémique. Il a nié tout lien avec un projet de loi sur le code pétrolier, soumis pour examen, lors d’une session extraordinaire, clôturée le 27 juillet. Cette déclaration n’aurait pas plu aux autorités. D’autres sources également indiquent que l’ex-ministre de l’Énergie aurait alerté le chef de l’État sur la situation inquiétante de la société nationale des hydrocarbures, dirigée par le puissant neveu d’Azali Assoumani. Cette batterie de facteurs expliquerait aujourd’hui son remplacement, concluent tous les proches du pouvoir que nous avons interrogés. Sa place sera occupée à présent par Hamada Moussa alias « Aby ». Ancien candidat à l’élection du gouverneur de la Grande Comore en 2016, cet inspecteur du trésor fut directeur général des impôts pendant quatre ans (2011-2015).

Il faisait aussi partie des lieutenants de Mohamed Ali Soilihi, ex-vice-président, condamné à vingt ans de prison ferme dans l’affaire de la citoyenneté économique.  Opposant déclaré à Azali Assoumani, il s’est exilé en France deux mois avant l’ouverture de son procès.