Dans un contexte économique difficile, où l’inflation frappe de plein fouet les ménages, la somme allouée aux festivités de la fête nationale, ce jeudi 6 juillet, passe mal chez une partie de la population. Une conférence de presse de la présidence sur les préparatifs de la journée a même été annulée in extremis.
Les Comores célèbrent leur 48ème anniversaire de l’indépendance, ce jeudi. Toutefois, le budget alloué aux festivités fait déjà parler. L’information a été relayée dans le quotidien de l’État, Al-watwan. Dans son édition du mercredi, le journal de service public est le premier à révéler le montant des dépenses que les autorités comptent engager lors de la fête nationale, qui sera célébrée ce 6 juillet, à Moroni. Le média a avancé la somme de 310 millions de francs comoriens, soit donc près de 630.230 euros. L’informateur, cité par le journal comorien qui a opté pour l’anonymat, n’a pas livré de détails sur l’utilisation de cet argent. Il a juste précisé que les fonds avaient augmenté par rapport à 2022, où le budget était de 288 millions de francs. Est-ce en raison de l’arrivée d’un président étranger ou parce que la semaine était rythmée par une série d’activités ? Aucune explication n’a été livrée par le gouvernement. Mardi, le secrétaire général du gouvernement comorien, Daniel Ali Bandar, devait tenir à la présidence une conférence de presse sur les préparatifs de la fête. Mais, celle-ci sera annulée après que les organisateurs l’ont repoussée de deux heures. Un agenda trop chargé dit-on du côté du service de communication pour justifier l’annulation de la rencontre avec les journalistes dont certains se trouvaient déjà en route lorsqu’on leur a annoncé la nouvelle. M. Bandar, était-il vrai ou faux occupé ? Si oui, pourquoi ne pas planifier la conférence pour le lendemain d’autant plus que le pays s’apprête à attendre des invités de marque ?
Réhabiliter le lycée de Moroni
Selon des informations non démenties jusque-là, le président kényan, William Ruto, le vice-président de l’assemblée et le ministre de l’Économie camerounais prendront part à la fête nationale. Mais, la polémique à propos du budget annoncé continue d’enfler. Surtout en raison du contexte actuel marqué, par une inflation galopante. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont vivement critiqué la somme évoquée. Cet argent, préconisent certains d’entre eux, aurait pu servir ailleurs, comme la réhabilitation du lycée Said Mohamed Cheikh. Cet établissement de référence qui a vu passer la majorité de l’élite comorienne, est dans un état de délabrement. Il pourrait être rénové dans le cadre de l’accord de 150 millions d’euros signé en 2019 entre Moroni et Paris. Celui-ci dispose d’un projet sur le secteur éducatif avec un volet consacré à la réhabilitation de salles de classes. D’autres citoyens regrettent que le pouvoir n’ait pas suivi l’exemple de la Tanzanie voisine. L’année dernière, sa présidente, Samia Suluhu Hassan, avait décidé d’affecter les 445.000 dollars [221.563 euros de moins que celui des Comores] de la fête nationale dans la construction de dortoirs pour les enfants dans les écoles primaires du pays. En 2020, son prédécesseur, feu John Magufuli, avait annulé les célébrations pour acheter des installations médicales. Cinq ans plus tôt, trois semaines après sa prise de fonction, il a exigé que les fonds soient utilisés pour construire une route à Dar es Salam.
« L’opulence où nage une infime partie »
On peut donc dire que ce ne sont pas les difficultés qui manquent dans l’archipel : des écoles publiques sans tables ni bancs, des problèmes d’eau, pour ne citer que ceux-là. Voilà pourquoi la fuite du budget des festivités de la fête de l’indépendance suscite des grincements de dents. Le secrétaire général de la confédération des travailleuses et travailleurs des Comores (CTC) dénonce des dépenses « non urgentes », à un moment où les retraités sont laissés pour compte. « Oui pour la fête mais pas jusqu’à abandonner ceux qui ont servi ce pays loyalement », a ajouté, Salim Soulaimana. Le mouvement Naribarkishe yi komori a également réagi. « Un budget de 310 millions pour un pays au bord d’une crise socio-économique est injustifiable. Une fête qui n’a jamais profiter à la masse. Demain, ce sont les amis et proches d’Azali qui vont profiter de ces millions. Mais c’est bien connu que parmi les marques d’une dictature, il y a l’opulence où nage une infime partie au détriment de la population », a enfoncé le premier secrétaire national de ce parti antisystème, Salim Youssouf Idjabou. S’il considère que la fête nationale reste un symbole politique important, l’opposant maître Ibrahim Ali Mzimba estime lui aussi « qu’on doit tout de même éviter les dépenses ostentatoires pour un pays qui ne dispose que de très peu de ressources ».
Reste à savoir si le prochain président rectifiera ou pas le tir l’année prochaine.