La chambre constitutionnelle a rejeté une requête, introduite début février par le parti d’opposition Orange, qui avait contesté de nombreux articles de la loi sur l’élection présidentielle. L’un d’eux notamment proclame l’interdiction frappant les citoyens détenteurs de plusieurs nationalités de briguer la magistrature suprême.
Les prétendants sont déjà avertis. Aucun Comorien binational ne pourra se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2024. Malgré les critiques nées après son adoption, fin décembre, la nouvelle loi sur l’élection du président de l’Union des Comores, a été promulguée ce lundi 6 mars. Les quelques amendements apportés par les députés, réunis en session extraordinaire, mercredi dernier, ne concernaient pas les principales dispositions dénoncées par l’opposition. Seuls quelques travaux de reformulations d’articles ont été constatés. La cour suprême, qui vérifie si les lois votées sont conformes à la constitution, avait exigé la correction de certains articles : 6, 7, 12, 17 et 20. Globalement, les modifications n’ont pas touché les principaux points à l’origine des différentes controverses ayant occupé le débat politique au cours de ces trois derniers mois. C’est le cas par exemple de l’article 7, gardé en tant que tel. Celui-ci stipule noir sur blanc que le Comorien candidat à l’élection présidentielle, titulaire d’une ou plusieurs autres nationalités autre que la nationalité comorienne, est tenu de renoncer définitivement à sa ou ses autres nationalités étrangères, dans les formes et conditions de la législation des états étrangers dont il a acquis la nationalité.
L’idée des parrainages validée
L’article 8 également décrié, n’a connu aucun changement. Cette disposition impose aux candidats souhaitant briguer la magistrature suprême le recueillement de 3.000 signatures d’électeurs repartis sur le territoire national, au risque d’être recalé. Saisie par le parti Orange, la chambre constitutionnelle de la cour suprême s’est donc prononcée le 15 février. La haute cour a ainsi jugé irrecevable la requête. Le parti de l’ancien ministre de l’intérieur, Mohamed Daoudou, considérait inconstitutionnels certains articles de la loi sur la présidentielle. Sur la liste, ils avaient cité l’article excluant les binationaux et celui relatif aux parrainages. « Ce système de parrainage tel qu’il y est proposé est contraire au principe de la continuité du territoire et à la disposition constitutionnelle qui stipule que tout citoyen doit pouvoir participer librement et de plein droit à la vie politique nationale sans restriction. En général, le parrainage se fait sur le plan national, la nation étant unie et indivisible », pouvait-on lire sur la saisine du parti Orange, qui avait aussi attaqué l’article 12 de la loi. Ce dernier, portait sur le versement d’une attestation prouvant la renonciation de la nationalité étrangère. Mais ces arguments auront servi à rien puisque la haute cour n’a pas étudié la requête. Pour justifier l’irrecevabilité, la chambre constitutionnelle de la cour suprême, a invoqué un défaut de qualité. Seul le président de l’assemblée est habilité à demander la constitutionnalité des lois organiques. Après l’adoption de la loi, elle est transmise dans les huit jours suivant son vote. En effet la nouvelle constitution de 2018 a supprimé la possibilité de tout citoyen de saisir la haute cour. Un recul démocratique de taille, notait un juriste de la place. L’ancienne loi fondamentale n’avait pas verrouillé la saisine de la cour constitutionnelle, liquidée par un décret en 2018, après le transfert de ses compétences vers la cour suprême, dont les membres sont tous nommés par Azali Assoumani. Dans son article 36, l’ancienne constitution stipulait que « tout citoyen peut saisir la cour sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure d’exception d’inconstitutionnalité dans une affaire qui le concerne devant une juridiction de l’Union des Comores ou des îles ».
Les ministres binationaux pas concernés
Depuis que la proposition a été transmise à l’assemblée par le ministère de l’intérieure, la loi sur l’élection du président de l’Union des Comores est sous le feu des critiques pour deux raisons principales : l’exclusion des binationaux et l’instauration du système de parrainage. Lors de la cérémonie des vœux de Nouvel an de la presse, Azali Assoumani, élu le 18 février à la tête de l’Union Africaine, disait assumer cette nouvelle règle du jeu. Ses ministres ont toujours mis l’accent sur la nécessité de protéger une fonction aussi importante comme la magistrature suprême contre les conflits d’intérêts au cas où le président serait binational. Un raisonnement balayé par une partie de l’opinion et autres politiques qui rappellent la nuance entourant la loi. Le texte autorise en fait les binationaux à devenir ministres, gouverneurs, en gros à occuper tous les postes stratégiques qui puissent exister. Comme si ces fonctions ne présentaient aucun risque d’intelligence avec des puissances étrangères. L’opposition aime enfin rappeler que ceux qui ont dirigé les Comores depuis son indépendance jusqu’à nos jours ne possédaient pas d’autres citoyenneté, excepté un. Pourtant le pays est sous-développé.
Le front commun des forces vives contre la dictature estime simplement que le locataire de Beit-Salam cherchait un moyen de barrer la route à tous les potentiels adversaires binationaux. D’autant plus qu’une élection est prévue en 2024/