Alors qu’il était fortement pressenti et entretenait aussi le mystère sur la question, Nour El Fath n’a finalement pas brigué le secrétariat national de la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC), le parti au pouvoir. Pour autant, on prête au fils aîné du président comorien une influence grandissante. Si bien qu’il est sûr que l’on n’a certainement pas fini d’entendre parler de lui.
La Convention pour le renouveau des Comores (CRC), le parti présidentiel, était en congrès à Moroni, les 12 et 13 août. L’occasion pour la formation politique du chef de l’Etat comorien, Azali Assoumani, de revoir ses statuts, tracer les lignes directrices et resserrer les rangs à moins de six mois des élections présidentielle et gubernatoriales. Toutefois, un sujet en particulier attirait toute l’attention, notamment, l’élection du secrétaire national de la formation politique. Parmi les noms qui circulaient pour prendre la tête du parti, figurait celui de Nour El Fath Azali ou l’un de ses obligés, dont certains sont présents dans tous ses déplacements. Le fils aîné du président de l’Union des Comores qui a toujours démenti toute appétence présidentielle, est depuis quatre ans, propulsé sur le devant de la scène. On lui prête parfois une influence grandissante dans les affaires de l’État. Même si à la veille du congrès, l’intéressé niait carrément vouloir diriger le parti de son père, sans pour autant fermer la porte. Toujours est-il que le secrétaire national sortant, Youssoufa Mohamed Ali, seul candidat à sa propre succession, a été reconduit par les militants pour un second mandat de quatre ans. En revanche, il n’est pas exclu que la garde rapprochée de Nour El Fath parte à l’assaut du bureau de la principale formation au pouvoir, confirmant un peu plus les ambitions de ce jeune homme qui a fêté ses 39 ans, le 6 juillet dernier.
Inconnu avant 2019
Durant les deux jours d’échanges, les congressistes ont, en plus de la révision des textes statutaires et réglementaires, adopté des résolutions concernant les partenariats sur le plan international et national. Le parti a également réitéré son total soutien à « la politique du président de la République et son leadership à mener à bien, avec l’appui des partenaires bi et multilatéraux, le Plan Comores Émergent (PCE) aux fins de parvenir à traduire les ambitions de l’État en matière de développement socio-économique au profit du pays et du bien-être de la population comorienne », ajoute la déclaration finale. Toutefois, avant ce congrès, dans la perspective des élections à venir, dont le premier tour est prévu en janvier 2024, la CRC a organisé des tournées dans les localités pour enrôler de nouveaux militants. Au cours de celles-ci, le fils du président adoptait une posture de politicien. Aussi, dans tous ces rassemblements, Nour El Fath prenait le soin de prononcer une allocution. Néanmoins, cette montée en puissance passe mal chez certains ténors du parti.
Inconnu du grand public depuis l’arrivée au pouvoir de son père en 2016, l’aîné de la famille Azali a commencé à occuper l’espace après sa nomination, en 2019, au poste de conseiller privé du président. En octobre 2021, son nom est apparu dans le scandale des Pandora Papers. Cette enquête du Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) révélait les noms de plusieurs dirigeants et hommes d’affaires, adeptes des paradis fiscaux et des sociétés offshores. A l’époque, Nour El Fath reconnaissait avoir ouvert en 2018, une société de conseils en audit, aux Émirats Arabes Unis avant de la fermer un an plus tard. Une activité qui n’a rien « d’illégal », se défendait-il.
Soumission ou marginalisation
Cependant, son apparition dans cette liste avec d’autres personnalités sulfureuses n’a pas entamé son ascension. Bien qu’officiellement il n’occupe que le poste de conseiller privé, en charge des affaires économiques, Nour El Fath est presque partout, au point de faire de l’ombre à de nombreux ministres et caciques du parti au pouvoir. Récemment, il se targuait d’avoir aidé l’archipel à réchauffer ses relations bilatérales avec la France, ainsi que les Émirats Arabes-Unis. En dehors de la diplomatie, il s’attribue aussi les nominations de jeunes à la tête de certaines sociétés d’État, dont la société nationale de pêche ou encore le média Al-Watwan. « Il y a certes quelques personnalités qui n’iront pas se prosterner devant lui, comme le font d’autres, mais personne n’ose le contredire. C’est aussi une manière de montrer qu’il pèse », a assuré un ami de longue date de Nour El Fath. Un partisan de la CRC a indiqué qu’au sein du parti, ceux qui ne se prosternent pas sont systématiquement ostracisés. « Je pense qu’on lui accorde trop de pouvoir qu’il n’en a pas en réalité. La plupart de ses obligés le vénèrent uniquement pour préserver leurs postes », a rectifié un sympathisant du parti présidentiel. Lors du congrès de ce 13 août, où il était le président d’organisation, le fils aîné du chef de l’Etat a promis d’impliquer la jeunesse dans le développement du pays. « Je ne suis candidat à quoi que ce soit », assurait-il de surcroît, dimanche, tout en acquiesçant que d’autres étaient plus expérimentés que lui.
En tout cas, la position occupée par « le fils » est vivement critiquée par une bonne partie de l’opinion. Candidat déclaré à la présidentielle de 2024, Aboudou Soefo dénonçait début juillet les intentions des proches d’Azali Assoumani qui voudraient « transformer les Comores en monarchie ».