Craignant pour sa vie, Youssouf « Akoulay » Hassani est arrivé à Mayotte en juillet 2022. Cet ancien agent des renseignements comoriens a quitté les Comores en catastrophe, puisqu’il a refusé l’ordre d’empoisonner un de ses proches. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt depuis. Témoignage.
« Ils m’ont dit : « on va t’utiliser maintenant » », se souvient Youssouf Hassani, surnommé « Akoulay ». Celui-ci raconte une scène qui se passe dans le camp militaire de Kandani, en Grande-Comore, en juillet 2022. L’ex-policier municipal de Moroni, âgé de 44 ans et qui n’a pas fait long feu dans les renseignements comoriens, a simplement répondu « ok », sans savoir que cela l’amènerait à fuir son pays dans la foulée. Appâté par un meilleur salaire davantage qu’une fidélité au régime d’Azali Assoumani, l’homme à l’allure élancée assure qu’il suivait jusque-là les manifestations en civil ou ce qui pouvait être dit dans la rue. L’intérêt est tout trouvé pour son employeur quand il est recruté en 2021, car il connaît tout Moroni. « J’ai fait de l’Université de la rue, je connais beaucoup choses. Tout le monde me connaît là-bas », explique-t-il. Cependant, en rejoignant le bâtiment B2 du camp de Kandani (celui du renseignement), il savait qu’il n’était pas à l’abri de devoir exécuter de basses besognes. Car son ancien commandant l’avait prévenu. « Un jour, on aura besoin de t’utiliser. Quand ça arrivera, il faudra que tu sois prêt. »
Un an plus tard, c’est précisément de ça dont il s’agit quand on lui demande d’éliminer un homme contre 500 euros et un visa pour la France. Sa cible ? Farid Abdou Salam, le petit frère du commandant Faissoil Abdou Salam. Ce dernier, ancien cadre de l’armée comorienne, a trouvé la mort lors d’une tentative d’évasion de la prison de Moroni en 2019, alors qu’il purgeait une condamnation pour un coup d’État manqué l’année précédente. Son petit frère, qui n’a pas digéré la mort de son aîné, n’est pas seulement un voisin d’« Akoulay », c’est aussi un ami avec qui il traîne souvent. Une bouteille de poison dans la poche (il devait le verser dans un verre), l’ancien policier se souvient avoir jeté la canette de coca qu’on venait de lui offrir dans la poubelle en sortant du camp, puis rejoint le centre de Moroni. Loin de suivre les ordres, il est allé retrouver son camarade sur la place publique où ils se croisent souvent pour tout lui avouer, qu’il était lui-même un agent des renseignements, que son ami devait craindre pour sa vie. « Je lui ai dit que si ce n’est pas moi, un autre le ferait sûrement contre la même chose », raconte-il.
Pas de retour en arrière
En enfreignant les règles, « Akoulay » s’est lui-même mis en danger. Sa tante, qu’il considère comme sa mère (ses parents sont décédés), lui a conseillé alors de partir. Ce qu’il a fait en prenant la décision de quitter précipitamment les Comores, laissant sa fille à sa belle-famille, en passant par Mohéli puis Anjouan. « J’ai eu l’entretien à la caserne, le 6 juillet 2022. Le lendemain, minuit, j’étais sur le bateau entre Anjouan et Mayotte. » Il découvrira plus tard qu’un mandat d’arrêt, dont il nous a fourni la copie, a été émis à son encontre pour « abus de confiance ». « A Anjouan, j’ai jeté la bouteille de poison avant de monter dans le bateau. Je me suis dit que si on avait été interpellé par la police aux frontières (PAF), ça m’aurait causé plus de problèmes. » Arrivé finalement ici, il habite à Mamoudzou et a fait une demande d’asile dont il attend toujours la réponse. En situation irrégulière, il vit de petits boulots et prend soin d’éviter les contrôles de la PAF. « Je sais que si je suis arrêté et expulsé, on m’attendra dès la sortie du bateau. Aux Comores, les prisons ne sont pas comme ici », rappelle celui qui n’a pas que des amis dans la communauté comorienne installée ici.
En effet, il sait que sa présence à Mayotte met mal à l’aise ceux qui l’ont déjà croisé à Moroni. « Les renseignements comoriens agissent même ici à Mayotte », fait remarquer l’ancien policier.
Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.