Des jeunes ont voulu interrompre un iftar organisé par Idrissa Saïd, le président de la commission nationale électorale indépendante des Comores, chez lui, en Grande-Comore. Les forces de l’ordre sont intervenues. Un jeune émeutier de 16 ans a même été blessé par balle.
Presque trois mois après la publication des résultats définitifs de l’élection donnant Azali Assoumani, vainqueur de la présidentielle, la tension semble toujours palpable dans l’Union des Comores. C’est du moins ce qui ressort au vu des évènements survenus ce dimanche. A Singani, localité située à vingt kilomètres au sud de Moroni, la capitale, des échauffourées ont éclaté, ce dimanche 24 mars, entre des jeunes et les forces de l’ordre. Les premiers ont attaqué le domicile du président de la commission électorale nationale indépendante (Ceni), Idrissa Saïd, originaire de cette même localité. Un bilan provisoire fait état de trois blessés dont un jeune adolescent touché à la jambe par balle. Un gendarme aurait également été poignardé à l’arme blanche. L’oncle de l’épouse du président de la commission électorale a été violemment molesté par les émeutiers alors qu’il marchait dans la rue.
La raison de la colère de la jeunesse est l’invitation par le chef de la Ceni de quelques amis dont certains jugés proches du pouvoir dans un iftar (rupture du jeûne pour les musulmans). Durant ce mois de ramadan, une période de convivialité, il n’est pas rare de voir des personnalités inviter chez elles des connaissances ou des collègues pour le ftour (fin du jeûne). Ces moments mobilisent souvent du monde. C’est donc ce que voulait faire le président de la Ceni accusé jusqu’alors par l’opposition et une partie de l’opinion d’avoir accordé la victoire à Azali Assoumani, malgré les cas de fraudes avérés. D’ailleurs, depuis la proclamation des résultats, Idrissa Saïd est devenu persona non grata chez lui, à Singani où est originaire également l’opposant, Bourhane Hamidou, arrivé à la quatrième position lors de l’élection du 14 janvier.
Mise en garde
Toutefois, en dépit de ce climat d’hostilité, le numéro un de la commission électorale a maintenu son évènement. « Depuis 16h, on constatait que l’atmosphère était tendue. Dès l’entrée du village, des pierres avaient été entassées dans les trottoirs sur le long de la route. Les émeutiers portaient des turbans de couleur rouge et se cachaient les visages », a raconté un témoin oculaire, qui a assisté aux évènements. Selon notre source, alors que l’heure du « ftour » approchait, les manifestaient ont commencé à enflammer des pneus sur le chemin menant au domicile du président de la Ceni ainsi que derrière sa maison. « Entre-temps, les provocations commencèrent à prendre un ton agressif. Ils insultaient les gardes du corps du président de la commission électorale. Pendant que les autres jetaient des projectiles en direction du domicile où les invités s’étaient retranchés. A un moment, le garde du corps a précédé à un tir de sommation. Mais rien n’y faisait », a enchainé notre source qui a confirmé qu’au final aucun membre du gouvernement n’avait fait le déplacement.
Le ministre comorien des Affaires étrangères, Dhoihir Dhoulkamal, ami du président de la Ceni, était parmi les invités attendus. Mais il n’est finalement pas venu à cause du climat qui a nécessité l’intervention des forces de l’ordre. Jusqu’à 23h du dimanche, les gendarmes s’y trouvaient encore faisant pleuvoir des gaz lacrymogènes.
Lundi matin, des éléments de la gendarmerie gardaient encore la maison visée la veille, tandis que le notable a été exfiltré la veille vers 23h avec sa belle-mère selon nos informations. La ville, elle, semblait déserte pendant que les pneus incendiés étaient éparpillés sur le long de la route. Un véhicule d’un invité a même été calciné. Au moment où nous écrivions ces lignes, l’opposition réunie chez le candidat Hamidou Bourhane a condamné ce coup de force et a imputé cette responsabilité au président de la Ceni. L’opposition a promis de se rendre à Singani une fois que la paix sera retrouvée. « Qu’ils sachent que partout dans le monde, l’armée n’est jamais parvenue à venir à bout de peuple », a rappelé l’ancien porte-parole du Front commun élargi des forces vives comoriennes contre la dictature, Ibrahim Abdourazak Razida. Un habitant interrogé, ce lundi vers 16h, a avancé le chiffre de vingt personnes arrêtées dont une femme enceinte.
« Les forces sont toujours présentes. On n’ose pas sortir dehors. Tout est calme », a-t-il ajouté. Nous avons tenté d’avoir une réaction du parquet en vain.