Comores : Azali invite ses opposants exilés à rentrer au pays à un an de la présidentielle

Cette main tendue ne concerne pas en revanche l’ancien vice-président, Mohamed Ali Soilihi, condamné à vingt ans de prison lors du procès de la citoyenneté économique. Craignant d’être arrêtés une fois sur place, les autres opposants qui ont fui le régime d’Azali Assoumani exigent plus d’actes concrets, notamment la libération des détenus emprisonnés. 

Un vent d’apaisement va souffler aux Comores ? A une année des élections présidentielles et gubernatoriales, le président Azali Assoumani, au pouvoir depuis 2016 tente de donner des gages de bonne volonté à ses opposants. Lundi, le ministre de l’intérieur, Fakridine Mahamadoud a publié à la surprise générale, une note invitant les exilés à rentrer au pays. « Dans le cadre d’une volonté renouvelée d’affermir la concorde nationale telle qu’exprimée par le Président de l’Union des Comores, Azali Assoumani, surtout en ce temps où notre planète est particulièrement minée par des conflits et soubresauts, les personnalités politiques des Comores actuellement en exil à l’étranger sont formellement informées qu’elles peuvent rentrer en toute tranquillité et quiétude en Union des Comores », informe, le communiqué, publié lundi soir sur la page Facebook du ministère comorien de l’Intérieur. Cette main tendue soulève néanmoins des questions dans la mesure où, les critères des bénéficiaires n’ont pas été mentionnés. Et d’après le porte-parole du gouvernement comorien, l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi n’est pas éligible. Réfugié en France avant sa condamnation à vingt ans de prison dans l’affaire de la citoyenneté économique, Mamadou comme on l’appelle n’est donc pas autorisé à rentrer. Il peut selon le gouvernement demander une grâce. A un an des élections, l’appel aux exilés est perçu comme une façon pour le pouvoir de redorer son image.

Élection en vue

En 2024, les comoriens seront appelés aux urnes pour élire leur président de la République et les Gouverneurs des îles. « Or un véritable apaisement du climat politique est nécessaire pour permettre à toutes les comoriennes et tous les comoriens de pouvoir exprimer leurs opinions sur le devenir du pays », reconnait le communiqué du ministère, largement relayé sur les réseaux sociaux, où de nombreux citoyen ont donné leurs points de vue. Le Front commun élargi des forces contre la dictature, a toujours exigé des garanties avant de prendre part à des discussions sur la tenue d’élection. Dans un courrier adressé au président Azali Assoumani, fin mars, cette principale plateforme d’opposants, a posé trois conditions : La liberté de se rassembler, la grâce ou l’amnistie des détenus politiques condamnés définitivement et enfin la liberté d’entrée et de sortie de tous les comoriens sur le territoire national et international. Et pour certains, une note ne suffit pas. « Nos valises sont déjà̀ prêtes. Mais qu’il libère les otages politiques qu’il est en train de tuer à petit feu depuis 5 ans dans ses sinistres prisons de Voidjou, Moroni, Hombo et Koki », a réagi dans un communiqué le Front commun. « Le régime devrait d’abord reconnaître ses erreurs, qu’il s’est ingéré sur les affaires de la justice, que ses mesures arbitraires ont été à l’origine des condamnations arbitraires », réclame, Yhoulam Athoumani, président du parti les Nouveaux Démocrates. Selon ce docteur en droit public, installé en France, la note du ministre Fakridine Mahamamoud n’a aucune valeur juridique. « En toute honnêteté, cette note n’est autre que de la poudre de Perlimpinpin. Elle ne dit rien et vient de prouver que nous vivons dans un état autoritaire. Nous savons tous que parmi les personnes en exil, certains sont, de manière arbitraire et inéquitable, condamnés par la justice. Sont-ils aussi concernés par cette note ? Qu’une simple note soit prise à la place d’une décision de justice relève de l’absurdité totale », a déploré ce juriste très actif dans le débat politique national. Si l’État veut apaiser le climat et les tensions, qu’il commence déjà par libérer les condamnés de la cour de sûreté et autoriser les manifestations demandent les politiciens de l’opposition à l’unanimité.

Attrape à rat

Et il n’est pas le seul à faire preuve de prudence par rapport à cet appel lancé à l’endroit des opposants. « Cette note est une attrape à rat chez les uns et un mépris chez les autres. D’abord nous devons savoir que ces personnalités politiques comoriennes en exil à l’étranger pèsent moins lourd quand il s’agit d’une opposition à ce régime. Donc une attrape à rat tendue à ceux qui dérangent, et qui osent s’exprimer et qui ne sont pas des personnalités politiques, mais issues de la société civile », alerte Saïd Yassine Saïd Ahmed, secrétaire général de l’Union des Collectifs pour un État de droit et contre la tyrannie aux Comores. C’est du mépris a-t-il insisté. « Après avoir voté des lois les interdisant de prendre part aux élections, et écarté tout le monde notamment l’opposition de l’implantation des processus électoraux, il suggère aux exilés de rentrer. D’ailleurs pourquoi une note ministérielle et pourtant, ils font déni de dictature.  S’ils disent venez la paix est revenue, ce qui veut dire que la tyrannie était là », tacle Saïd Yassine.

Depuis 2018, année de la réforme constitutionnelle qui a autorisé Azali Assoumani à rester au pouvoir jusqu’en 2029, de nombreux évènements ont poussé des politiciens à fuir leur pays devenu selon eux une « dictature ». Parmi ces exilés, figurent des anciens élus, notamment des députés, mais pas seulement. Avec son statut de président de l’Union Africaine, l’ex-putschiste veut donc faire bonne impression à une année des élections, dont le processus est déjà lancé.

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