Le Kenya a annoncé son désistement au profit des Comores. Les deux pays de l’Afrique de l’Est se disputent depuis presque un an la première vice-présidence de l’Union Africaine, un poste qui assure automatiquement à son occupant la présidence, l’année suivante. Ce retrait de William Ruto, fait d’Azali Assoumani le prochain successeur de Macky Sall, à la tête de l’UA, en février.
Avant que Beit-Salam ne confirme l’information, de nombreux officiels notamment comoriens approchés, affirmaient déjà que les Comores étaient sur la bonne voie pour prendre la tête de la présidence de l’Union Africaine sauf surprise de dernière minute. Cela fait plus d’un an que le Kenya et l’archipel se livrent un bataille diplomatique rude pour obtenir ce poste qui finalement reviendra au président comorien, Azali Assoumani. Moroni et Nairobi ont trouvé un compromis en marge du sommet États-Unis – Afrique qui se tenait à Washington, du 13 au 15 décembre, si l’on en croit au communiqué publié ce lundi 19 décembre sur la page Facebook de la présidence comorienne. Comme à chaque évènement de cette envergure, les rencontres entre dirigeants se multiplient. « Le président Azali Assoumani a suivi avec beaucoup d’attention […] l’annonce faite par son frère William Ruto, président de la République du Kenya, relative au retrait de la candidature de son pays à la présidence de l’Union Africaine, pour l’année 2023 », précise Beit-Salam, la présidence. La décision, poursuit le communiqué, est prise au moment opportun et confirme la grandeur de la nation kenyane mais aussi de la grande sagesse de ses dirigeants, ainsi que leur engagement en faveur de la promotion de l’unité et de la stabilité de la région de l’Afrique de l’Est. Les pays de la région et les États-Unis auraient joué un rôle dans les négociations.
Le Kenya se désiste
C’est dans ce cadre que William Ruto, le tout nouveau président du Kenya et son homologue Azali Assoumani, ont pu s’entretenir et aborder ce sujet brûlant jusqu’à trouver un consensus, explique-t-on dans le sérail comorien. « On brigue la première vice-présidence de l’institution panafricaine. Si un pays occupe ce poste, il a plus de 99% de prendre la tête de l’UA. Les Comores occupaient la deuxième vice-présidence. Il n’y a certes aucun texte qui le stipule, mais logiquement arriver à ce stade, l’étape suivante est la présidence. Or en 2023, celle-ci revient à l’Afrique de l’Est, notre région. Le problème lorsque nous posions notre candidature pour devenir 1ère vice-président, le Kenya s’était positionné. Mais Ruto vient de se retirer. Ce qui signifie qu’il renonce de facto à la présidence », avait expliqué depuis vendredi, un proche du pouvoir comorien. Une autre source diplomatique qui avait accompagné la délégation comorienne à Washington, avait également confirmé le désistement du voisin kényan. Mais, sans déclaration officielle, l’information était à prendre avec des pincettes. La rencontre à Washington entre les deux présidents était très attendue. Lors d’une récente interview accordée à Radio France internationale, le président Azali Assoumani, dont la candidature n’est pas vue d’un bon œil par ses opposants qui l’accusent de dérives dictatoriales, disait espérer obtenir une entente. « Pendant la Cop 25 en Égypte, j’avais discuté avec lui [le président kényan], on n’a pas eu le temps d’approfondir. J’avais pris contact avec le président de la commission de l’UA et on s’est dit qu’on va discuter ici », déclarait-il sur les antennes de RFI, mardi dernier, depuis les États-Unis. Un tête-à-tête aurait dû avoir lieu, fin novembre, au Niger, entre Azali Assoumani et son homologue kényan, mais ce dernier n’a pas fait le déplacement dans la capitale nigérienne, où se tenait le sommet sur l’industrialisation et la diversification du continent.
Élections de 2024 et image ternie
La présidence de l’Union Africaine est une fonction tournante entre les régions, occupée parfois par des dirigeants qualifiés de dictateurs. Après Félix Antoine Tshisekedi, en 2021 au nom de l’Afrique centrale, et Macky Sall, l’année suivante, le tour revient à la région orientale de l’Afrique de prendre le flambeau. Le nom du pays qui va présider les destinées de l’institution pendant un an (2023-2024) sera connu en février prochain, à Addis-Abeba (Éthiopie), au cours de la conférence des chefs d’’Etat et des gouvernements. Si l’archipel hérite du poste, ce sera la première fois que le pays prendra la tête de l’organisation continentale. Azali Assoumani a toujours promis qu’une fois élu par ses pairs, il allait œuvrer pour la paix et la sécurité tout en capitalisant les ressources que le continent regorge. Le climat ne serait pas absent dans son programme. « Sous d’autres cieux, les politiques déposent les armes et soutiennent l’action du président pour le prestige du pays, mais je parie sur le contraire, si Azali se fait adouber », a glissé, une source proche du palais présidentiel. Une phrase qui n’est pas anodine. En effet, contesté à l’intérieur de son pays, non reconnu par une partie de l’opposition installée en France, Azali Assoumani avait besoin d’une telle tribune pour redorer son image à l’international. L’ex-putschiste, est accusé de museler toute voix dissonante. La condamnation le mois dernier de nombreux opposants à des lourdes peines, à l’instar de l’ancien président Sambi, qui a pris la perpétuité dans l’affaire de la citoyenneté économique, n’échappe pas aux critiques. D’aucuns parlent de procès politique. Selon certains observateurs, il ne fait donc aucun doute que le chef de l’État comorien, qui avait dépêché partout en Afrique des émissaires chercher des soutiens, ne manquera pas de plaider sa politique devant ses paires du continent d’autant que des élections sont prévues pour 2024. Si son élection à la tête de l’UA devient effective, ce sera un camouflet de plus pour l’opposition qui a toujours milité pour l’ostracisme sur la scène internationale du locataire de Beit-Salam.