Commission mixte franco-comorienne | Une immense hypocrisie

Alors que la commission mixte franco-comorienne termine ses travaux, une « directive interdisant de prendre des voyageurs dont le passeport est émis à Mayotte » démontre l’immense hypocrisie qui entoure les négociations diplomatiques auxquelles des élus mahorais sont associés. 

La 6ème commission mixte qui s’est tenue vendredi et samedi derniers à Moroni a estimé que 380 milliards de francs comoriens sont nécessaires pour que les trois îles se développent, soit plus de 750 millions d’euros sur 5 ans. Les besoins exprimés par l’Union des Comores, pays indépendant, en présence de l’Ambassadeur de France et du représentant de l’Agence française de développement (AFD) en matière de coopération régionale concernent quelques priorités, notamment dans les domaines de l’éducation et de la formation, de la santé, de l’économie et de l’emploi. 

Ce plan quinquennal ne concerne pas Mayotte directement. Et pourtant, pour la première fois, Moroni a officiellement accueilli « des parlementaires français élus du département de Mayotte». Est-ce pour autant une reconnaissance pleine et entière du statut institutionnel de Mayotte ? Nullement ! Les deux députés, Mansour Kamardine et Ramlati Ali, et le sénateur Hassani Abdallah ont été associés aux négociations en leur qualité de « représentants de la nation française ». 

Contrairement à ce qu’avance la partie française, il n’y a pas d’avancée notable sur l’évolution des positions des autorités comoriennes vis-à-vis de Mayotte. Le ministre des Affaires étrangères comorien a d’ailleurs évité d’aborder la question brûlante de l’immigration clandestine, signe d’un apaisement de façade. Ce dernier a salué « la présence de frères et sœurs mahorais » et a déclaré en substance : « Vous et nous avons certes subi les aléas de l’histoire politique de notre pays », ce qui suppose que les élus mahorais sont de nationalité comorienne. Le ministre a ajouté : « Le politique ne devrait, en aucun cas, occulter les autres réalités qui font de nous un même peuple, partageant un destin commun, quel que soit ce qui nous sépare et qui ne saurait être plus fort que ce qui nous unit. »  Ce discours tend à réitérer, sans le dire, la revendication territoriale comorienne sur Mayotte. 

Un incident diplomatique regrettable 

A la demande des autorités comoriennes, cette revendication territoriale est d’ailleurs relayée par des pays africains, qui condamnent la présence française à Mayotte. Un incident commercial, à forte connotation diplomatique, vient d’ailleurs d’apporter la preuve que l’Union des Comores joue un double jeu dangereux pour les Mahorais. En partance de Mayotte pour Paris, six Mahorais, quatre adultes et deux mineurs ont été empêchés d’embarquer à Nairobi… La cause : « contestation de leur passeport français émis par la Préfecture de Mayotte par Qatar Airways et Kenya Airways » affirme un témoin. 

Les passagers mahorais qui voulaient rejoindre Paris ont erré dimanche après-midi dans les couloirs de l’aéroport de Nairobi. Ils étaient interdits d’embarquer pour leur destination finale. A Doha, les agents de Qatar Airways ont fait savoir qu’ils avaient une « directive leur interdisant de prendre des voyageurs dont le passeport est émis à Mayotte ». Les autres français ont pu partir normalement. 

Cette discrimination est incompréhensible dans le contexte des discussions de la commission mixte franco-comorienne. Les élus mahorais qui ont participé à cette mascarade doivent émettre une protestation solennelle, relayée par la France auprès du gouvernement comorien et des Etats voisins du Kenya et du Qatar, qui ont vocation à intégrer le département de Mayotte dans les efforts déployés par la France en matière de coopération régionale. *

Les infortunés méritent le soutien de leurs élus. Ils n’ont eu droit à aucune prise en charge, ni hôtel, ni hébergement d’urgence ni nourriture. Au départ de Mayotte avec Kenya Airways tout était en règle. La préfecture de Mayotte doit donc assumer sa responsabilité dans cette regrettable affaire, de même que l’ambassade de France à Nairobi. Parmi les passagers, deux jeunes filles mineures qui voyagent seules ont été exposés au danger. Selon la préfecture, contactée par la presse locale, ce problème relève du Quai d’Orsay, donc du ministère des Affaires étrangères, l’instance qui préside aux destinées de la commission mixte franco-comorienne.

Vivement la coopération décentralisée

A travers cet incident, les élus mahorais doivent prendre conscience du caractère nocif des travaux du Haut conseil paritaire France-Comores (HCP), lequel accepte la participation des parlementaires mahorais, mais exclue le président du Conseil et le président de l’Association des maires de Mayotte (AMM). L’exécutif du département est donc discriminé en l’espèce, ce qui démontre que la seule solution permettant de défendre les intérêts supérieurs de Mayotte reste la coopération décentralisée. 

Conçu de manière à aborder tous les sujets qui font l’actualité de Mayotte, le programme de cette coopération incitative, inclusive et vertueuse doit comporter des conférences et ateliers de travail géopolitiques et thématiques abordant la valorisation des actions des collectivités petites et moyennes, la question des crises, catastrophes, guerres et guerres civiles, la place de l’action sociale etc. Cela donnera l’occasion d’échanger avec des intervenants de qualité et de redéfinir les nouveaux défis de la coopération décentralisée. Les élus mahorais doivent en effet être sensibilisés au rôle de la coopération décentralisée dans l’attractivité et le rayonnement des territoires, et à la place que l’action internationale des collectivités peut occuper dans les nouvelles stratégies de développement. 

L’animation du territoire et la mobilisation des acteurs privés et associatifs, les échanges universitaires, les contacts institutionnels stables créés par la coopération décentralisée sont autant de facteurs constituant un cadre privilégié pour la promotion du département et de ses atouts. L’action des territoires s’inscrit dans la durée, en France comme à l’international. Les spécialistes sont convaincus que chaque collectivité française qui développe son action internationale travaille pour un positionnement stratégique, pour le futur. Dans ce cadre, Mayotte pourra utilement valoriser la place des collectivités dans la redéfinition des Objectifs du millénaire de développement (OMD). 

Dans un souci constant d’amélioration et afin de répondre au mieux aux attentes des administrés, les élus doivent introduire quelques nouveautés dans le programme, notamment des séances de formation sur la question du protocole, les aspects juridiques de la coopération décentralisée et les financements européens. Las parlementaires mahorais de leur côté grandiraient à défendre la place de leur île au sein de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD), instance présidée par le Premier ministre. Ce référencement permettra de faire un bilan des actions menées par la France chaque année et de renouveler les efforts d’intégration de Mayotte dans son environnement régional et dans le concert africain. En intégrant le Forum de l’action internationale des collectivités, l’ambition des élus mahorais est, aux cotés de tous les partenaires, d’interroger les acteurs locaux sur ce qu’ils estiment être les besoins de leurs territoires, de définir les axes de progrès et de mutualiser les forces et les actions pour y répondre au mieux des intérêts de la population de Mayotte. 

 

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