Engagé en politique depuis l’âge de 24 ans, Mansour Kamardine a toujours soif d’engagement. Le groupe Les Républicains vient de le désigner chef de file du parti pour briguer la présidence de la prochaine mandature à partir de juin prochain. Le candidat revient pour Flash Infos sur son désir de mener la barque du Département ainsi que sur les projets de développement nécessaires au territoire.
Flash Infos : Actuellement député à l’Assemblée nationale, vous avez fait le choix de vous lancer dans la course aux élections départementales. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre ce virage à 360 degrés ?
Mansour Kamardine : Plusieurs raisons ! Ces derniers temps, j’ai énormément écouté les collègues qui m’ont convaincu qu’une personnalité publique puisse faire l’interface entre la population et l’État et soit capable de fédérer pour construire ce projet de départementalisation. J’ai une expérience sur la gestion des collectivités et des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Je veux continuer en ce sens. Si les Mahorais de mon canton et au-delà acceptent de me confier ces responsabilités, je serai prêt à les assumer !
Vous avez raison de lier que je suis député. Je ne peux pas obtenir le poste de président de la collectivité et maintenir celui de parlementaire. Si les élus me choisissent, cela conduira de facto à ma démission. Mais selon moi, je serai plus utile au Département qu’à l’Assemblée nationale. Regardez, Édouard Philippe, l’ancien premier ministre, a fait le choix de revenir à la mairie du Havre… Nous comprenons bien que les enjeux sont davantage au niveau des exécutifs locaux qu’au Parlement.
FI : Avec cette campagne, n’est-ce pas une manière de tester votre popularité en vue de échéances électorales suivantes ?
M. K. : Je n’ai pas d’égo sur ce sujet-là. Ce n’est pas un test en particulier. Je n’ai pas de démonstration à faire : juste des coups à prendre et des missions à assumer ! Je ne personnalise pas les choses et je ne me focalise pas sur ma personne, qui a peu d’intérêt.
FI : Dans le budget actuel du Département, 94 millions d’euros reviennent au service de l’aménagement du territoire. Vous semblez aller dans la même direction en analysant votre projet de contournement du grand Mamoudzou…
M. K. : Dans le contrat de convergence et de transformation, il y a un budget spécifique pour la réalisation du contournement de Mamoudzou qui remonte à une quinzaine d’années. Sauf que comme nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous faisons, cela a des conséquences énormes sur notre processus de développement. Autre exemple avec l’hôpital. Sur les 172 millions d’euros de dotation obtenus en 2017, aucun centime n’a été dépensé…
Que nous le voulions ou non, nous ne pourrons jamais nous passer des véhicules à Mayotte. Nous n’avons pas la capacité d’interdire aux fabricants d’en exporter chez nous et aux concessionnaires d’en importer. L’achat d’une voiture est le financement le plus aisé et le plus simple que les Mahorais connaissent. C’est un signe de richesse. L’amélioration du réseau routier est donc indispensable. Sinon, nous provoquons une thrombose qui risque de nous conduire vers des troubles sociaux majeurs.
Donc le contournement, il faudra le faire ! La réalité aujourd’hui est que les études ne sont pas encore parachevées. On nous balance des chiffres astronomiques pour ne pas le réaliser. Je reste persuadé que cette route se fera. Même si d’autres projets concernant la mobilité sont aussi sur la table, comme le téléphérique qui est inscrit dans le schéma d’aménagement régional (SAR), le train bleu ainsi que le transport maritime. Il n’existe pas une seule idée pour le désengorgement. À ce stade, continuons jusqu’au bout les études et voyons ce que cela donnera. Nous n’excluons rien !
Et si pour une raison X ou Y, le contournement n’aboutit pas, il faudra au moins penser à élargir l’axe entre Tsararano et Mamoudzou et celui entre Mamoudzou et Koungou pour répondre à l’urgence et ne pas nous retrouver dans une seringue, histoire de gagner du temps en attendant de dénicher des solutions plus durables. Comme le vieux projet entre Longoni et Chirongui, qui doit aussi être réalisé, pour détourner le trafic des camions qui veulent se rendre dans le Sud.
FI : Sur un autre volet, tout aussi important à Mayotte, le Département a mis les bouchées doubles au sujet de l’aide sociale à l’enfance. Continuerez-vous sur la même lancée ou bien déciderez-vous de prendre une toute autre direction ?
M. K. : L’action sociale est l’une des compétences majeures du Département. Continuer de nous intéresser à l’enfance est une obligation légale. Mais il n’y a pas que l’enfant délinquant à prendre en charge, nous pouvons aller encore plus loin et venir en aide aux Mahorais. Et nous attarder aux 77% de notre population qui vit sous le seuil de pauvreté. Je pense notamment aux retraités qui ne touchent que 200 euros par mois alors qu’ils ont eu une carrière professionnelle entière. À cela, je vais proposer d’examiner la possibilité de leur allouer une indemnité pour les placer au niveau du RSA national. Idem pour nos bacocos, il faudra que nous nous battions au niveau de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) nationale. Sans oublier de faire en sorte d’obtenir un accord salarial avec les syndicats qui opèrent au Département pour que les agents soient payés à hauteur du SMIC métropolitain, avec de vraies cotisations salariales et patronales. Le fil conducteur est de démontrer que nous pouvons être traités au même pied d’égalité que les autres. Nous nous engagerons sur ce rattrapage social qui est urgentissime.
FI : Toujours sur le thème de l’enfance, vous avez une idée bien précise de ce que vous voulez mettre en place dans le but d’offrir une chance à tous les jeunes.
M. K. : Tout à fait ! Nous devons construire un plan « un jeune, une formation, un diplôme », qui est en lien avec la formation professionnelle, qui dépend du conseil départemental. Mais aussi de développer un programme « un collégien, un lycéen, une tablette numérique ». Non pas pour le plaisir, mais parce que si nous voulons leur donner la chance de réussir, nous devons leur donner les outils d’apprentissage modernes d’aujourd’hui. Les enfants mahorais doivent pouvoir concourir avec les autres enfants de la Nation !
FI : Concernant le problème du foncier en général, vous avez également une ligne directrice. Aussi bien pour les propriétaires que pour les installations illégales.
M. K. : Plus de 90% des constructions privées sont faites sans permis. Conséquence, la propriété des terres n’est pas toujours garantie. D’où la proposition de créer un dispositif « une construction, un titre de propriété, un permis » pour enclencher les régularisations. Cela aura un impact sur le financement des communes puisqu’elles pourront localiser leurs administrés et leur réclamer le paiement de la taxe d’habitation. Et si celle-ci est supprimée l’année prochaine, cela permettra de calculer au plus près l’indemnisation demandée à l’État.
L’autre idée est de reconquérir les espaces fonciers ruraux et urbains perdus, qui appartiennent au Département. C’est une manière, à notre échelle, de lutter dans le même temps contre l’immigration clandestine aux côtés des services étatiques. Et d’envoyer un message clair aux personnes arrivées de pays tiers qui pensent toujours avoir un terrain pour s’installer à leur arrivée. Cette volonté forte se raccroche aussi à notre engagement environnemental qui consiste à replanter 10.000 arbres par an pour reboiser les forêts.
Nous n’avons pas le temps de dormir. Comme l’a dit le président sortant, Soibahadine Ibrahim Ramadani, pas un jour n’est passé pendant six ans sans qu’il ne pense à Mayotte. Nous devons faire de même et trouver des idées novatrices pour redresser la situation. Qui est soit dit en passant bien meilleure en 2021 qu’en 2015.