Sujet à débat depuis que Mayotte est entrée sous le giron des régions ultrapériphériques de l’Europe (RUP), la compétence des fonds européens dans le 101ème département, aujourd’hui à la charge de la préfecture, a fait l’objet d’une nouvelle délibération au conseil départemental. À défaut de récupérer l’autorité de gestion, la collectivité et l’État se partageront le dossier dans le cadre d’un groupement d’intérêt public (GIP). De quoi, peut-être, éviter les retards accusés lors de la première programmation 2014-2020.
C’est officiel. Jeudi, le conseil départemental a voté en commission permanente la délibération relative à la convention constitutive du groupement d’intérêt public (GIP) en charge de la gestion des fonds européens pour les dix prochaines années. En clair, l’État, et donc la préfecture, autorité de gestion depuis 2017 de cette manne financière qui revient en temps normal aux départements ou régions, va partager dans le temps cette compétence avec la collectivité. “Ce qui change, c’est que nous allons devenir co-gestionnaires, et nous serons donc au cœur du dispositif des fonds européens à Mayotte : nous aurons la possibilité de voir les dossiers dès le début, et nous pourrons mieux accompagner les porteurs de projet”, souligne Mohamed Sidi, vice-président en charge des affaires européennes au conseil départemental.
L’autorité de gestion, un sujet de frictions
Une co-gestion qui ne coulait pourtant pas de source. Preuve que le dossier est sujet à débats, parfois houleux, cette délibération devait déjà apparaître à l’ordre du jour le 26 février dernier, avant d’être décalée à une date ultérieure. Avant cela, la gestion pour le moins « magnégné » de ces fonds, par un SGAR en proie à un fort turn-over, avait fait l’objet d’un rapport au vitriol de la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), commandé en 2019 par le préfet Dominique Sorain. Y étaient notamment pointées des lacunes en termes de ressources humaines et de compétences.
Résultat : la consommation des quelque 300 millions d’euros de la première programmation 2014-2020 a accusé un sérieux retard. Un comble quand on connaît les besoins criants du territoire pour développer ses infrastructures… et avec des conséquences bien réelles pour les Mahorais, qui ne comptent plus les projets en stand-by, comme la piste longue, ou la troisième retenue collinaire. Certes, la préfecture a depuis mis le pied à l’étrier et annonce en novembre 2020 un bilan “comparable à celui des autres régions françaises et DOM” – avec des taux de programmation au 9 novembre de 81% pour le FEDER et 90% pour le FSE.
Le département veut récupérer sa compétence
Reste que le Département et son actuel président Soibahadine Ibrahim Ramadani, ont saisi l’occasion pour monter au créneau et demander à récupérer cette compétence. Renvoyé dans les roses par le premier ministre en septembre 2019, le sujet est depuis revenu sur la table à plusieurs reprises… jusqu’à cette délibération du 18 mars 2021, donc. Que change-t-elle exactement ? “Pour les trois prochaines années, la présidence du GIP revient à l’État qui doit effectuer un travail de préfiguration et clôturer la programmation actuelle”, explique Mohamed Sidi. Pour les sept années suivantes, c’est le Département qui gère. Ce groupement se divise en 8 membres titulaires, quatre pour la collectivité et quatre pour l’État.
À défaut de transférer la compétence aux élus pour la programmation 2021-2027, déjà entamée depuis janvier, le Département et l’Àtat coupent ainsi la poire en deux. “Cela nous semble pertinent par rapport à l’actuelle situation et pour nous, c’est l’occasion de mieux travailler dans le cadre d’un transfert de l’autorité de gestion, de sorte que le Département sera mieux préparé pour la prochaine programmation”, ajoute l’élu. Une façon aussi de mutualiser les compétences et “de se doter ensemble des meilleurs éléments au bénéfice du territoire”. Dernière inconnue : l’implication de la future majorité, alors que les élections départementales de juin pourraient rebattre les cartes. “La question a bien été évoquée pendant la séance”, concède Mohamed Sidi. “Mais nous avons pris cette décision car nous estimons que c’est la bonne. Ce futur GIP aura à gérer aussi le plan de relance, et nous parlons là de 700 et quelque millions d’euros, donc il faut aller rapidement pour s’approprier ces sujets. L’intérêt général de Mayotte doit primer”, espère-t-il. Optimiste.