Aide sociale à l’enfance à Mayotte : plus de places mais toujours plus d’enfants

Ce jeudi 25 mars se déroulait le comité de pilotage sur le suivi de la mise en œuvre de la convention entre le Département et l’État relative aux concours de l’État en faveur de l’aide sociale à l’enfance. Sur ce volet, l’exécutif de la collectivité a réalisé un effort considérable depuis 2017. Seul hic, les dépenses budgétaires explosent au vu du nombre d’enfants pris en charge.

Depuis 2016, le Département mène une politique dédiée en termes d’aide sociale à l’enfance. Matérialisée l’année suivante par la signature d’une convention avec l’État, qui octroie à la collectivité une compensation annuelle de 9.594.939 euros dès 2018. Une soupape financière conséquente devenue bien trop maigre au fil des ans, en raison notamment de l’ouverture de deux maisons d’enfants à caractère social (40 places) et de 15 lieux de vie d’accueil (132 places). Et du doublement du nombre de familles d’accueil sur la période (203 contre 92). « Fatalement, le budget a augmenté, du simple au triple », signale Abdou-Lihariti Antoissi, le directeur de la protection de l’enfance au conseil départemental.

Or, et c’est là que le bât blesse, si les capacités d’accueil s’élèvent à 826 en 2021, le nombre d’enfants placés est également en très nette augmentation avec pas moins de 909 jeunes. « Nous avons beau créer beaucoup de places, 550 pour être exact, mais nous avons toujours un delta négatif », souffle-t-il face à ce ratio. Et si le procureur de la République souligne le chemin parcouru – « vous êtes partis de rien et en dix ans, vous avez un organigramme et un ordre de marche » -, Yann Le Bris pointe du doigt les « difficultés structurelles ». À l’instar du manque d’assistants socio-éducatifs. « Quand un enfant est confié, l’objectif de la justice est qu’il ne soit pas confié ad vitam eternam. Or, en [leur] absence, le lien entre les familles d’accueil et les familles biologiques ne se fait plus. Il y a une rupture complète. » Idem pour les rapports demandés par les juges des enfants à la date d’échéance de la mesure.

 

Pas assez d’éducateurs formés sur le territoire

 

Sur ce point, Abdou-Lihariti Antoissi rappelle tout de même que le nombre d’éducateurs est passé de 22 à 38. « Dès qu’ils se présentent, ils sont embauchés de suite, à condition qu’ils soient diplômés. Nous voulons bien en recruter davantage, malheureusement, il existe un déficit [en termes de demandes] sur le marché », annonce-t-il pour défendre sa position. Conséquence : « Un éducateur doit suivre entre 25 et 30 enfants, au-delà c’est du bricolage… Chez nous, la moyenne est de 50. En sachant que plus de 200 enfants n’ont pas de référent au service placement ! »

Concernant la cellule de recueil des informations préoccupantes, le directeur de la protection de l’enfance reconnaît quelques couacs, malgré encore une fois l’augmentation des effectifs au cours des cinq dernières années. « Nous avons conscience que ce n’est pas suffisant. Les partenaires qui saisissent la CRIP n’ont pas toujours de retour, mais cela ne veut pas dire que le boulot n’est pas fait. » Alors pour y remédier, il compte lancer un appel à projets « mineurs non accompagnés » et confier aux associations l’évaluation de la minorité, de l’isolement et du danger ainsi que la mise à l’abri de 21 jours maximum.

 

Révision du budget alloué par la convention

 

Face à tous ces dysfonctionnements, Abdou-Lihariti Antoissi plaide pour une renégociation du montant alloué à Mayotte à l’occasion du renouvellement de la convention avec l’État l’an prochain. Avec un budget prévisionnel de l’ordre de 48 millions d’euros pour l’année en cours, l’aide sociale à l’enfance doit déjà trouver de nouvelles sources de financement, comme la contractualisation, pour rentrer dans les clous. « L’enveloppe s’épuise : avec le solde restant de 15 millions d’euros, nous sommes à 24 millions d’euros. Et ce sera pire en 2022 car nous n’aurons plus rien dans les caisses », interpelle le directeur. Sans compter la prochaine prise en charge des femmes enceintes et des mères d’enfants de moins trois ans isolées.

Alors pour y arriver, l’heure est au consensus entre le Département et l’État. « Il faut qu’ils se mettent d’accord sur une clé de répartition. Si nous voulons faire de la qualité en respectant les textes, cela coûte cher. » Mais indépendamment de l’aspect financier, deux problématiques majeures restent à régler selon la collectivité. La porosité des frontières en amont : « 80% des enfants suivis sont liés à l’immigration. » Le désengorgement du territoire, en aval, au nom de la solidarité nationale. « Nous devons stopper l’hémorragie pour continuer à exercer cette mission avec fierté », insiste Issa Issa Abdou, le vice-président en charge de l’action sociale, qui se projette déjà sur la prochaine mandature en bon candidat aux élections départementales du mois de juin.

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