Fermé depuis deux ans à la suite d’un tremblement de terre, le musée de Mayotte ne cesse de se renouveler pour exister, victime de démarches administratives qui n’en finissent pas. La direction de l’établissement s’est ainsi tournée vers le numérique pour proposer de nouveaux outils de valorisation du patrimoine mahorais, toujours à destination de la jeunesse de l’île.
Portes closes, panneaux rouillés, peinture écaillée… Bienvenue dans l’un des rares établissements culturels de l’île au lagon, le musée de Mayotte, ou MuMa pour les intimes. Inauguré en grande pompe en 2015, le bâtiment de l’ancienne caserne n’aura accueilli que trop peu de visiteurs, après avoir fermé il y a peu ou prou deux ans. « C’est suite à un tremblement de terre que nous avons dû fermer, par mesure de sécurité », explique Abdoulkarime Ben Saïd, directeur du musée de Mayotte. « Comme c’est un monument historique, des études devaient être réalisées sur l’état du bâtiment et sa remise en état, afin qu’il puisse accueillir les visiteurs de nouveau. »
Si ces études ont été effectuées, les travaux, eux, peinent à débuter. « On n’a pas de programmation pour les travaux, ça devrait être fait », déplore le directeur de l’établissement dépendant du conseil départemental. Les équipes du MuMa sont en fait dépendantes des longues démarches administratives que requiert leur bâtiment. « Nous avons besoin d’un architecte du patrimoine identifié et contractualisé, car il n’y en a pas à Mayotte », ajoute Abdoulkarime Ben Saïd, qui ne peut que regarder son « établissement recevant du public » ne plus en être un, tout cela pour des travaux de sécurisation qui devraient durer… Quatre mois.
Un musée en réalité virtuelle
En attendant cette réouverture qui se conjugue plus au conditionnel qu’au futur, l’établissement a été obligé de se renouveler pour continuer d’exister, et de valoriser le patrimoine mahorais auprès des jeunes générations. Régulièrement, des ateliers organisés par le musée prennent ainsi place dans le parc de la résidence des gouverneurs. Des groupes d’élèves y sont par exemple reçus dans le cadre d’activités culturelles. Le personnel du musée, en collaboration avec la Direction des affaires culturelles (DAC) ou le Conseil en architecture, urbanisme et de l’environnement (CAUE), intervient également dans les classes, comme à Acoua, lors de la semaine de l’archéologie.
En parallèle, le MuMa a développé sa présence numérique, bien avant d’autres institutions culturelles. Le grand projet des équipes est d’ailleurs un musée virtuel, comme l’explique Djamadar Saindou, chef de service programmation, partenariat et développement. « Ce nouvel outil sera basé sur des images 3D faites avant la fermeture de la caserne, avec les descriptions, les feuilles de salle, des vidéos explicatives, et des objets avec lesquels on pourra interagir pour en saisir tous les détails », explique-t-il. Disponible dans les trois langues de l’île que sont le shimaoré, le kibushi et le français, ce musée virtuel aurait dû être inauguré lors des journées européennes du patrimoine, avortées par l’opération « île morte ».
Transmettre à la jeunesse
« On l’inaugurera dans un mois », pondère Djamadar Saindou. Le MuMa sera donc bientôt disponible sur PC et tablette, avant qu’une version smartphone ne voie le jour. Les équipes du musée travaillent également avec le rectorat et les établissements scolaires afin de proposer cet outil dans les CDI, « et même dans la bibliothèque universitaire du CUFR », espère Abdoulkarime Ben Saïd, conscient que sa révolution numérique passe aussi par les réseaux sociaux. « Dès mon arrivée, j’ai eu une grosse mission communication », confie Djamadar Saindou. « En tant que jeune de Mayotte, je savais qu’il fallait intégrer le MuMa à Facebook, où nous comptons plus de 150.000 vues et 50% de 16-25 ans, et sur Instagram. C’est un premier outil, avant de voir si Snapchat ou TikTok pourraient convenir à notre image. »
Cependant, les deux hommes savent que le numérique ne devrait être qu’un complément d’une offre plus palpable. « Il est indéniable qu’avec une présence physique, on transmet mieux les informations », avoue Djamadar Saindou. « On le voit lors de nos animations hors les murs dans les écoles maternelles, primaires, les collèges de Mgombani ou Mtsamboro, le lycée de Kawéni… Il y a une vraie demande des jeunes concernant les activités culturelles. » Un avis partagé par Abdoulkarime Ben Saïd, qui regrette de ne pas avoir pu mener les activités prévues ce week-end dans le cadre des journées du patrimoine. « Les scolaires travaillent sur des projets en collaboration avec des artistes, et la restitution de ces travaux se fera au musée, affirme le directeur. C’est un lieu d’exposition, mais aussi de ressources. » Ne reste plus qu’à l’ouvrir, ce lieu.
Retrouvez l’intégralité du dossier consacré au patrimoine mahorais dans le numéro 1011 de Mayotte Hebdo.