Viol sur deux mineures : un fundi pédophile devant les Assises

En pleine campagne #Wamitoo, un procès de deux jours s’ouvrait ce mardi à la cour d’Assises pour mineurs. Un professeur à l’école coranique est accusé d’avoir violé deux enfants qu’il hébergeait pendant plusieurs années.

160.000. C’est le nombre d’enfants qui subissent chaque année des violences sexuelles, et notamment l’inceste, d’après la commission indépendante chargée de ce sujet (la CIVISE). Et parmi ces nombreuses victimes – le chiffre reste d’ailleurs une estimation – rares sont celles et ceux qui osent aller jusqu’à en parler, encore moins porter plainte. Ce mardi, à la session de cour d’Assises de Mayotte, c’est donc un peu une exception qui a été portée à l’attention des jurés. Sans pour autant que l’affaire soit, en elle-même, particulièrement exceptionnelle.

Flanqué de quelques gendarmes, un homme d’une cinquantaine d’années comparaissait pour plusieurs séries de faits de viols sur mineures de moins de 15 ans, commis entre 2009 et 2016, entre 2016 et 2018, et entre 2017 et 2018, avec pour circonstance aggravante, son autorité de droit ou de fait sur ses victimes. Une audience qui aurait dû se dérouler à huis clos, étant donné l’âge des jeunes filles au moment des faits. Mais les parties civiles n’en ont finalement pas fait la demande. Actuellement en métropole, les victimes seront entendues en visioconférence pendant les deux jours du procès.

“Un matin, je n’avais plus de culotte”

À l’époque des faits, ces deux sœurs, nées à Madagascar d’un père mahorais et d’une mère malgache, étaient hébergées chez l’accusé. “Avant la mort de mon père, il voulait que je vienne à Mayotte, sa famille a donc arrangé ma venue et je suis arrivée en septembre 2009”, explique l’une d’elle, jointe à distance. Quelques semaines plus tard, elle pose ses bagages chez sa cousine. Son mari se montre alors “gentil”, “avenant”, “il me disait bienvenue, il avait l’air content que je sois là à la maison”, déroule la femme à l’écran.

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Mais très vite, le vernis craque. “Je me suis réveillée un matin, et je n’avais plus de culotte. Je me suis dit que c’était peut-être moi qui l’avait enlevée en allant aux toilettes, mais je ne m’en souvenais pas”, retrace-t-elle. Sur le qui-vive, l’enfant se rend compte que le cauchemar se répète, nuit après nuit. “Les autres fois, je l’ai senti enlever ma culotte, mais j’avais tellement peur, je n’ai pas réagi.” Au départ, l’homme se contente d’attouchements. Mais un jour, en pleine journée, la petite fille se retrouve seule avec lui. “Il m’a appelée, et il a dit qu’il voulait faire des choses. J’ai eu peur et je suis partie, mais il s’est énervé, il est venu me chercher en me disant que je ne devais plus faire ça, qu’il allait me frapper. Alors il m’a dit de m’allonger sur le lit, d’enlever mes vêtements. Et il a commencé la pénétration”, rapporte encore froidement la victime. Elle a alors 9 ou 10 ans.

Un crime presque incestueux

Au total, la jeune femme aura subi ces supplices pendant neuf années, entre ses 8 et 17 ans. Seul son départ en métropole mettra un terme à ce calvaire. À ce moment-là, la jeune bachelière échappe d’ailleurs de justesse à son bourreau, lequel espérait l’accompagner de l’autre côté du globe… “À la fin de la garde à vue, il tenait des propos comme quoi il était amoureux d’elle”, rapporte à la barre un policier de la section recherche de Mamoudzou, qui avait rédigé le procès-verbal. “Mais au début, il disait qu’il la considérait comme sa fille, car il l’avait élevée alors qu’elle était très jeune. Elle appelait sa femme “Maman”, développe-t-il.

L’amourette vire au drame

Une seule fois, un témoin l’aura surpris, allongé sur sa proie : la sœur de cette dernière, à son tour victime de ses pulsions pédophiles, à partir de 2017. Un jour, alors que le fundi est en voyage à Madagascar, l’adolescente entame une relation avec un garçon de son âge. À son retour, son violeur voit rouge et la frappe avec sa ceinture. Sa cousine, ameutée par les éclats de voix, débarque au milieu de la scène et prend son mari entre quatre yeux. “Elle n’est pas venue me voir le soir-même, mais le lendemain. Elle m’a juste dit que j’avais un lien de parenté avec ce jeune homme”, souffle la jeune fille. Une annonce qui mettra fin à leur brève idylle…

Interrogé sur ces faits, l’accusé botte en touche. “Il y a une part de vérité et une part de mensonge”, baragouine-t-il à la barre, en avançant que la victime essaye de protéger son amoureux. Cette relation qui l’avait mis en rogne, car, argumentera-t-il, elle aurait pu avoir des conséquences sur leur réputation, le garçon étant alors “mineur” ! CQFD… À plusieurs reprises, l’homme justifiera par ailleurs ses actes par des problèmes au sein de son couple. “Ma femme a créé le problème : un jour elle me dit qu’elle va à l’aéroport chercher cette fille, mais je ne travaillais pas, je n’avais pas les moyens de l’héberger”, se défend-il.

“Ce sera ta parole contre la sienne”

Du côté de la victime, ces viols répétés laissent des traces. Elle connaît des pensées suicidaires dès la classe de Seconde. L’un de ses amis, fils de gendarme, la pousse alors à porter plainte. Mais, “ce sera ta parole contre la sienne”, la met-il en garde. Un jour, elle décide alors de lancer un enregistrement sur son téléphone portable dans lequel l’accusé lui demande à plusieurs reprises des rapports sexuels.

Ce n’est finalement qu’en 2018 qu’elle osera sauter le pas. Pourquoi un si long silence ?, interrogent tour à tour les juges et les avocats. “Il était fundi, il enseignait à l’école coranique, il était bien vu de la société”, répond-elle à chacun. “J’avais peur qu’on ne me croit pas. J’avais compris comme quoi c’était de ma faute à moi.

Le procès doit encore durer une journée. Lancée le 8 septembre dernier, une campagne de sensibilisation et de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs est actuellement menée par différents acteurs locaux, jusqu’au 20 novembre.

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