Tabassé par un agent de la Bac et accusé de rébellion, le gérant du Relais des Indes Sylvain Philys a été relaxé la semaine dernière au terme d’une interminable procédure. Son agresseur est condamné, mais les séquelles physiques et psychologiques sont toujours présentes.
2021 commence bien pour Sylvain Philys. Après 11 ans de procédure et de nuits blanches, le gérant du Relais des Indes est enfin relaxé. Lui qui était accusé de rébellion et de coups sur un agent de la Bac est aujourd’hui reconnu comme victime. Son agresseur, condamné 1 an de prison et 10 000 euros d’indemnisation provisoire dans l’attente d’une expertise médicale. De quoi provoquer des larmes de soulagement du père de famille : « J’ai beaucoup pleuré durant toute l’après-midi« , rembobine-t-il timidement. Néanmoins, impossible d’effacer le souvenir de cette nuit infernale qui a bouleversé son quotidien.
Une violence aux séquelles toujours visibles.
L’affaire commence le 15 janvier 2010, lors d’un apéritif dînatoire auquel de nombreux festive est interrompue sur les coups de 23h par un voisin qui se présente comme un « agent de la Bac » excédé par le bruit. Le ton monte. Sylvain Philys encaisse des coups au visage qui le projettent au sol. Alerté par le bruit, le colocataire de l’agresseur prévient ses collègues de la Bac qui interviennent sans ménagement. Sylvain est interpellé « des rangers sur le visage« , comme décrit un gendarme témoin de la scène. En sang, il est placé en cellule sans avoir le droit de porter un tee-shirt. Son calvaire est interrompu deux heures plus tard par un médecin qui déclare son état incompatible avec la garde à vue. Sylvain souffre d’une double fracture au visage. Onze ans plus tard, les séquelles sont toujours visibles. « J’ai mal à la tête tous les jours« , introduit péniblement l’homme de 65 ans. « Je ne peux plus manger d’aliments durs, car les mouvements de ma mâchoire sont douloureux« . Il insiste : « Le pire, c’est le matin. Je peux me forcer à passer un moment avec des amis le soir, mais je sais que les douleurs au crâne seront terribles au réveil« . Désormais, l’entrepreneur n’est « efficace que 4h durant la journée« . Sa vue est aussi endommagée : « Mon œil est rouge tous les matins« , déplore-t-il. À cela s’ajoutent de multiples « douleurs musculaires« . Pourtant : « Lorsque j’ai retrouvé mon calme le lendemain du procès, j’ai ressenti un apaisement au niveau des douleurs. Comme si toute la tension accumulée durant ces années s’était relâchée« , sourit-il.
Le procès d’un agresseur devenu victime
Pour la victime, les conséquences de cette affaire sont visibles à tous les niveaux. « J’ai dû arrêter mon entreprise de carrelage et mon atelier de poterie. Sans le soutien de ma femme et de mes enfants, il était impossible de tenir le choc. Entre le stress du procès et la crainte des agressions à Mayotte, j’ai fait un infarctus« , soupire Sylvain. Outre l’agression, la pression de l’institution constitue un autre traumatisme difficile à oublier : « On m’a accusé de tout ! De m’être rebellé, d’être un agresseur, d’avoir acheté des témoins… J’ai vécu pendant 11 ans sous la menace de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende« . Un danger réel face à un dossier judiciaire qui, selon son avocat Olivier Tamil, « paraissait presque à charge contre M. Phylis« .
« Je ne peux plus manger d’aliments durs, car les mouvements de ma mâchoire sont douloureux ».
« Lorsque j’ai pris en main l’affaire, j’ai eu comme un sentiment de malaise« . Selon Maître Tamil, » tout semblait avoir été mis en place pour mettre l’agresseur dans de bonnes conditions ». Rétractation de témoins, faible crédit apporté à d’autres, rapport de l’IGPN inutile… Impossible pour la victime de ne pas se sentir « accablé » durant toutes ces années. « Nous employons aujourd’hui le terme de violence policière, mais l’affaire était jusqu’ici présentée comme celle d’un policier qui s’était défendu d’une agression« , souligne Olivier Tamil. Pour l’avocat, les « incohérences » ne manquent pas. « M. Phylis a par exemple tenté de se défendre en repoussant son agresseur avec un bâton. Celui-ci s’est vu prescrire 3 jours d’ITT pour une petite blessure à l’arcade. Or, il est retourné plus tard chez un autre médecin qui lui a cette fois « prescrit 30 jours d’ITT !« , relève-t-il. Sans parler du point de départ de l’affaire qui constitue, selon l’avocat, « une circonstance aggravante« .
Nouveau départ
« Nous sommes face à un homme qui a pénétré le domicile de M. Phylis sans y être autorisée. Il est venu avec l’intention d’en découdre, et c’est lui qui a donné le premier coup« , rappelle-t-il. Lavé de tout soupçon, le gérant du Relais des Indes s’autorise désormais à rêver d’un avenir positif. « Avec ma femme, nous avions initialement prévu de quitter Mayotte pour nous éloigner de tout ce stress. Finalement, nous allons sûrement rester ici pour développer nos projets« , ambitionne-t-il. Face à un agresseur dont les juges n’ont pas prononcé la non-inscription au casier judiciaire, Sylvain insiste pour ne pas faire d’amalgame. « Je compte beaucoup d’agents dans mon entourage. La plupart me soutiennent et me félicitent d’avoir enduré cette épreuve sans porter le discrédit sur la profession« , martèle-t-il. Prochaine étape : Réaliser des tests médicaux pour déterminer précisément les séquelles à dédommager. D’ici là, Sylvain distille ses conseils auprès d’autres victimes de violences policières : « Tenir bon, continuer de vivre malgré tout, et surtout : trouver un bon avocat« .