Un procès de la « frénésie délinquante » à Passamaïnty

Le samedi 29 juillet dernier, entre 15h et 18h, une vingtaine de jeunes ont sauvagement vandalisé la station-service de Tsoundzou, agressant des dizaines d’automobilistes au passage et battant à mort le chien de l’agent de sécurité. Un jeune de 18 ans a été déféré, vendredi 1er septembre, pour six chefs d’accusation produits ce jour-là. Sa peine est vingt-quatre mois de prison dont six mois avec sursis. Le procès était l’occasion de mettre en avant l’efficacité des drones de plus en plus utilisés par les forces de l’ordre lors des affrontements.

 « Vous êtes âgé de 17 ans et serez donc jugé par le tribunal pour enfants. » Le suspens durait depuis maintenant plusieurs semaines. L’examen osseux réalisé sur Abdou S. a révélé que ce jeune ayant pris part aux émeutes du 29 juillet est bien mineur – il a donc été écarté de ce procès, ce vendredi 1er septembre.  Mais après plusieurs renvois à cause de couacs médicaux au sujet de l’âge du plus jeune des deux prévenus, l’audience a finalement pu se dérouler pour Tadiki R., âgé lui de 18 ans.

La terreur comme maître-mot

« Mais qu’est-ce que vous cherchez lorsque vous agressez les gens ? Vous aimez les terroriser, ça vous faire rire ? » C’est par ces mots et un glacial « oui » de la part de l’accusé, que le procès de Tadiki R. a été marqué. Le jeune homme a fait part d’une grande froideur tout au long de son procès, rythmé par des réponses courtes et par peu de remise en question. Le samedi 29 juillet après-midi, alors que les habitants se rendaient pour la plupart à la plage ou chez des amis, une vingtaine de jeunes se sont affrontés avec une grande violence entre Passamaïnty et Tsoundzou 1. Des affrontements qui ont dégénéré et qui se sont répercutés sur les automobilistes sur la route ou arrêtés à la station-service. De grosses dégradations matérielles ont été relevées mais aussi et surtout des traumatismes psychologiques pour la plupart des victimes. « Vous pensez que ça fait quoi aux gens qui vous croisent de voir un groupe de jeunes à cagoules avec des machettes et des armes ? » La juge a tenté, au cours de ces quelques heures de jugement, de faire la lumière sur les motivations qui ont pu pousser ce jeune vivant à Tsoundzou 1 à prendre part aux affrontements samedi 29 juillet… en vain.

« – On s’est juste battus entre nous, avec les gens de Passamaïnty et Tsoundzou, puis avec la police, après je ne sais pas ce qu’il s’est passé. » « – Donc vous vous êtes retrouvés par hasard à vandaliser la station-service après ? Et vous vous êtes retrouvés par hasard à agresser les riverains ? » Le silence règne. Tadiki R. ne montre aucun regret face aux parties civiles venues témoigner de cet événement. « C’était le chaos, les gens criaient et essayaient de fuir comme ils pouvaient », explique un homme d’une cinquantaine d’années, dont la voiture a été vandalisée par plusieurs jeunes cagoulés. Sous le choc, il peine à parler clairement, tout comme l’homme assis à ses côtés qui a reçu plusieurs coups et dont le scooter a été détruit. Face à cette description et au traumatisme qui persiste chez les victimes un mois après, le procureur interpelle la Cour sur le principe de « frénésie délinquante ». Il explique qu’« à l’image des requins saisis de frénésie alimentaire, ces jeunes, comme des bêtes font preuve de frénésie délinquante et pourraient tuer n’importe qui quand la folie les prend ».

La technologie au service de la justice

Au total, Tadiki R. se retrouve devant le tribunal correctionnel pour de nombreux chefs d’accusation : avoir créé un attroupement et volontairement bloqué une route, avoir commis des violences en réunion sur des riverains et sur des personnes dépositaires de l’autorité, avoir dégradé des biens (voitures, scooters et quatre caméras de surveillance), avoir porté une arme factice ou encore avoir publiquement exercé un acte de cruauté sur un animal domestique ayant entraîné sa mort. Des accusations que son avocat, Maître Soumetui Andjilani, explique et excuse presque par le besoin d’extérioriser ce que peuvent ressentir les jeunes à Mayotte : « vous trouverez des défouloirs dans de nombreuses villes françaises qui permettent aux gens nerveux de se défouler. Pour ce jeune, le seul défouloir à disposition, c’était ces jeunes de Passamaïnty ».

Mais tous ces chefs d’accusation n’auraient pas pu être prononcés si des drones n’avaient pas survolé la scène, ce samedi 29 juillet, afin d’en apporter les preuves. Alors que les émeutiers pensaient s’en sortir après avoir détruit les quatre caméras de surveillance de la station-service, des drones ont permis aux enquêteurs d’avoir des preuves précises du déroulé des affrontements. « Vous vous reconnaissez ici [demande la juge en pointant un jeune au survêtement rouge] ? » Tadiki R. peine à admettre qu’il se reconnaît mais finit par acquiescer et par avouer les faits qui ont été filmés par les caméras. Il admet avoir frappé à mort le chien malinois d’un agent de sécurité – sans même éprouver d’émotions. « On vous voit rire avec vos camarades en le frappant, ça vous semble normal ça ? » interroge la juge. Le prévenu admet devant l’audience la cruauté dont il a fait preuve mais ne fait preuve d’aucun regret. Face à ce comportement, le procureur sort de ces gongs, « vous vous amusiez bien ce jour-là ? On voit sur les images des drones des jeunes qui rigolent et qui font même des signes aux drones. (…) Seulement… le vent tourne pour les délinquants car on voit de plus en plus de jeunes comparaître ici parce qu’ils ont été identifiés par des drones ». Peu à peu, Tadiki R. comprend que la situation est grave et que son souhait d’intégrer l’armée dans le futur risque d’être compromis. Ce jeune de 18 ans, de nationalité française et dont les parents étaient présents dans la salle d’audience, n’a d’autres options que d’assumer ses torts. Il fixe froidement les images captées qui lui sont présentées et ne bronche pas. « J’aimerais qu’on me mette un bracelet électronique, je suis prêt », clôture-t-il, lorsque la juge lui demande s’il souhaiterait ajouter un élément.

Tadiki R. ne sera, certes, pas le dernier émeutier de Mayotte mais sa peine de prison devrait permettre d’en refroidir plus d’un : vingt-quatre mois de prison dont six mois assortis de sursis simple. « Vous partez à Majicavo ce soir, un endroit où vous aurez tout le temps de réfléchir à vos actes et à votre futur », lui indique la juge.

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Mayotte Hebdo n°1115

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