Ils avaient passé à tabac un homme à Koungou, un soir de janvier 2018. Deux agresseurs présumés comparaissaient ce mercredi au tribunal pour répondre des faits de violence aggravée suivie d’incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, commis en réunion, avec préméditation et usage d’une arme. Des circonstances aggravantes qui auraient pu leur coûter cher…
Deux plaies sur le crâne de sept centimètres, une à la jambe de trois centimètres, une autre de cinq centimètres pour le lobe gauche, une encore pour la main gauche, trois centimètres… “et ce n’est pas terminé”, énumère le juge en faisant passer d’un air las les clichés à ses assesseurs. Cette description sanglante, c’est celle des blessures infligées à F. K., la victime d’une agression violente à Koungou, survenue un soir de janvier 2018. Appelés à la barre trois ans plus tard, les deux agresseurs présumés devaient répondre face aux magistrats des faits de violence aggravée suivie d’incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, commis en réunion, avec préméditation et usage d’une arme.
Ce soir de janvier 2018, les gendarmes sont appelés au plateau sportif de Koungou. Quand ils arrivent sur les lieux, les pompiers s’affairent déjà autour du crâne tailladé de la victime. Entendue, celle-ci désigne rapidement un certain “Eli”, comme son agresseur. “Eli, c’est vous, c’est votre surnom ?”, demande la juge au premier prévenu, un habitant de Koungou âgé de 28 ans. Hochement de tête. D’après la victime, “Eli”, donc, se serait approché de lui alors qu’il regardait un film avec des amis sur son ordinateur. Effrayé, il aurait pris la fuite, mais aurait alors été rattrapé par le deuxième prévenu. Un homme d’une trentaine d’années lui aussi, qui s’avère être l’oncle d’Eli. Plusieurs coups de chumbo plus tard, le pauvre homme se serait ensuite évanoui, adossé à un pneu de voiture. Une sordide agression, comme Mayotte en collectionne…
Le poids des circonstances aggravantes
Le petit twist de cette audience ? Les juges devaient surtout déterminer si les faits et notamment les circonstances aggravantes étaient caractérisées. À savoir : la préméditation, la réunion, l’usage d’une arme. En effet, le code pénal punit de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende les faits de violences aggravées suivies d’une interruption totale de travail supérieure à huit jours. Mais ajoutez-y ces trois circonstances aggravantes, et les peines maximales passent à dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende…
Le cœur ouvert à l’inconnu
Premier dilemme : la réunion. L’oncle nie avoir participé aux violences. Selon lui, il se baladait simplement cette nuit-là à la recherche d’un coin d’oreiller, quand il aurait aperçu son neveu, visiblement en rogne. Et il serait intervenu dans le seul but de séparer les deux parties. Une version niée par la victime, qui l’a bien identifié comme l’un de ses agresseurs sur la planche photographique, mais partiellement confirmée par les trois témoins qui ont vu la scène de loin. Exit la réunion.
Et pour la préméditation ? Difficile à dire. Le conflit n’est pas sorti de nulle part. Tout remonte en réalité à quelques jours plus tôt, quand le premier agresseur présumé se serait rendu chez la victime. Après son passage, un téléphone manque à l’appel. Confronté, Eli aurait reçu un premier coup de chumbo “involontaire”. Puis le soir des faits, il aurait entendu la victime pérorer sur son compte. Un banal commérage qui l’aurait donc fait sortir de ses gonds ! Quant à l’arme, en l’espèce un chumbo, Eli confirme bien l’avoir eu en main ce soir-là, mais “pour aller désherber son champ« . Hum…
Oeil pour oeil, dent pour dent ?
Pas convaincu, le procureur requiert toutefois deux ans de prison chacun, que les deux prévenus ont en l’occurrence déjà effectué en détention provisoire, ainsi qu’une interdiction de porter une arme pendant cinq ans. “Comme c’est malheureusement souvent le cas à Mayotte, c’est oeil pour oeil, dent pour dent. La préméditation elle est là, car il y a vengeance, mais la difficulté c’est la réunion”, souligne-t-il en amenant ses réquisitions. Pour le tribunal néanmoins, il n’y a pas assez d’éléments pour caractériser l’infraction pour le deuxième prévenu, ni la réunion ou la préméditation pour le premier. L’oncle obtient la relaxe “au bénéfice du doute”, tandis que le premier écope de deux ans d’emprisonnement et de l’interdiction de porter une arme pendant cinq ans.