Rapt de Petite-Terre : après l’appel devant la chambre de l’instruction, case prison et « tournure politique »

Rendue ce jeudi en appel devant la chambre d’instruction de La Réunion, la décision de placer les quatre hommes mis en cause dans l’affaire du rapt de Petite-Terre n’est pas sans soulever de questions selon leur avocat. Me Nadjim Ahamada dénonce notamment une violation des droits de la défense et une motivation politique à l’endroit des divers collectifs contre l’insécurité qui affichent un soutien farouche à ses clients.

« Il y a clairement eu violation des droits de la défense », s’indigne Maître Ahamada au lendemain de la décision rendue en appel la veille et qui a conduit à l’émission de trois mandats de dépôt à l’encontre de ses clients jusqu’alors sous contrôle judiciaire – la décision de placer en détention provisoire celui désigné comme le leader en première instance ayant été confirmée. « Les quatre vont en prison », lâche-t-il, amer. La raison de sa colère ? « Je n’ai pas pu m’exprimer », explique l’avocat. « L’audience a eu lieu ce jeudi avec des juges de La Réunion, elle devait se dérouler en vidéoconférence, sauf qu’il y a eu un problème technique qui n’a pas permis de faire fonctionner le dispositif correctement. Normalement, l’audience aurait dû être reportée, mais les juges ont décidé de ne pas tenir compte du problème technique. Mes clients ont donc été jugés sans avocat », peste-t-il.

Le pourvoi en cassation envisagé

S’il dénonce le choix des magistrats de maintenir l’audience sans débat contradictoire, Maître Ahamada y voit cependant un argument de poids pour espérer voir la décision annulée. « Je vais en discuter avec mes clients ce lundi, mais j’estime que cette violation des droits de la défense a de quoi motiver un pourvoi en cassation », indique-t-il. Toujours est-il qu’étant non-suspensif, cet éventuel pourvoi en cassation ne changerait rien au fait que ses quatre clients dorment à Majikavo d’ici là.

Une situation que déplore la robe noire. Car au-delà de l’irrespect du principe élémentaire de contradictoire qu’il dénonce, c’est également le fond de la décision, « totalement injuste » et surtout sa motivation que le conseil rejette. « Les juges ont retenu comme argument phare le risque de troubles à l’ordre public au vu des diverses manifestations de collectifs contre l’insécurité », soutient l’avocat. « Sauf que ce ne sont pas mes clients qui sont à l’origine de ces manifestations », poursuit Maître Ahamada, concédant toutefois que les collectifs « affichent un soutien farouche » à ses clients. Et que des membres de leur famille sont également des figures influentes de ces mêmes collectifs.

Un message aux collectifs ?

Alors, le conseil en est convaincu, c’est à l’endroit de ces groupes prônant régulièrement une justice populaire et expéditive que la décision a été rendue. « Cela prend une tournure politique, c’est tout simplement un message adressé aux collectifs, une façon de tenter de les museler alors qu’ils ont prévu une nouvelle manifestation samedi », estime-t-il.

Peut-être aussi une façon de faire un exemple pour ceux qui seraient tentés d’emprunter la même voie que ses clients. En première instance, lors de l’audience du 4 août au tribunal judiciaire de Mamoudzou, la substitute du procureur ne s’en cachait d’ailleurs pas. « On voit des milices naître un peu partout sans aucune autorisation et on ne peut pas laisser faire ça. Il faut traiter cette affaire à sa juste mesure parce que sinon, c’est ouvrir la voie à des comportements de type lynchage en toute impunité », avait-elle ainsi fait valoir.

Car si certains peuvent voir dans la séquestration et les coups qui ont conduit à la mort d’un jeune – désigné par ses agresseurs comme délinquant – une forme de justice, voire de bravoure alors que l’île est en proie à l’insécurité, impossible pour la justice de la République de ne pas se tendre. Ainsi remise en cause, la voici donc à tenter de rappeler toute sa force.

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