Depuis le 11 janvier, c’est un procès hors du commun qui se tenait à la cour d’assises de Mamoudzou. Les accusés ne sont autre que la bande de jeunes qui avaient terrorisé l’île en 2017 à travers une série de vols, de rackets et de séquestrations. Ce mardi 19 janvier sonnait la fin du procès, et leurs avocats ont joué leur dernière carte.
7 jours d’audience. 12 accusés. 1 procès hors-norme. Voici en somme ce qu’il faut retenir du procès dit Magnélé. Dans son tee-shirt bleu, la tête recroquevillée, et entouré de plusieurs gendarmes, le principal accusé semble redouter le sort que lui réservent les juges de la cour d’assises. Il le sait, sa situation peut s’aggraver en l’espace de quelques heures, lui qui a déjà passé plus de trois ans au centre pénitentiaire de Majicavo.
L’avocat général accuse le groupe de jeunes délinquants d’avoir formé une bande organisée qui a sévi sur l’île en 2017. Un terme de « bande organisée » qui fait toute la différence puisqu’il s’agit d’une circonstance aggravante qui alourdit la peine encourue. Les nombreux avocats des accusés s’attellent donc à prouver le contraire, lors de leurs longues plaidoiries. «Pour parler de bande organisée, il faut qu’il y ait de la préméditation, il faut qu’il y ait un groupe structuré ayant préexisté à l’infraction. Il faut qu’il y ait un chef et un plan», rappelle Me Jean-Baptiste Konde Mbom, avocat d’Abdoulanziz Ahamad Said Ali, dit Magnélé. Mais force est de constater que le parquet et les enquêteurs n’ont pas pu rassembler tous les éléments permettant de soutenir cette thèse. «Où sont les plans ? Où est la préméditation ? Où est la hiérarchie ?», s’étonne toujours l’avocat.
Magnélé, le «gentil» de la bande
Lors de la séquestration des gardiens de la société ETPC dans la nuit du 15 janvier 2017 (l’une des accusations de l’affaire), le fameux Magnéle aurait fait preuve de bon coeur selon son avocat qui se base sur les dires de la victime. En effet, il aurait permis au gardien de respirer en libérant sa bouche. «Il décide d’être l’ange du groupe», clame Me Jean-Baptiste Konde Mbom. Ce dernier a tendance à minimiser les faits en qualifiant le groupe de «bande de gentils qui n’avaient pas la volonté de faire mal».
L’homme en robe noir essaye d’attendrir l’audience en jouant sur les sentiments. Au moment des faits, «il s’agissait d’un mineur fragile qui avait de la colère», dit-il. Ledit Magnélé aurait sombré dans la délinquance lorsqu’il a vu le banga qu’il partageait avec sa famille se faire démolir sous ses yeux. «On ne peut pas lui faire porter ces responsabilités. Sa réputation dans l’opinion publique est fausse. On dit que c’est un être dangereux, un barbare. On en fait un mythe alors que c’est un gamin», conclut Me Jean-Baptiste Konde Mbom.
Un procès hors-norme
Les faits reprochés aux 12 accusés avaient marqué les esprits des habitants de l’île. Et les actes de délinquance perpétrés sur le territoire quotidiennement ne font qu’augmenter le sentiment d’impunité. Raison pour laquelle les avocats des présumés coupables redoutent, depuis le début de l’affaire, des peines lourdes dans l’objectif d’envoyer un message fort aux voyous qui sont encore en liberté. «On essaye de faire de ce procès un symbole. On en fait un procès criminel alors que c’est un procès d’ordre correctionnel tout simplement», souligne Me Delamour Maba Dali.
L’exceptionnalité du jugement se manifeste également à travers la multitude de policiers et de gendarmes déployés pour accompagner et surveiller les prévenus dans leurs moindres faits et gestes.
Si les avocats des prévenus demandent un verdict juste, certains estiment même que leurs clients méritent l’acquittement. Pour autant, le parquet général requiert 10 ans de réclusion criminel pour Magnélé, et 6, 15 et 20 ans pour ses présumés complices. Des peines lourdes, justifiées par les faits qui leur sont reprochés ci-dessus. La cour a finalement été plus clémente puisque Magnélé écope de 6 ans d’emprisonnement. Huit de ses complices sont condamnés quant à eux entre 6 à 10 ans, tandis que trois autres sont acquittés.