Au cours du mois d’août, le centre pénitentiaire de Mayotte a vu son nombre de détenus monté à plus de 500, alors que sa capacité théorique est de 278 places. Salimou Assani, du syndicat Force ouvrière, ne cache pas son inquiétude concernant les conditions de travail des agents et les risques d’une telle situation.
En mars, quelques semaines après la visite d’Éric Dupond-Moretti, plusieurs détenus s’étaient rebellés et avaient refusé de quitter la cour de promenade (voir Flash Infos du 31 mars 2022). Le GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) avait dû intervenir après plusieurs heures de blocage. Cet événement n’avait pas manqué de faire réagir les syndicats de surveillants pour qui la surpopulation carcérale est la première des causes. Et le ministère de la Justice en a bien conscience puisqu’il a annoncé la construction d’une deuxième prison en mars dernier afin de soulager celle vieille de huit ans seulement. « Mais ça va prendre une décennie », estime Salimou Assani, secrétaire Force ouvrière-Justice.
Décrivant « une cocotte-minute prête à exploser », il pointe les problèmes constatés aujourd’hui. D’abord pour les détenus qui se retrouvent à quatre dans des cellules de neuf mètres carrés. « On a près de 140 matelas au sol », comptabilise le syndicaliste. Une buanderie et une restauration pas calibrées pour un tel monde, des pannes régulières du réseau des eaux usées, les bâtiments souffrent de cette situation. Et il en va également de la sécurité des agents. Car si le nombre de détenus augmente, le leur stagne. Conflits entre villages, manque de structure psychiatrique, les problèmes de Mayotte ont une incidence sur ce qui se passe à l’intérieur du centre pénitentiaire. « Avec quatre détenus par cellule, on ne s’est pas ce qu’on peut découvrir en ouvrant les portes. Ce sont les agents qui sont ensuite tenus pour responsable. » Il y a trois semaines, un détenu en a étranglé un autre. C’est grâce à l’alerte du troisième occupant de la cellule que la victime a échappé à la mort.
Des transferts réguliers vers La Réunion
Afin de contrôler un taux d’occupation aujourd’hui à 180%, des prisonniers sont régulièrement envoyés en métropole ou à la prison du Port (La Réunion) depuis 2019. Actuellement, au moins deux détenus par semaine sont ainsi transférés de l’autre côté de l’océan Indien, où les tensions communautaires sont pourtant courantes. Quant aux bracelets électroniques, alternative à la détention, il n’y en a qu’une cinquantaine sur l’île. Pour réduire cette surpopulation, le secrétaire de FO-Justice indique pourtant que la construction « en urgence » d’un bâtiment de « 200 places » est possible sur le terrain de deux hectares adjacents aux locaux actuels*. Il demande aussi « que soit augmenter les mesures alternatives ».
Car la justice ne peut faire autrement que de continuer son travail au vu de l’actualité judiciaire du territoire. Le mois dernier, il y a eu par exemple une cinquantaine de mandats de dépôts. « Ça reflète ce qui se passe à l’extérieur », fait remarquer Salimou Assani.
*La direction territoriale de la mission des services pénitentiaires de l’Outre-Mer, dont dépend la prison de Majicavo, n’a pu répondre dans les temps à nos questions.