À la protection judiciaire de la jeunesse, les éducateurs jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des mineurs âgés de 13 à 18 ans et passés devant le juge pour des faits délictuels ou criminels. Une mission qui permet d’adapter la réponse du ministère de la Justice à la situation et aux faits de chacun.
« Un jeune qui vole pour se nourrir, on ne va pas l’envoyer en prison… Si nous lui donnons un cadre de vie, nous pouvons lui passer l’envie de voler ! A contrario, il y a des mesures plus restrictives lors d’un crime. La case prison est la sanction ultime. » Depuis un an et demi, Christelle prend son rôle d’éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse à cœur et se dévoue corps et âme pour assurer le droit de protection accordé aux mineurs, qui ont eu pour ainsi dire un accident de parcours. « Nous sommes forces de propositions pour les magistrats », insiste-t-elle. Sa mission : faire en sorte « d’adapter la réponse judiciaire (placement en famille d’accueil, en établissement de rupture, en centre éducatif renforcé, en unité éducative d’activité de jour) selon l’âge, la gravité des faits, l’évolution comportementale » et surtout « de coller au plus proche de la réalité ».
Pourtant, le terrain de jeu sur lequel la trentenaire exerce n’est pas des plus aisés ! À la différence de la métropole, le métier s’avère beaucoup plus complexe à Mayotte pour des raisons diverses et variées telles qu’un adressage souvent douteux ou une situation administrative familiale chaotique. « Cela nous oblige à réaliser certains déplacements que nous n’aurions pas à faire ailleurs. Sans omettre que l’insécurité a un impact d’un point de vue professionnel et demande de l’organisation. » Et ce n’est pas tout. Il faut aussi savoir jongler avec d’autres particularités locales. « Certains peuvent disparaître dans la nature pendant plusieurs semaines, voire être renvoyés dans leur pays d’origine sans que nous soyons informés », confie la native de la région lyonnaise pour rendre compte de la tâche ardue au quotidien.
La réforme du code de la justice pénale des mineurs
Heureusement, Christelle note une spécificité « très positive » sur le territoire. « Une relation pure se crée quand nous montrons aux jeunes de l’intérêt. En retour, ils sont intéressés ! », concède celle qui s’occupe également de la permanence éducative auprès du tribunal. Et bien souvent, le travail d’accompagnement finit par porter ses fruits : « Des gamins ont juste besoin d’un coup de pied aux miches de la part de la justice pour que nous n’entendions plus parler d’eux. » Encore plus depuis l’entrée en vigueur le 30 septembre 2021 du code de la justice pénale des mineurs qui réduit drastiquement le verdict final – entre trois et six mois – après l’arrestation. « Cela [leur] permet de se projeter plus concrètement. » Une procédure accélérée qui a pour but de les remettre « plus rapidement » dans le droit chemin.
Si un grand nombre d’habitants connaît la protection judiciaire de la jeunesse, une partie de la population a encore du mal avec son fonctionnement. « La justice représente une culture occidentale qui peut s’entrechoquer avec la culture mahoraise », indique Christelle, sans vouloir rentrer dans la polémique. Si elle comprend les réactions de colère exprimées, elle s’oblige à faire un pas de côté face à la révolte parfois véhémente de l’opinion publique. De ce fait, l’ancienne éducatrice à Aubervilliers préfère mettre l’accent sur l’absence de diversification des accueils, notamment en termes de santé pour lutter par exemple contre les addictions ravageuses. En d’autres termes, la solution ne peut simplement dépendre d’une seule juridiction. « La justice est une réponse symptomatique a un mal… » Conclusion : pour enrayer la spirale négative dans laquelle les Mahorais se sentent piégés, cela passe par une assimilation du « manque profond et général » qui gangrène l’île aux parfums.
Les cinq unités de la protection judiciaire de la jeunesse sur le territoire
Pour la mission milieu ouvert, le service territorial éducatif de milieu ouvert se composent de deux unités Nord et Sud et d’une équipe intervenant au quartier mineur du centre pénitentiaire. Une troisième unité ouvrira prochainement en Petite-Terre.
Pour la mission placement, l’unité éducative d’hébergement diversifié localisée à Mamoudzou dispose de 30 places en familles d’accueil. Dans le secteur associatif, il existe le foyer de placement Dago à Cavani et le centre éducatif renforcé à Nyambadao. Par ailleurs, des mineurs sont régulièrement envoyés dans les lieux de placement de La Réunion, dont le centre éducatif fermé.
Pour la mission insertion, l’unité éducative d’activités de jour répartie sur deux sites à Passamaïnty et à Dzaoudzi accueille 36 jeunes. D’autres dispositifs se sont développés ces dernières années, dont 12 places en accueil de jour avec la structure associative Daradja, et des programmes d’insertion financés par les crédits Justice de proximité, notamment avec les associations MAN et Mayotte Nouveau Départ.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.