Ouverture du procès aux assises d’un policier de la BAC blessé à l’oeil en 2018

La cour d’assises des mineurs juge depuis hier un homme accusé d’avoir envoyé un projectile sur un policier de la brigade anti-criminalité en 2018, provoquant la perte de son œil. Cette agression, qui intervenait un an après l’attaque similaire du lieutenant-colonel de gendarmerie Olivier Pech en Petite-Terre, avait connu un certain retentissement. La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, avait notamment condamné « cet acte de violence inacceptable« .

Silence dans la salle. La présidente bataille quelques minutes pour ouvrir le sachet en papier kraft, solidement scotché. À l’intérieur du scellé, un morceau de parpaing de 600 grammes. La pièce passe de main en main, jusqu’à celle de l’accusé. “Soupesez-le, Monsieur, qu’en pensez-vous ?”, demande la présidente. “C’est un caillou qui peut tuer un homme…”, avoue l’intéressé.

C’est un procès chargé d’émotion qui s’est ouvert ce jeudi à la chambre d’appel de Mamoudzou. La cour d’assises pour mineurs étudiait l’affaire qui avait conduit un policier de la brigade anti-criminalité (BAC) à perdre un œil en intervention, visé par un projectile dans le village de Passamaïnty, une nuit de mai 2018. Prévue à huis clos en raison de l’âge du mis en cause au moment des faits, l’audience a finalement été rendue publique, l’accusé n’ayant pas opposé d’objection.

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Les faits se sont déroulés dans la nuit du 24 au 25 mai, en pleine période de ramadan. Ce soir-là, un mourengué rameute des bandes de jeunes de Tsoundzou et de Passamaïnty. À l’issue du combat de boxe, des violences urbaines éclatent, entraînant l’intervention du GSP (groupe de sécurité de proximité), qui envoie des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Afin de prévenir d’éventuelles résistances de la part des fauteurs de trouble, le GSP demande du renfort, et une brigade de la BAC arrive sur les lieux. À ce moment-là, un calme relatif semble avoir repris ses droits sur la route de Vahibé.

“C’était le calme plat”

Les forces de l’ordre quadrillent malgré tout la zone et suivent à la trace les quelques jeunes restants, qui s’éparpillent rapidement sur leur passage. “Nous avons attendu cinq, dix minutes, c’était le calme plat, pas un bruit”, retrace le policier, entendu à la barre trois ans après son attaque. Mais il faut s’en assurer. D’autant que le tracé de la route forme un léger virage, sur cette portion entre le terrain de foot et la Croix Rouge. “Un mois avant cela, ils faisaient ça, c’est-à-dire qu’ils faisaient des barrages tous les cent mètres en incendiant des palettes.

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L’homme se poste donc au milieu de la chaussée, bien visible sous la lumière d’un lampadaire. Il s’apprête à annoncer le R.A.S dans sa radio, quand soudain… “J’ai ressenti un choc en plein visage, et d’un coup, j’étais dans le noir complet. J’ai porté ma main sur mon visage, j’ai essayé d’ouvrir les yeux, mais impossible”, souffle-t-il, en alliant le geste à la parole, comme s’il revivait la scène. S’ensuit alors une nuit d’angoisse. Transporté au CHM, le fonctionnaire de police attendra plusieurs heures sur son brancard avant que le verdict ne tombe, au petit jour. Il souffre d’une dizaine de fractures au visage dont celle au plancher orbital de l’œil gauche. “Un médecin en sortie de garde m’a dit ‘‘pour moi, l’œil est perdu’’.

 

Des séquelles physiques, professionnelles et familiales

 

Après une première opération, la victime est évacuée vers La Réunion où elle passera encore plusieurs fois sous le scalpel. Trois ans plus tard, l’agent de la BAC en retraite forcée attend encore la pose d’une prothèse, repoussée en raison de la crise sanitaire. Un traumatisme qui ne s’arrête pas à ses séquelles physiques. “Je vivais à Mayotte avec mon fils. Du jour au lendemain, j’étais à La Réunion, et il s’est retrouvé tout seul à 17 ans. Donc j’ai abandonné mon fils”, poursuit-il, la voix brisée. Présent ce jeudi à l’audience, ce dernier s’est d’ailleurs constitué partie civile. “Je suis un dommage collatéral, mais un dommage quand même”, explique-t-il aux juges.

 

L’accusé reconnaît les faits

 

Dix-sept ans, c’est également l’âge de l’accusé au moment des faits. Identifié grâce au témoignage d’une voisine, qui l’a décrit, un chapeau de Père Noël en guise de couvre-chef, ramasser “quelque chose” au sol avant de le jeter en direction du policier, le jeune homme ne niera pas les faits, ni en garde à vue, ni pendant l’instruction. “Je suis vraiment désolé… Il ne peut pas jouer avec son fils comme avant. Tout le monde fait des erreurs, j’aimerais avoir une chance”, bégaie-t-il à la barre, en triturant nerveusement ses cheveux crépus.

Lors de sa première audition, il tente d’expliquer son geste par la consommation d’une cigarette, imbibée de chimique. Puis par celle de cannabis. Des explications peu convaincantes de l’aveu même de l’expert psychiatre qui infirme le rôle de ces drogues pour justifier le passage à l’acte. Alors simple coup de sang ? Ou action préméditée à l’égard d’un représentant des forces de l’ordre ? Difficile à dire. Et l’accusé peine à amadouer l’audience. D’ailleurs peu soutenu par son avocat, lui-même presque plus amène avec la partie adverse… “Tout à l’heure, vous avez indiqué que vous étiez aussi des sauveurs et je voulais vous le confirmer”, adresse l’avocat de la défense à la victime.

Les débats doivent se poursuivre ce jour, avant le verdict attendu à la mi-journée.

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