« Le même mécanisme qu’une meute assoiffée par l’odeur de sang »

En voulant se faire justice elle-même, une bande de Kawéni a provoqué la mort un homme de 22 ans, en avril 2019, dans le quartier du Nouveau Bandrajou. La cour d’assises des mineurs a infligé à quatre membres des peines allant de six à dix ans de prison pour avoir porté des coups. Deux ont été condamnés à cinq ans pour complicité, tandis que deux autres ont été acquittés.

Qualifié de « cour de justice parallèle », « le chantier », ce lieu où se rassemblait la bande des accusés est aussi celui qui a précipité sa chute et sa condamnation par la cour d’assises des mineurs, ce vendredi. Pour la plupart originaires d’Hada (Comores), un village d’Anjouan, les huit hommes croisaient à l’époque régulièrement leur victime, « Sergent ». Ami, connaissance, celui qui habitait alors un autre quartier de Kawéni passait souvent à Nouveau Bandrajou où il suscitait parfois la méfiance, étant connu pour sa violence. En tout cas, c’est après s’en être pris une fois de trop à un mineur du groupe, que les choses ont dégénéré dans la nuit du 12 à 13 avril 2019. Décrivant « le même mécanisme qu’une meute assoiffée par l’odeur de sang », l’avocat général Albert Cantinol rappelle comment la bande est partie à la recherche de Sergent, l’a amené au point de rendez-vous habituel pour « des explications ». Malgré la volonté initiale du groupe, elles n’ont jamais eu lieu. Car celui qui a été frappé le matin même s’est emparé d’un morceau de bois pour atteindre la victime de 22 ans à la tête. Se sont ensuivis des coups de pied, deux autres avec un marteau ou avec le plat d’une machette. Le 13 avril, vers 17h, à l’hôpital de Mamoudzou, Sergent est déclaré mort des suites de ses blessures au crâne.

Les accusés répartis en deux groupes

Dans ses réquisitions, le ministère public a pris en compte les responsabilités de chacun. L’instruction et les témoignages démontrent en effet qu’il y avait deux catégories parmi les accusés. Ceux qui ont donné les coups et les autres qui ont assisté au « jugement », voire ont aidé. Le plus jeune, qui avait 17 ans à l’époque, a été condamné à la peine la plus lourde, dix ans de prison (le nombre maximum pour un mineur). Un autre mineur, qui a reconnu avoir porté le coup de marteau, écope de sept ans de prison. « Magnele », Cherdine Attoumane, qui a donné des coups de pied à la victime, obtient six ans à Majicavo. L’un des leaders du groupe, Saïd Anli, dit « Ali Bacar », est condamné à huit ans de détention.

Arkane Abou dit « Berto » et Saïd Tasmir dit « Eric », les deux plus âgés, ont été reconnus coupables de complicité. Ils font partie du groupe qui est allé chercher Sergent pour le ramener au chantier. Leur peine est de cinq ans de prison chacun. La cour d’assises des mineurs prononce, en outre, une interdiction de territoire français aux quatre majeurs condamnés.

Deux autres ont été acquittés. Il s’avérait que l’un des membres de la bande dormait dans un banga à proximité. L’autre était bien présent au « chantier », mais sa participation aux actes n’est pas avérée. Au contraire, c’est lui qui a recueilli la victime le soir-même, avant de la porter en bas du quartier pour faciliter l’accès aux secours.

 

Le coup d’épée dans l’eau des avocats

Alors que le quatrième jour de procès avait commencé et les réquisitions déjà été données, les avocats des huit accusés ont tenté d’obtenir le renvoi de l’affaire. Ils ont ainsi soulevé une disposition figurant dans le code de procédure pénale de la justice des mineurs. Celle-ci impose que l’un des deux assesseurs de la cour d’assises des mineurs soit un juge pour enfants. Une demande renvoyée finalement par le tribunal après une nouvelle suspension de séance. Une ordonnance de la cour d’appel de La Réunion indique justement que dans « l’impossibilité » d’avoir un juge pour enfants comme assesseur, un autre magistrat peut être nommé.

En outre, en réponse à la demande initiale des avocats, le président du tribunal Cyril Ozoux a confié aux plus jeunes accusés, avant les délibérations, que l’un des assesseurs était très qualifié dans le domaine de la justice des mineurs, ayant été juge pour enfants pendant cinq ans.

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