« L’alarme servait juste à prévenir une attaque des jeunes de Combani »

Deux habitants de Miréréni, très respectés dans leur village, étaient jugés par le tribunal correctionnel de Mamoudzou, ce mardi. Ils sont poursuivis en lien avec le regain de violences entre les jeunes de Miréréni et Combani, à la fin du mois de novembre 2023. Au vu du peu d’éléments contre eux, leur avocat a demandé la relaxe. Le délibéré sera connu la semaine prochaine.

« Si c’est comme ça qu’on veut rendre la justice, en prenant des honnêtes citoyens et en les amenant à la barre », regrette maître Soumetui Andjilani, l’avocat des deux prévenus, ce mardi, au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Les deux habitants de Mirénéni dénotent parmi ceux qui passent habituellement à la barre. L’un est un dirigeant du club de football local âgé de 49 ans. Père de cinq enfants, il travaille depuis quinze ans dans la même entreprise dans le nord de Mayotte. Le deuxième est plus jeune, 29 ans. Il aide sa mère qui a une boutique à Miréréni, quand il n’est pas sur les chantiers en tant que peintre ou plaquiste. Les deux sont plutôt respectés dans leur village et n’ont jamais eu affaire à la justice auparavant. Ce sont pourtant les juges qui doivent déterminer si les deux hommes ont eu un rôle dans les affrontements entre les jeunes de leur village et ceux de Combani, le délibéré étant attendu le 26 novembre. En effet, le secteur où ils vivent, près du pont qui sépare les deux localités, a connu de nombreux affrontements entre bandes avant que la situation ne s’améliore en 2022. Puis, fin novembre 2023, un nouveau déchaînement de violences est intervenu avec son lot habituel de barrages sur les routes, de véhicules dégradés, de riverains agressés, de commerces pillés et des forces de l’ordre caillassées.

Durant cette période, les gendarmes ont mis la main sur plusieurs participants. Ils se sont aussi interrogés sur la présence d’adultes sur les images et éventuellement le rôle qu’ils pouvaient jouer. Au cours des auditions, trois jeunes côté Miréréni, condamnés depuis pour les violences, ont laissé entendre que des adultes de leur village les aidait en leur « préparant à manger après la bagarre ». « On pourrait se croire dans un album d’Astérix », fait remarquer Ludovic Duprey, le président du tribunal correctionnel. Le surnom du dirigeant du club de football revenant souvent, les jeunes disaient l’avoir même vu sur un toit en train de lancer des pierres. « Ils disent que c’est arrivé le 2 décembre 2023, alors que la prévention ne va que jusqu’au 28 novembre », fait observer l’avocat du prévenu de 49 ans. Au tribunal, celui qui fait notamment partie du comité intervillage pour mettre fin à la violence nie toute participation et incitation. Proche des jeunes du village par ses fonctions associatives, il reconnaît qu’il fait parfois des voulés avec eux. Et si à la toute fin de son audition, il avait fini par répondre « oui » à des questions sur sa participation, il se rétracte désormais.

« Des déclarations de voyous patentés »

Pour le peintre-plaquiste, c’est l’utilisation d’une alarme qui lui est reprochée. Celle-ci a intrigué les gendarmes et les policiers municipaux qui y ont vu le moyen de rallier les jeunes de Miréréni pour qu’ils puissent se battre en retour. En effet, elle a retenti à chaque fois que les bandes de Combani traversaient le pont et a permis à celles de Miréréni de contre-attaquer. Le prévenu de 29 ans, qui habite à Combani de surcroît, se confond en excuses. « L’alarme servait juste à prévenir une attaque des jeunes de Combani », se défend-il aujourd’hui. Cependant, il indique que celle-ci n’avait pas pour but d’appeler à l’affrontement, mais au contraire, de mettre les gens du quartier ou les véhicules à l’abri. « Je ne vais pas payer des jeunes pour s’en prendre à Combani, mes enfants y sont », soutient-il.

Ayant peu d’éléments et avec une absence d’antécédents judiciaires, le Parquet requiert des peines courtes, quatre mois de prison avec sursis pour l’un et deux mois de prison avec sursis pour le deuxième. Maître Soumetui Andjilani relève la faiblesse du dossier et brosse le portrait de deux hommes qui ont tenté de protéger leur village plutôt que d’attiser les tensions. Il déplore que ses clients se retrouvent au tribunal pour « des déclarations de trois voyous patentés » et demande leur relaxe.

Le tribunal correctionnel donnera son délibéré le 26 novembre.

Rédacteur en chef de Flash Infos depuis 2022. Passionné de politique, sport et par l'actualité mahoraise, ainsi que champion de saleg en 2024. Passé un long moment par l'ouest de la France, avant d'atterrir dans l'océan Indien au début de l'année 2022. Vous me trouverez davantage à la plage quand je ne suis pas à la rédaction.

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