L’association En avant toute(s) révèle les résultats d’un rapport sur les violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+ en Outre-mer. Après un an d’enquête auprès des associations de ces territoires, le constat est le même pour tous, les violences sexuelles augmentent et les victimes n’ont que très peu de moyens de s’en sortir. À Mayotte, la pauvreté est une difficulté supplémentaire.
La structure nationale de l’association En avant toute(s) a travaillé en collaboration avec les experts des associations locales afin de dresser un tableau de leur réalité et connaître les besoins de leurs espaces. Pour l’île aux parfums, c’est le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (Acfav) et Nariké M’sada qui ont contribué. Ce rapport assure que la parole se libère dans le département. Notamment grâce aux victimes qui prennent le risque de dénoncer leurs bourreaux en public, à l’image de Saïrati Assimakou, la première mahoraise à avoir publiquement révélé avoir été victime d’inceste dans son livre, « Ose et ça ira » sorti en 2022.
Mais le chemin est encore long pour la plupart des femmes qui font face à ce genre de situation, à cause de la précarité dans laquelle elles vivent. Les structures pouvant les aider sont souvent loin des villages et elles doivent parcourir des kilomètres avant d’y arriver. De plus, elles n’ont pas toujours les moyens pour le faire. « Très peu de transports en commun existent… Par ailleurs, 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté, pouvoir utiliser des transports en commun pour se déplacer et trouver de l’aide est très peu accessible financièrement », d’après Nariké M’sada.
En avant toute(s) pointe également du doigt « l’héritage de la matrilocalité », présent à Mayotte. En effet, lorsqu’un couple se marie, c’est généralement l’époux qui rejoint le domicile de son épouse. Si cette coutume a pour objectif de protéger la femme, elle peut se retourner contre elle car « cela rend également plus difficile de quitter le domicile en cas de violences conjugales, ce qui rajoute une vulnérabilité supplémentaire pour les personnes victimes », selon l’association. Malgré les différentes analyses faites dans ce rapport, il est difficile d’établir un bilan exhaustif pour Mayotte par manque de données. La seule enquête existante à ce sujet sur le territoire date de 2014.
Des recommandations réalisables ?
La synthèse fait sept recommandations pour Mayotte. Et sans grande surprise, les structures locales ont besoin de plus de soutien, financier notamment, pour mieux aider les victimes. Il est préconisé de « renforcer les associations dans leur capacité à se déplacer pour couvrir plus de territoires lors de leurs actions de terrain, et encourager le développement de projets mobiles itinérants ». Il est également demandé de « produire de nouvelles enquêtes pour apporter des chiffres sur les réalités afin d’améliorer l’efficacité des politiques publiques et visibiliser le travail de terrain des associations. »
En avant toute(s) a mis en place un tchat en ligne sur le site commentonsaime.fr disponible en Outre-mer. Il permet aux jeunes, aux femmes et aux personnes LGBTQIA+ de s’adresser à des professionnels en cas de problème. Mais force est de constater qu’il n’a pas été utilisé une seule fois à Mayotte. Pourtant, il pourrait être la solution dans de nombreux cas. « L’opportunité du numérique est de permettre aux victimes d’avoir accès à une première écoute et une orientation adaptée, sans avoir à se déplacer physiquement », assurent les représentants de l’association.
L’absence de connexion internet dans les foyers explique la méconnaissance de ce tchat à Mayotte, mais son format n’est probablement pas non plus adapté aux plus jeunes. Il est donc nécessaire de toucher le public visé d’une autre manière « en atteignant des jeunes visiblement très connectés sur Instagram et Tiktok, et leur proposer des ressources qui leur ressemblent », reconnait En avant toute(s), qui espère avec ce rapport avoir permis le temps de la réflexion. Vient ensuite le passage à l’action qui s’avère plus difficile qu’il n’y paraît.