Alors que le député Mansour Kamardine et le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani ont donné de la voix pour protester contre les attaques à l’endroit du procureur de la République, Camille Miansoni, au tour de Yanis Souhaïli de monter au créneau et de se faire l’avocat de l’appareil judiciaire. Alors que la robe noire n’est autre que le conseil des trois personnes mises en examen dans l’affaire du rapt de Petite-Terre.
“Je fais seulement mon travail”, considère Yanis Souhaïli. Pourtant, force est de constater que le dossier qu’il a la charge de défendre n’a rien de commun. L’affaire du rapt de Petite-Terre soulève en effet l’émoi au sein d’une partie de la population s’affichant en soutien aux clients de l’avocat, mis en examen pour séquestration et violences. Devant le tribunal ou dans les rues de Petite-Terre comme sur les réseaux sociaux, ils sont ainsi nombreux à soutenir une justice expéditive à défaut, selon eux, de celle de la nation. Une réelle colère, légitimant la violence comme réponse, se soulève donc contre l’insécurité pour charrier avec elle une critique des plus virulentes à l’encontre du système judiciaire. Quitte à se focaliser sur la personne du procureur de la République, Camille Miansoni. Cette première colère, Maître Souhaïli dit la comprendre. “Oui, j’entends tout cela, car le contexte est en effet très particulier à Mayotte. On demande aux gens de respecter la loi en déposant plainte, mais quand ils le font, ils constatent que rien ne se fait. C’est une réalité alors quand ces personnes retrouvent dans la rue leurs agresseurs, ils ne peuvent qu’enrager et avoir envie de prendre les choses en main”, explique-t-il tout en tempérant : “je le comprends, mais il y a une loi en France et même si l’on peut considérer qu’elle devrait s’adapter à Mayotte, elle est bel et bien là et chacun se doit de la respecter.”
Une justice mal comprise
La colère et son expression sont donc deux choses bien distinctes pour l’avocat qui affiche une satisfaction en demie-teinte quant au soutien populaire accordé à ses clients. “C’est bien, car il faut se battre contre cette insécurité, mais de la bonne manière. Il est important que la population comprenne comment marche la justice française. Quand on voit ce qui se dit, on voit très bien que beaucoup de personnes se trompent sur beaucoup de choses et malheureusement, quand on tente de leur expliquer qu’ils ont tort, ils se braquent”, considère-t-il ainsi. Pour l’avocat “on peut bien sûr critiquer la justice, mais il faut d’abord avoir fait l’effort d’essayer de la comprendre. Pour cela, j’invite chacun à se rendre à une audience et ils seront nombreux à se rendre compte qu’ils se trompent”. Qu’ils se trompent, notamment, sur la personne que tant d’internautes ou de manifestants ciblent vindicativement. “Le procureur est dans son rôle, les insultes envers lui ne sont pas acceptables, d’autant plus qu’elles ne sont pas fondées puisque la justice fait son travail. Malheureusement, la vindicte tombe sur lui, mais ç’aurait très bien pu être sur les avocats ou sur le juge des libertés et de la détention ou tout autre acteur de la justice. Ces personnes ne font que leur travail dans un contexte très compliqué”, plaide le conseil qui n’oublie pas son dossier : “un soutien de cette manière est contreproductif, il aurait même pu faire courir un risque à mes clients et conduire à leur placement en détention provisoire”.
“Si cet homme était retrouvé, ça faciliterait les choses”
Pour Maître Souhaïli, la position est des plus claires : “le meurtre est totalement contesté par mes clients et par ailleurs, aucun élément de l’enquête et de l’instruction ne va en ce sens. Si cet homme était retrouvé, ça faciliterait beaucoup les choses”, assure-t-il encore. L’avocat tient par ailleurs à rappeler que ses clients sont des primo-délinquants, comme il l’a fait devant le juge des libertés et de la détention qui a choisi de ne pas les placer en détention provisoire. “Il a estimé que pour mener à bien cette enquête, il n’y avait pas besoin d’enfermer ces personnes”, commente-t-il sobrement avant de lâcher : “rappelons tout de même que la victime en question n’est pas un enfant de chœur, c’est un multirécidiviste à propos duquel les gendarmes m’ont par ailleurs confié qu’ils tentaient de lui mettre la main dessus depuis deux mois”.
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