« J’aimerais bien garder mon mur, il m’a coûté beaucoup d’argent »

Un commerçant de Dzoumogné était jugé, ce mardi matin, pour avoir construit un bâtiment dans le lit d’une rivière. Il a été condamné à 7.000 euros d’amende et devra détruire la construction sous peine d’amende.

C’est un mur contre lequel la Dealm (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement et de la mer) et le Département de Mayotte se heurtent depuis de nombreuses années. D’abord physique, puisque le mur de soutènement a été observé pour la première fois en 2018 et n’a pas bougé depuis. Mais aussi mental puisque le principal intéressé n’a rien fait pour le détruire malgré les injonctions. Le premier à s’être aperçu du chantier est un inspecteur de l’environnement. En procédant à un contrôle en 2018, il tombe sur une construction en plein milieu d’un affluent de la rivière M’jihari, à Dzoumogné. A l’époque, il ne s’agit que d’un mur de soutènement. Le commerçant, un homme de 59 ans, explique que la mairie lui a pris un terrain pendant qu’il était en déplacement professionnel à Dubaï, et que par erreur, on lui a octroyé celui-ci.

Sauf que, comme le rappelle Ronan Le Goaster, les rivières et leurs affluents de Mayotte sont des propriétés du Département, et qu’aucune construction n’y est autorisée, à moins qu’elle relève de l’utilité publique. Le directeur du service des rivières du Département de Mayotte note, en outre, qu’en 2020, une nouvelle visite a eu lieu en présence du prévenu. Mais là, ce n’est plus un mur, c’est carrément « une maison avec plusieurs étages » qui a été construite. Selon le commerçant, il ne s’agit que d’un bâtiment de stockage de matériel de construction et reconnait sa faute. « Pourquoi quand on vous a dit d’obtenir une autorisation ou de procéder à la destruction du mur, vous n’avez rien fait ? », lui demande Virgine Benech, la présidente du tribunal correctionnel, ce mardi matin. « C’est une erreur de ma part », répond piteusement le prévenu.

Un bâtiment toujours là en 2023

En 2021, l’affaire va encore plus loin avec un arrêté préfectoral qui demande un retrait du remblai et la remise en état du terrain. En avril 2022 cependant, toujours rien, le bâtiment est toujours là. Le substitut du procureur, Max Goldminc ne peut que constater : « C’est une chose de construire illégalement, c’en est une autre de persister ». Il demande une peine de 10.000 euros d’amende, ainsi que la destruction et la remise en état aux frais du prévenu avec une astreinte de 500 euros par jour.

Veuf et père de douze enfants (dont trois sont à sa charge), l’homme explique ne pas avoir d’argent pour remettre les lieux en l’état. « J’aimerais bien que vous m’aidiez à garder mon mur. Il m’a coûté beaucoup d’argent », émet-il comme souhait. Le tribunal correctionnel n’est pas de cet avis et le condamne à verser 7.000 euros d’amende. Il devra procéder « à la destruction du mur et la remise en état tel que l’arrêté de 2021 le stipule » dans un délai de douze mois. Il devra engager les travaux au cours du prochain mois sous peine d’amendes-jours de 300 euros. Commerçant toujours, il quitte la salle en laissant sa carte de visite à d’autres prévenus.

« Dawa » répondra au tribunal pour enfants

Alors que la journée est particulièrement chargée avec treize affaires programmées, le cas de « Dawa » va retenir pendant trois quarts d’heure l’attention du tribunal correctionnel. Ce jeune homme de Kahani devait être jugé pour le racket dans son village d’un lycéen, à l’aide d’un couteau, le 5 octobre 2021. Mais une première difficulté se pose avec son palmarès judiciaire, car lui explique être en prison au moment des faits. « Vous étiez sorti depuis juin 2021 », lui rappelle pourtant la présidente du tribunal correctionnel. Bien connu des gendarmes, le colosse de 20 ans multiplie les allers-retours à Majicavo-Koropa au cours de l’année de 2021 et n’a pas arrêté depuis. Il a été jugé en 2023, par exemple, dans une affaire d’extorsion datant de 2022 (il avait revendu les téléphones volés) et est actuellement en détention provisoire pour une tentative d’assassinat. Au moment des réquisitions, le substitut du procureur fait apparaître un problème encore plus important. Le fait jugé date du 5 octobre 2021, soit trois semaines avant les 18 ans du prévenu. Le tribunal correctionnel a donc dû se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire au juge pour enfants.

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