Le tribunal judiciaire de Mamoudzou fait sa rentrée. Ce jeudi 30 septembre, cinq nouveaux magistrats ont été présentés au sein de l’établissement. Ils viennent renforcer l’effectif, mais malgré cette arrivée, l’équipe de magistrats n’est toujours pas au complet à Mayotte.
Parés de leur robe traditionnellement noire et de leur ceinture moirée bleue, les cinq nouveaux magistrats écoutent attentivement le discours de bienvenue du président du tribunal judiciaire de Mamoudzou, Laurent Ben Kemoun. L’un d’eux est affecté au parquet pour épauler le procureur de la République et ses substituts. Les quatre autres sont des magistrats du siège, en d’autres termes, ce sont les juges classiques. Ils viennent renforcer l’équipe de la magistrature de la juridiction qui compte au total quatre juges au parquet plus le procureur et seize au siège.
Cependant, l’arrivée de nouvelles troupes ne comble pas le manque de personnel. « Ces effectifs ne sont bien évidemment pas suffisants, il faudrait au moins que nous soyons au complet… Mais il manque un poste au siège et un autre au parquet », indique Laurent Ben Kemoun. Cette problématique en emmène une autre puisque les postes vacants ne facilitent pas les missions des juges qui sont déjà submergés par la charge de travail. « Je peux comprendre ceux qui disent que les délais des affaires sont longs. Mais nous faisons un énorme travail pour réduire ce temps, surtout en matière correctionnel et à l’état civil où nous travaillons pour rebooster le service », ajoute le président du tribunal. Un discours à l’opposé de celui du procureur de la République, Yann Le Bris, qui estime que le temps d’attente n’est pas plus long à Mayotte qu’ailleurs. « Ici, vous êtes jugés dans un délai de trois mois, ce sont des délais tout à fait raisonnables, ils sont même très courts par rapport à ceux que nous pouvons trouver en métropole. »
Mayotte, la meilleure école
Julie Vignard, juge au siège pénale et coordinatrice du tribunal de police, a fait le choix de quitter quinze ans de vie professionnelle à Paris et en région parisienne pour Mayotte. Elle a fréquenté les grands établissements tels que le tribunal judiciaire de Bobigny, elle a été directrice de détention stagiaire au centre pénitentiaire de Fresnes et conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Merogis ou encore celle de Nanterre. « Je suis venue à Mayotte pour le challenge. Je voulais avoir une expérience qui est presque de l’ordre d’une expérience à l’étranger en étant à Mayotte », confie-t-elle. Le département est surtout une occasion pour la juge et ses collègues d’accélérer leurs carrières. « Ici, tout va plus vite qu’en métropole, on nous confie des responsabilités plus rapidement, ce qui n’est pas pour me déplaire », sourit-elle. Même son de cloche pour Max Goldminc, magistrat au parquet. Pour lui, le territoire mahorais « est la meilleure école parce que c’est peut-être la plus difficile des tribunaux de France ». « Mon espoir c’est que quand je quitterai le parquet de Mamoudzou, je sois devenu tout terrain », ajoute-t-il.
Cela fait maintenant un mois que ces représentants de la justice ont pris leurs fonctions sur l’île, et ils ont déjà relevé les spécificités mahoraises avec lesquelles ils doivent composer. Des particularités bien loin de leurs habitudes métropolitaines. « Ici, nous voyons des contentieux comme le braconnage de tortues que nous n’avons pas à Paris. Et puis, il y des choses plus folkloriques que nous mettent en avant les justiciables comme les envoutements et les djinns », raconte Julie Vignard. La barrière de la langue et la compréhension du système judiciaire français peuvent être un frein pour ces magistrats qui entament leur première expérience dans un territoire partagé entre deux cultures. « Nous avons une population pénale qui est pour une large partie étrangère. Au-delà de nationalité, je parle en termes de culture et d’appréhension de la justice. Nous ne sommes pas toujours sûrs que les justiciables ont bien conscience de l’endroit où ils se trouvent et de la raison pour laquelle ils sont là », souligne Max Goldminc.
Des projets structurants
Cette rentrée des magistrats est l’occasion pour le tribunal judiciaire d’afficher ses objectifs. La réduction des délais de jugements fait ainsi partie des priorités. « Nous devons également sortir le maximum d’affaires aux assises et arriver à les traiter malgré notre sous-effectif. Nous allons aussi continuer la rénovation des locaux car nous en avons bien besoin », affirme Laurent Ben Kemoun. D’autres projets sont en cours, notamment la médecine légale qui est en phase de construction depuis plusieurs mois. L’objectif est d’améliorer les conditions d’accueil de toutes les victimes dans les services de soin pour qu’elles soient reçues « avec dignité, professionnalisme et rapidité », renchérit le procureur. « Nous avons obtenu à ce titre, en deux étapes au mois de mai et en septembre de cette année, l’équivalent de presque deux millions d’euros pour mettre en place un institut médico-légal en concertation avec le CHM et l’ARS », annonce Yann Le Bris. Des projets et des nouveaux arrivants qui donnent un second souffle au système judiciaire à Mayotte.