Un Mahorais, actuellement détenu en métropole, a été jugé mercredi, à Kawéni, pour des faits de harcèlement à l’encontre de son ancienne conjointe. Déjà condamné pour tentative d’homicide envers cette même personne, l’homme envoyait à sa fille des courriers « très suggestifs« .
La peine est lourde, à la hauteur de l’affaire jugée. Saïd C.* a été condamné à deux ans d’emprisonnement, 6.000 euros de dommages et intérêts à verser à son ex-compagne et a été déchu de son autorité parentale. Par visioconférence depuis la prison où il est détenu en métropole, il comparaissait mercredi devant le tribunal d’instance de Kawéni pour « harcèlement d’une personne étant ou ayant été conjoint sans incapacité : dégradation des conditions de vie entrainant une altération de la santé« . Des faits commis de 2013 à 2016.
En 2013 justement, sa compagne d’alors, Sabine G.* annonce à son compagnon la fin de leur relation. Sur fond d’alcool, une dispute d’une violence inouïe éclate. Saïd assène à son ancienne concubine 11 coups de couteau. Sans blessure grave, elle décide de mettre le feu aux affaires du Mahorais, devant leur domicile conjugale à M’tsapéré. Fou de rage, Saïd pousse Sabine dans les flammes. Le pire est évité, mais leur fille de quatre ans assiste à la scène spectaculaire.
Des lettres et des dessins inappropriés
Traumatisé, la mère de famille porte plainte. Deux ans plus tard, Saïd écope de 15 ans de réclusion pour tentative d’homicide. Il est envoyé au centre de détention de Roanne, dans le département de la Loire. Un soulagement de courte durée. Depuis sa prison, le condamné écrit des lettres qu’il envoie à sa fille. Elles sont nombreuses, et « posent problème« , selon les mots du président de l’audience, Pascal Bouvart. Dans ces courriers, le détenu explique à son enfant que ce qu’elle a vu n’est qu’un « accident » dont sa mère est la « responsable« . Cette mère qu’il qualifie d’ « incapable« , de « dépravée« , d’ « alcoolique« . Mais le pire est encore à venir.
Au gré des missives, Saïd explique à son enfant qu’il a refait sa vie et rencontré l’amour. Cette femme qu’il aime, il la dessine dans une de ses lettres. Seins nus. « Une suggestion sexuelle manifeste à destination d’une enfant« , commentera le procureur. Puis, c’est un second dessin dérangeant qu’il envoie à nouveau : un homme mettant le feu à un arbre, « ce qui fait fâcheusement écho à la tentative d’homicide« , relève le président lors de l’audience. « Je voulais dire qu’il fallait pas brûler d’arbre », se défend le prévenu. « C’est pour l’environnement, on vit avec la forêt« . Le procès prend des dimensions ubuesques. Devant sa caméra, Saïd dévoile un nouveau tableau qu’il a peint pour sa fille : cette fois, un paysage mahorais. « Rangez-moi ça« , lui ordonne le président. « Ça ne vaut même pas cinq euros !«
La cour hallucinée
Déjà au début de l’audience, Pascal Bouvart s’amusait d’un courrier envoyé par l’avocate de l’accusé la veille au soir, « à une heure où l’on ne travaille plus« , exigeant le renvoi du procès. Le jour J, la magistrate, démissionnaire, n’apparaît pas sur l’écran aux côtés de son client. Il réitère la demande de renvoi. La cour délibère et la lui refuse, jugeant que « le délai de préparation de la défense a été largement respecté« . Saïd, qui se défend seul, acquiesce avant de demander, encore une fois que l’audience soit reportée. De plus en plus, les rires fusent dans la salle.
Lorsque le président développe les antécédents judiciaires de l’accusé – parmi lesquels vol, violences conjugales, travail dissimulé et conduite en état d’ivresse –, le prévenu l’interrompt : « C’est pas à l’ordre du jour, j’aimerais qu’on passe à autre chose ! » « C’est encore à moi d’en décider« , réplique immédiatement Pascal Bouvart. Dès que celui-ci lui pose une question, Saïd répond par une autre, dispensant ça-et-là des cours de droit et leçons de morale. Quand le président s’interrompt pour laisser la parole à la partie civile, l’accusé lui lance « Vous pouvez poursuivre« .
Finalement, Saïd laisse la parole à l’avocate de son ex-conjointe. « En trois ans, ma cliente n’a jamais retrouvé le calme« , introduit-elle, insistant sur la détresse de Sabine, toujours suivi psychologiquement et en proie à une sinistrose. »Ces courriers lui sont clairement adressés, et non à sa fille« . Quand la parole revient à l’accusé, qualifié de « pervers » par la magistrate, celui-ci poursuit sa défense alambiquée : « Elle a eu un enfant (il y a cinq mois, ndlr). Quelqu’un qui est mal ne fait pas d’enfant. C’est une menteuse !«
Des arguments auxquels la cour s’est montré peu sensible. Après avoir retiré la parole au prévenu afin de suspendre l’audience, elle a finalement décidé de doubler la peine d’emprisonnement d’un an requise par le procureur, et d’accorder l’intégralité des dommages et intérêts demandés par la partie civile. Avant que l’appel vidéo ne soit interrompu, le condamné, qui tentait encore de se défendre, a promis de faire appel.
* Noms d’emprunt
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