Le lundi 17 janvier, un véhicule avec trois personnes à bord a forcé un barrage de gendarmes à Chirongui. Sans titre de séjour ni permis de conduire et en possession de cigarettes de contrebande, le chauffeur de 26 ans a tenté de repartir, blessant un gendarme de 25 ans. Il passera quatre années en prison a décidé le tribunal de ce vendredi, les deux passagers ont été expulsés vers les Comores.
Au moment d’entendre les réquisitions du substitut du procureur, Rouchdi Mohamed Abdou baisse la tête en laissant échapper un souffle. Cinq ans de prison sont demandés contre lui pour les faits survenus quelques jours auparavant, le 17 janvier, à Chirongui. Ce soir-là, les gendarmes ont mis en place un barrage sur la route entre le village et Bouéni, au niveau du collège de Tsimkoura, vers 20h. Leur but est de faire respecter le couvre-feu décidé par la préfecture de Mayotte pour contrôler l’épidémie de coronavirus.
Le contrôle se passe alors calmement, la consigne étant que les cinq gendarmes (deux de Mzouazia, trois gendarmes mobiles de Belfort) fassent de la prévention. À21h, la voiture conduite par Rouchdi Mohamed Abdou arrive en provenance de Chirongui. À son bord, deux autres personnes d’origine comorienne accompagnent la cargaison d’une cinquantaine de cartouches de cigarettes qu’ils doivent livrer à Kani-Kéli. « Le véhicule ralentit, s’arrête presque, puis accélère et emporte un des gendarmes », raconte la présidente du tribunal de Mamoudzou, Chantal Combeau, lors de la comparution immédiate, ce vendredi.
En effet, le gendarme de 25 ans, qui était en train de passer devant la voiture pour se mettre côté conducteur, n’a d’autre choix que de sauter sur le capot. Digne d’un film d’action, il s’accroche pour ne pas tomber. Il parvient même à s’emparer de son arme et a tiré à cinq ou six reprises vers l’habitacle. « Pour sauver ma vie, ma seule solution était de toucher le conducteur », selon ses déclarations. Ce qu’il a fait, blessant le Comorien de 26 ans au niveau du bras. Ce dernier a été interpellé, deux heures plus tard, chez un habitant qui a prévenu les nombreux gendarmes déployés ce soir-là, après avoir abandonné la voiture 200 mètres après le contrôle.
Projeté sur la route par une nouvelle embardée du conducteur, le militaire présente encore un bandage au bras gauche, des séquelles à la tête à cause du choc et une blessure à la jambe. Quatorze jours d’ITT (interruption temporaire de travail) lui ont été donnés. Côté conducteur, un polo jaune vif recouvre l’épaule et le bras bandés. Il indique qu’il préfère garder le silence. Lors des auditions, cet homme marié et père de trois enfants a reconnu que le gendarme lui a bien fait signe de s’arrêter. Ses passagers ont indiqué qu’ils lui ont demandé de s’arrêter, mais qu’il leur a répondu : « Je vais vous montrer ce que je sais faire. »
« Même un chien, on s’arrête pour le laisser traverser »
Au moment où son avocat prend la parole, le gendarme de 25 ans tapote la pointe de ses pieds nerveusement. Quelques secondes avant, il a exprimé sa colère : « Quel homme peut faire ça ? Même un chien, on s’arrête pour le laisser traverser. » Arrivé à Mayotte en novembre, il fait partie de l’escadron de gendarmerie de Belfort. Une dizaine de ses collègues ont fait le trajet depuis le sud de l’île ce vendredi, dont ceux ayant vu leur collègue se faire renverser.
Son avocat insiste sur le traumatisme subi. « Quand ses collègues lui ont demandé ce qu’il a fait. Il ne se rappelait pas de mesures règlementaires tant il était choqué », relève Yanis Souhaïli. Le substitut du procureur Max Goldminc se fait plus dur envers le conducteur. « Vous vous êtes pris à un gendarme. C’est quelque chose que je ne peux pas cautionner », avant d’ajouter : « Vous avez joué, vous avez perdu ».
Le tribunal judiciaire de Mamoudzou a condamné Rouchdi Mohamed Abdou à quatre ans de prison avec mandat de dépôt et une interdiction de territoire de cinq ans. Ses deux complices ont d’ores et déjà été expulsés vers les Comores.