“Le gang des coffre-forts” devant la cour des assises

Le procès de onze hommes, quatre étant sous son mandat d’arrêt, va durer jusqu’à mardi à la cour d’assises de Mayotte. Ils doivent répondre d’une série de quatorze cambriolages sur l’île réalisés sur la première moitié de l’année 2016. Leur particularité était qu’ils volaient ou tentaient d’emporter les coffre-forts de supermarchés ou de sociétés grâce à un collectif bien rodé.

Voilà trois jours que ces premières assises de 2022 ont commencé et les jurés ont encore le droit à la présentation des faits. Il faut dire qu’ils étaient particulièrement nombreux. Quatorze pour être exact. Une série de cambriolages effectués entre le 29 février et le 16 juin 2016 qui serait l’œuvre d’une même bande, onze hommes d’origine comorienne âgés de 23 à 42 ans, dont sept sont présents aux Assises de Mayotte jusqu’à mardi. Les autres sont toujours sous mandat d’arrêt. Tsingoni, M’Tsamboro, Chirongui, Kawéni, Bandrélé, Dembéni… Les villages auraient été victimes du même mode opératoire. De nuit, avec une partie de la troupe pour faire le guet, une autre entrait par effraction dans des supérettes et s’en prenait aux coffre-forts. Et si cette étape était trop compliquée, c’étaient les produits (cigarettes, bouteilles d’alcool) qui faisaient office de lots de consolation.

Un petit manège qu’une commission rogatoire avait repéré après une première enquête pour deux vols à Ironi Bé et Kani-Kéli en mars 2016. “Incarcérés et condamnés, deux hommes ont reconnu d’autres faits”, a indiqué l’adjudant-chef Didier Ribeiro, ce mercredi. En poste à Mayotte de 2014 à 2019, le gendarme était à la tête de la commission chargée de lutter contre “la recrudescence des vols au préjudice de commerce d’alimentation et de sociétés”. Avec les ADN retrouvés sur les lieux des méfaits, les témoignages et les déclarations lors des garde à vue, quatorze faits ont été attribués au groupe de onze, dont l’ensemble est poursuivi pour “vol en bande organisée”.

“Si on regarde la vidéo, oui, on voit qu’il y a des armes”

Pendant la journée de mercredi, le président de la cour d’assises Cyril Auzoux a essayé de démontrer les responsabilités de chacun, aidé en cela par l’adjudant-chef de gendarmerie. En effet, la commission rogatoire a recensé un chef âgé de 38 ans, aujourd’hui aux Comores où il se serait acheté un taxi, et quatre lieutenants. “On a noté qu’il y avait un noyau dur dans ce groupe, des noms qui revenaient souvent. Le chef distribuait l’argent, les cadres étaient ceux qui recevaient les plus grosses parts, les autres étaient des suiveurs”, a estimé le gendarme.

Parmi les faits les plus importants, le gendarme a cité notamment le cambriolage de la supérette Sodicash de Chiconi le 29 février 2016. 72.000 euros se trouvaient dans le coffre-fort que la gendarmerie a retrouvé vide 800 mètres plus loin. Pareil, quatre jours après, 66.300 euros étaient subtilisés dans deux coffre-forts d’un autre commerce d’alimentation à Chirongui. Mais c’est surtout le violent cambriolage du 11 mars à Ironi Bé, près de Tsararano, qui a marqué les esprits de ce troisième jour de procès. “Ce soir-là, j’étais dans mon bureau pour rédiger les factures. Mon fils de neuf ans était dans sa chambre. L’alarme s’étant déclenchée, il est venu me prévenir dans le bureau”, a raconté l’ancien maraîcher et producteur d’oeufs. À coups de barre à mine, plusieurs personnes cassent et passent la fenêtre. Amputé d’une jambe à cause d’une chute de moto quelques mois plus tôt, celui qui est arrivé à Mayotte en tant que policier a tenté de se défendre, mais a été rapidement maîtrisé. Son fils, caché dans une penderie le temps du vol (un coffre-fort finalement vide, une somme 2.400 euro, deux téléphones portables, un ordinateur et un porte-feuille), a toujours peur du noir. Lors de l’audience, des photos provenant des caméras de surveillance ont mis en perspective ce que l’ancien maraîcher, aujourd’hui à La Réunion, a vécu. On y a vu plusieurs hommes masqués par des vêtements s’introduire dans la maison avec des armes à la main. Ce qui a fait dire à l’un des accusés réfutant au départ l’usage de coupe-coupe : “Si on regarde la vidéo, oui, on voit qu’il y a des armes.” Parmi les hommes apparaissant à l’écran, celui qui est désigné comme le meneur apparaissait torse nu, donnant des ordres aux autres. Toujours sous mandat d’arrêt, il fait partie des grands absents de ce procès du “gang des coffre-forts”, dont la fin est prévue mardi prochain.

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