Trois hommes dont l’ancien maire de M’tsangamouji Issouf Madi Moula, comparaissaient devant le tribunal correctionnel hier pour des faits de fraude électorale. Ils sont soupçonnés d’avoir réalisé plus de 80 fausses procurations lors des élections municipales de M’tsangamouji en 2015. Les prévenus risquent de la prison ferme.
En novembre 2015, sa garde à vue avait fait couler beaucoup d’encre. Après deux ans d’instruction, l’ancien secrétaire fédéral du Parti socialiste et ex-maire de M’tsangamouji était sur le banc des accusés hier au tribunal correctionnel de Mamoudzou aux côtés de deux de ses colistiers poursuivis eux aussi pour « entrave aux opérations de scrutin par manœuvres frauduleuses » autrement dit fraude électorale. Ils sont soupçonnés d’avoir en septembre 2015 falsifié 84 procurations destinées à fausser le résultat de l’élection municipale. Un scrutin qui a vu finalement la victoire d’Ibrahima Saïd Maanrifa (Les Républicains).
Les procurations en question au moment des faits ont pu être interceptées à temps par la préfecture qui ne les a ainsi pas comptabilisées dans le dépouillage des voix. S’en est suivie une mise en examen avec interdiction de quitter le territoire de Mayotte. Mais voilà, l’ancien cadre du PS mahorais nie être impliqué dans cette affaire. Il accuse ses colistiers Assani et Issouf d’être à la manœuvre. « Il les soupçonne d’avoir fait un excès de zèle en somme pour favoriser leur candidat », explique le procureur avant de dénoncer une fable de la part de l’homme politique : « Comment peut-on croire que le secrétaire fédéral du PS à Mayotte et la tête de liste socialiste aux élections municipales à M’tsangamouji ne soit pas au courant de l’opération ».
La fraude électorale, une habitude à Mayotte?
Les trois prévenus se sont réunis en 2015 à l’approche de l’élection municipale dont le premier scrutin en 2014 avait été annulé par décision du Conseil d’État, car le résultat du second tour avait débouché sur un écart d’une voix. Lors de cette rencontre, les candidats inscrits dans la liste Ouvoimoja (PS) avaient ainsi évoqué la question des procurations. « J’avais proposé d’aller chercher les procurations des électeurs qui ne pourront pas se déplacer aux urnes, mais pas celle de recourir à de fausses procurations », jure l’ancien candidat. Pourtant ses deux comparses qui ont reconnu les faits, affirment qu’Issouf Madi Moula était au courant. Il est même désigné comme l’instigateur de la fraude. Assani était chargé d’envoyer les procurations depuis la métropole. « Ce sont les instructions que l’on m’a données », indique-t-il. Ce dernier a même reçu une somme d’argent de 600 € de la part du secrétaire fédéral pour acheter un billet d’avion. « C’était pour qu’il se rende à Madagascar afin de réaliser des gris-gris pour nous protéger et gagner les élections », justifie l’ancien maire de M’tsangamouji. « Ça, c’était notre couverture pour que je me rende en métropole », a répondu Assani.
Ce dernier, une fois arrivé dans l’hexagone, a envoyé les procurations depuis Toulouse et Lyon dont une vingtaine du même bureau de poste ce qui a éveillé les soupçons de la commission électorale et des enquêteurs. À cela s’ajoutent les faux tampons de la police ou de la gendarmerie et une écriture manuscrite identique sur de nombreux cerfas (formulaire administratif réglementé). Une falsification grossière accablée par des preuves irréfutables comme les scans de fausses procurations retrouvées dans le smartphone du troisième prévenu, Haidar. Face à ces nombreux éléments probants, le procureur a requis 14 mois de prison fermes pour les trois individus avec mandat de dépôt. Le juge et ses assesseurs ont mis l’affaire en délibéré au 22 novembre, 10 000 € d’amende chacun et une inégibilité de 5 ans.
Au vu des faits, les juges n’ont pas manqué de rappeler les problèmes récurrents que rencontre l’île à l’approche d’un scrutin électoral en termes de fraudes. En témoigne les récents soupçons de fausses procurations utilisées lors des dernières élections législatives dans la circonscription nord. Une affaire qui a conduit à la mise en examen en août dernier d’un gendarme qui a reconnu devant le juge d’instruction avoir utilisé de fausses procurations au profit de la candidate socialiste Ramlati Ali, gagnante du scrutin, sans que celle-ci puisse pour le moment être soupçonnée d’avoir été impliquée de près ou de loin dans ces agissements. Ces affaires sont néanmoins « symptomatiques » selon l’expression du juge Banizette, d’une vision de la politique qui sert d’abord les intérêts personnels avant l’intérêt général. Le tout agrémenté de pratiques douteuses, voire illégales comme « les porteurs de valises ou les distributions de cartons de mabawas à la fin des meetings », malheureusement très répandues à Mayotte a rappelé le magistrat. Mais au fond, ces politiques véreux ne font-ils pas que reproduire ce qui se fait ou ce qui s’est fait ailleurs, notamment en métropole à d’autres échelles et/ou avec d’autres méthodes ?
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