En visite à Mayotte le 22 octobre 2019, le président de la République, Emmanuel Macron, doit donner son premier discours à la sortie du ponton de Mamoudzou. Sur les lieux, Estelle et Christophe Youssouffa se font interpeller par les forces de l’ordre à l’angle du rond-point Passot. Poursuivis pour actes de rébellion, ils comparaissaient ce mercredi au tribunal judiciaire. Si le ministère public a requis entre 150 et 200 euros d’amende pour chacun d’eux, ils devront attendre une semaine de plus pour être fixés sur leur sort.
Salouva traditionnel pour l’une, chemise-cravate pour l’autre. Derrière les apparences convenables, Estelle et Christophe Youssouffa doivent répondre de leurs actes devant la justice ce mercredi au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Plus précisément d’actes de rébellion à l’encontre de deux fonctionnaires de police à l’occasion de la visite présidentielle le 22 octobre 2019.
Ce jour-là, la scène de l’interpellation de la présidente du collectif des citoyens de Mayotte et de son frère par quatre agents se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Après avoir appelé la population à porter un t-shirt blanc pour marquer le coup, les deux militants se retrouvent dans le collimateur des forces de l’ordre. Passé le cordon de sécurité situé à l’angle du rond-point Passot, impossible d’approcher l’accès au podium sur lequel Emmanuel Macron doit donner son premier discours. Les deux voient rouge et manifestent leur « droit de circuler ». « On nous a empêchés de voir le président. L’idée n’était en aucun cas d’haranguer la foule », insiste Christophe Youssouffa. Face au mur de gros bras qui se dresse devant eux, l’incompréhension les gagne avant que le sous-préfet de l’époque en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuff, les informe de « notre mise à l’écart publique et humiliante », grimace Estelle Youssouffa. « On ne représentait aucune menace. »
« Emmenés manu militari »
En guise de contestation, le frère et la sœur décident de s’asseoir. « Vous avez refusé de vous lever d’un périmètre de sécurité, vous avez provoqué par votre comportement un rassemblement massif », déroule le président Kamel Souhail lors du rappel des faits. Les esprits s’échauffent. Christophe Youssouffa tente de poursuivre son chemin dans « la direction interdite », se retrouve nez à nez avec des fonctionnaires et adopte une « attitude provocatrice et moqueuse ». « On est restés passifs et ils nous ont emmenés manu militari ! Le policier a étouffé mon frère sous mes yeux pour l’immobiliser. Il était incapable de respirer », précise Estelle Youssouffa. « On vous a reproché d’être intervenue », lui répond du tac-au-tac le juge. Dans le feu de l’action, une bouteille se déverse sur les représentants du ministère de l’Intérieur. « Je me suis arrêté pour boire, c’est parti de manière involontaire. Il n’y avait aucune volonté de blesser ou de résister », se défend le trentenaire. Mais c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase… Direction le commissariat !
Des réquisitions d’apaisement
« Je n’ai pas vu, dans les images, de comportements ou de gestes qui qualifient un acte de rébellion », note toutefois le procureur de la République, Yann Le Bris, au moment d’effectuer ses réquisitions. Et de notifier que la jurisprudence a eu l’occasion de poser le principe selon lequel, « le fait d’opposer une résistance violente aux personnes dépositaires de l’autorité publique doit s’entendre d’un acte de résistance active à l’intervention de ces personnes : la simple résistance passive et la force d’inertie ne sont pas des éléments constitutifs du délit de rébellion » (Cour de cassation, chambre Criminelle 1er mars 2006). Aussi, le magistrat joue-t-il la carte de l’apaisement et de la pédagogie : Yann Le Bris plaide pour une peine de 150 à 200 euros pour « rappeler aux uns et aux autres leur responsabilité ».
Une note déjà bien trop salée au goût de l’avocate de la défense, qui souhaite « faire reconnaître le principe de leur innocence dans cette affaire ». Maître Sabrina Goldman dénonce un dossier vide et une extrapolation du procès-verbal. « Vous ne pourrez qu’entrer en voie de relaxe », conclut-elle. Suffisant pour convaincre le président du tribunal correctionnel, Kamel Souhail ? Décision le 14 septembre prochain.