La décision du maire de Chirongui, le 28 septembre 2022, de ne pas convoquer son conseil municipal, malgré une demande dans les formes de seize de ses conseillers de sa majorité a été annulée par le tribunal administratif de Mayotte, ce mercredi 16 novembre. Il devra s’y exécuter dans un délai maximal de trente jours après notification de l’ordonnance du juge des référés.
Ils sont seize conseillers municipaux (sur 29) de la commune de Chirongui à avoir adressé une requête en référé-suspension auprès du tribunal administratif de Mamoudzou contre « la décision explicite de refus de réunir l’assemblée délibérante sur un ordre de jour précis », prise par leur maire le 28 septembre 2022. D’entrée de jeu, leur défense, le bâtonnier de l’ordre des avocats à Mayotte, maître Ahmed Idriss, plante le décor dans un exposé circonstancié des faits, rappelant les conditions par lesquelles le premier magistrat actuel, Bihaki Daouda, avait eu le 17 mai 2022, à succéder à Saïd Andanouni, frappé d’inéligibilité sur décision du tribunal correctionnel de Mamoudzou en date du 3 mai. Décision qui avait été assortie, l’on se rappelle, d’une exécution provisoire.
La défense explique donc au président du tribunal que « dès son élection, le nouveau maire a décidé de considérer le conseil municipal comme une simple chambre d’enregistrement appelé à voter, sans discussion, des projets de délibérations préparés et ficelés par une opposition minoritaire au sein de l’assemblée délibérante ». Pour entrer dans le fond de cette affaire, les seize élus avaient adressé un courrier le 2 septembre à Bihaki Daouda lui demandant de convoquer son conseil municipal en vue de faire annuler la délibération n° 27/22 du 17 mai 2022 portant sur la délégation des compétences générales du maire et l’annulation de la délibération portant sur la création du poste de collaborateur du maire. La défense a argué que « cette décision était motivée par des circonstances tenant au caractère exceptionnel des points sollicités pour une inscription à l’ordre du jour ». A l’étonnement des élus plaignants, le maire a tout bonnement ignoré la démarche de ses seize collègues de la majorité municipale et contre toute attente a pris deux arrêtés (n° 34/CC/2022 et 35/CC/2022), le 6 septembre 2022, ayant pour objet de retirer les délégations de signature et de fonction données à deux de ses adjoints membres du collectif des seize signataires de ladite demande de convocation de réunion. Une décision que la défense n’a pas hésité de qualifier de « sans doute inspirée par des considérations étrangères à la bonne marche de l’administration communale ». A maître Ahmed Idriss de souligner qu’en agissant de la sorte au mépris de l’article L2121610 du code général des collectivités territoriales, le maire de Chirongui avait décidé d’administrer la commune selon son bon vouloir et sans le concours de sa majorité, n’hésitant pas à qualifier cette attitude « d’autoritarisme » qui se serait manifesté à nouveau il n’y a pas si longtemps par le recrutement d’un nouveau directeur général des services (DGS). C’est cette dernière décision qui aurait mis le feu aux poudres et conduit les conseillers municipaux à recourir au à la justice via une requête en annulation, pour « excès de pouvoir, de la décision (de leur maire) susvisée ».
« Faire cesser les prises illégales d’intérêts »
De son côté, le maire, physiquement absent des débats, était représenté par son conseil, maître Elad Chakrina. Dans son exposé des faits, il a expliqué que la décision du maire de retirer les délégations de signature était motivée par le fait que Dhoiffir Mkadara, l’un des requérants faisait partie des élus condamnés dans l’affaire du premier magistrat Saïd Andanouni, pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt (il a fait appel). En rappelant que l’élection de Bihaki Daouda au poste de maire de Chirongui faisait suite à l’exécution provisoire de cette décision de justice, il se devait par conséquent de « faire cesser les prises illégales d’intérêts pratiquées par les élus municipaux qui recrutaient à la mairie des candidats ayant un lien de parenté direct avec eux ». Et de préciser que c’était le cas de Dhoiffir Mkadara et Nafouanti Dini, les deux adjoints. Toujours selon Maître Chakrina, ce serait à la suite d’un signalement de ces faits par le maire au procureur de la République, suivi d’un dépôt de plainte, que les deux élus auraient choisi de quitter l’actuelle majorité communale pour rejoindre les bancs de l’opposition, une inimitié envers le nouveau maire s’étant installée. Le président du tribunal a alors fait remarquer à l’avocat de la défense qu’il n’ignorait rien de ce qui concerne la vie de cette commune de Chirongui pour avoir eu à statuer récemment sur des affaires la concernant et qu’il devait donc se limiter à l’essentiel. Maître Chakrina a alors expliqué que son client avait accepté de convoquer le conseil municipal le 5 octobre, mais en y inscrivant à l’ordre du jour des projets d’intérêt publics communaux et qu’il n’avait choisi de travailler avec d’autres élus municipaux « n’ayant fait l’objet de soupçons de malversations financières et prises illégales d’intérêts » que suite au refus de ses anciens collègues de participer aux travaux des commissions thématiques et à leur désintérêt manifeste pour les projets communaux. S’en est suivi une passe d’armes technico-juridique sur la recevabilité (ou non) de la procédure de référé engagée. Des échanges auxquels le président du tribunal a rapidement mis fin en indiquant qu’il disposait de suffisamment d’éléments sur cette affaire pour pouvoir rendre une décision dans les meilleurs délais. En effet, quelques heures à peine après la fin de l’audience, la décision a été rendue publique.
La décision du maire, le 28 septembre 2022, de refuser la convocation du conseil municipal de Chirongui sur un ordre du jour précis est suspendus. Il lui est enjoint de convoquer ce conseil dans un délai maximal de trente jours (à compter de la notification de l’ordonnance du tribunal). En outre, la commune versera 1.500 euros aux plaignants (en application de l’article L.76161 du code de justice administrative).