Le tribunal correctionnel a traité hier une affaire de dénonciation calomnieuse concernant un acte sexuel présumé se rapprochant de l’exhibitionnisme. Mis en cause par une enseignante, un infirmier scolaire d’un collège a porté plainte contre celle-ci pour diffamation. Elle le soupçonne de s’être masturbé dans son bureau en sa présence et celle d’une élève.
L’affaire prête à sourire à première vue, mais elle s’avère complexe pour le tribunal tant il est difficile d’établir qui dit la vérité. En effet, deux paroles s’opposent dans ce dossier. Celle de Martine H*, 44 ans, qui accuse son collègue infirmier Bruno D*, 63 ans, de s’être caressé le sexe dans l’établissement scolaire à la vue d’autrui tandis que lui nie ces allégations.
Les faits remontent au mois d’octobre 2015, alors qu’un cross se déroulait dans l’établissement scolaire, une élève fait un malaise. Martine H emmène la jeune fille à l’infirmerie du collège. Bruno D allonge l’adolescente sur le lit médical avant de l’ausculter. Puis celui-ci selon le professeur de français, s’éloigne avant de tourner vers la fenêtre et de porter ses mains à son entrejambe et de dégrafer son pantalon. Elle affirme avoir vu ensuite l’infirmier faire des gestes équivoques des épaules lui laissant penser qu’il se masturbait.
Digne d’un célèbre spot publicitaire pour une marque de cuisines, la scène paraît surréaliste, mais l’enseignante semblait convaincue par sa première impression au point d’en parler autour d’elle et de contribuer directement ou indirectement à véhiculer une rumeur qui va courir pendant près de trois semaines dans l’établissement au sujet de l’infirmier. Car là est le problème pour Martine H, celle-ci au lieu d’en informer le principal du collège, va d’abord se confier auprès de collègues. Il faudra attendre que la direction la convoque pour qu’elle s’explique et soit confrontée à Bruno D. Ce dernier surpris par ces accusations décide de porter plainte pour dénonciation calomnieuse. S’en suivent des auditions menées lors de l’enquête auprès des différentes personnes auxquelles le professeur s’est confié sur l’affaire. Il en ressort d’après l’énoncé réalisé par la présidente du tribunal Françoise Derouard, des versions divergentes et des déclarations fausses ou mal interprétées par les témoins concernés qui vont mettre quelque peu à mal la défense de la prévenue.
L’enseignante a-t-elle un problème avec les hommes ?
Au-delà des faits proprement dits, c’est la fragilité psychologique de l’enseignante qu’a entre autres retenue le procureur. Une fragilité que l’intéressé ne conteste pas puisqu’elle s’était même entourée des conseils de l’infirmier scolaire qui lui a recommandé de consulter un psychologue. « A cela s’ajoute la problématique qu’entretient madame avec les hommes (sic) », soulignait le parquet. Martine H a exprimé son mal-être en avouant à un de ses confidents « en avoir marre de rencontrer que des pervers ». Agacée par les compliments sur son physique formulés par l’infirmier à son sujet, elle expliquera au CPE que Bruno D est « très charmeur, très dragueur ». « Il me disait souvent tu es belle et attirante », a-t-elle déclaré aux enquêteurs. Madame la procureure Morgane Boulet, dans ses réquisitions, dénonce une fragilité psychologique « qui peut causer du tort aux autres ». « Ce n’est pas parce qu’elle est fragile qu’elle doit faire de fausses déclarations et ce genre de dénonciation calomnieuse peut décourager à l’avenir certaines personnes témoins de harcèlements, agressions sexuelles ou exhibitionnisme, de témoigner ou dénoncer », reproche-t-elle à la prévenue.
Pourquoi l’élève n’a pas été entendue ?
L’avocat de la défense, Me Simon, soulignera quant à lui l’absence d’audition de l’élève qui était elle aussi présente lors des soi-disant faits. Il est en effet, surprenant que la jeune fille n’ait pas été auditionnée dans cette affaire laissant ainsi la place à quelques doutes. De plus, Me Simon relève également l’absence là aussi, d’expertise pour déterminer si sa cliente a bien des problèmes psychologiques ou psychiatriques. « Sans cela on ne peut pas affirmer que Mme Martine H est une manipulatrice », déclare-t-il durant sa plaidoirie. Enfin, l’avocat insiste aussi sur l’absence de dénonciation formelle de la part de l’enseignante en vers l’infirmier puisque dans ces déclarations elle a toujours utilisé les allocutions « je pense que » ou « je suppose ». Mais de son côté, Bruno D reproche à sa collègue d’avoir contribué à entacher sa réputation en disant au principal qu’il est un pédophile ce que la défense rejette. La direction de l’établissement n’a en effet, pas été questionnée par les enquêteurs sur ces paroles qui auraient pu être proférées.
La défense demande bien évidemment la relaxe dans ce dossier tandis que le plaignant réclame 2 000 € de dommages et intérêts. Le ministère public est un peu plus sévère et demande que soit prononcée une amende de 3 000 € et une autre de 1 000 € avec sursis. Le délibéré de l’audience sera rendu le 19 octobre prochain.
*Les identités ont été volontairement modifiées
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