Le tribunal correctionnel de Mamoudzou devait se pencher, mercredi matin, sur des soupçons de prise illégale d’intérêts, « pantouflage » et abus de biens sociaux. L’affaire mêle MCG (le délégataire de service public du port de Longoni) et trois élus du Conseil départemental, dont deux toujours en fonction. L’audience a été renvoyée au 3 octobre.
C’est un dossier épais, composé d’un millier de pages, qui devait être étudié mercredi matin par le tribunal de Mamoudzou. Quatre prévenus devaient comparaître en audience correctionnelle : trois élus du Conseil départemental, dont deux toujours en fonction et la présidente de MCG, le délégataire de service public du port de Longoni. La défense, qui n’avait pas eu le temps de prendre connaissance de l’ensemble des pièces, a obtenu le renvoi du procès au 3 octobre prochain.
Dans cette affaire, Issoufi Ahamada, deuxième vice-président du Département et la conseillère départementale Soihirat El Hadad sont poursuivis pour « prise illégale d’intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance ». Le délit suspecté s’étalerait du 29 avril 2015 au 31 janvier 2018 pour Issoufi Ahamada et du 29 décembre 2015 au 31 janvier 2018 pour Soihirat El Hadad. L’ancien vice-président de cette même collectivité, Jacques-Martial Henry, est quant à lui suspecté, entre le 20 avril 2016 et le 31 janvier 2018, de « prise de participation par fonctionnaire ou agent d’administration publique dans une entreprise avec laquelle il contractait dans le cadre de ses fonctions ».
Présumés innocents
En l’espèce, le parquet reproche aux deux élus encore en fonction d’avoir occupé des postes à responsabilité au sein de MCG alors même qu’ils ont eu au Conseil départemental à encadrer cette délégation de service public (DSP). Pour le procureur de la République, Camille Miansoni, la prise illégale d’intérêts semble caractérisée. « C’est le fait d’avoir eu un intérêt dans une activité, dans une opération, pour laquelle on a eu en tant qu’élu ou agent public une fonction de surveillance, d’administration ou de gestion », précise-t-il.
Le cas de Jacques-Martial Henry, qui a été embauché par MCG après avoir quitté ses fonctions d’élu au sein du Conseil départemental est différent. Il n’aurait pas respecté le délai légal avant d’être recruté par le délégataire de service public. « On ne peut pas travailler pour l’entreprise dont a assuré la surveillance pendant un délai de trois ans », estime le parquet. « C’est la même démarche intellectuelle, la même finalité » que la prise illégale d’intérêts, affirme encore le ministère public, qui évoque un délit de « pantouflage ».
« Je suis poursuivi sur la base [d’un article] qui vise uniquement les personnes exerçant une fonction exécutive locale. Lorsque la DSP était signée, [cet article du code pénal] ne concernait pas les élus, uniquement les fonctionnaires et les contractuels de la fonction publique », se défend Jacques-Martial Henry. « La loi en vigueur aujourd’hui est postérieure à la signature de la DSP » mais antérieure à la signature de son contrat avec MCG. « Elle vise entre autres les personnes exerçant une fonction exécutive locale. Le code général des collectivités locales précise clairement que le président du Conseil départemental est l’organe exécutif de la collectivité. En tant que deuxième vice-président délégué à la commission thématique sur les affaires de santé et du social, je n’étais pas un exécutif local. D’autant plus que je n’avais aucune délégation de signature (…) Si j’avais eu un intérêt à MCG à l’époque où la DSP était votée, j’aurais été poursuivi sur la base » d’un autre article, poursuit celui qui a voté l’attribution de la délégation de service public du port de Longoni à MCG et qui affirme que cette dernière « n’est pas remise en cause ».
Maître Ahmed Idriss, avocat d’Issoufi Ahamada, indique de son côté que son client était « salarié de la Chambre de commerce et d’industrie qui exploitait le port avant. Lorsque MCG a bénéficié de la DSP, il n’y a eu qu’un transfert légal de contrat. Il n’a pas été recruté en 2015. »
La présidente de MCG, Ida Nel, est de son côté poursuivie pour complicité de prise illégale d’intérêts et pour abus de biens sociaux. « Quand un dirigeant d’entreprise commet un acte sanctionnable pénalement, cet acte porte nécessairement atteinte aux intérêts de la société. Il y a des salaires qui ont été payés de manière illicite », justifie le procureur de la République.
Les prévenus sont présumés innocents. Si le siège venait à reconnaître des prévenus coupables de prise illégale d’intérêts, ils encourraient jusqu’à cinq ans de prison et 500 000 euros d’amende. Le délit de « pantouflage » peut quant à lui se traduire par au maximum trois ans de prison et 200 000 euros d’amende.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.