Élu en 2020 au sein de la majorité, Anrif Nourdi a perdu son siège de conseiller municipal de Mamoudzou, ce lundi 12 décembre. Cela fait suite à sa condamnation par le tribunal correctionnel, le même jour, pour des faux en écriture.
« Il y a 2.000 personnes qui vivent à Cavani grâce à vous directement », fait remarquer Benoît Rousseau, le président du tribunal correctionnel de Mamoudzou. A la barre, ce lundi 12 décembre, dans le cadre d’une comparution immédiate, l’homme est penaud. Celui qui est considéré comme « le cheffou » ou « le maire » dans son quartier de M’barazi, à Cavani, a vite perdu de sa superbe. Anrif Nourdi, arrivé des Comores il y a une vingtaine d’années, était monté pourtant jusqu’à la mairie de Mamoudzou où il occupait un siège de conseiller municipal depuis juin 2020. Mais si sur le plan politique, l’élu se faisait discret, il avait pris depuis bon nombre d’années des libertés avec la loi. En effet, depuis 2014 au moins, il produisait des attestations d’hébergement pour des familles originaires de Sima (Anjouan) comme lui, factures d’eau et carte d’identité à l’appui. Près de 120 de ces documents ont été retrouvés à la préfecture de Mayotte dans des dossiers de demande de titre ou renouvellement de titre de séjour. Une trentaine ont été comptabilisées rien que pour l’année 2022. C’est d’ailleurs ce qui a mis la puce à l’oreille des services préfectoraux.
La police s’est vite rendu compte que le banga occupé par la famille de l’agent de sécurité, sur un terrain du Département de surcroît, ne pouvait pas héberger tous ces gens. Toutefois, ils se sont agglutinés tout autour, faisant de « leur maire » le protecteur idoine. « J’avais une obligation vis-à-vis de mon village. Je gagnais leur respect comme cela », avoue-t-il. Le respect et non l’argent, c’est ce qui ressort de l’enquête. Les comptes en banque et le patrimoine de l’élu « ne montrent aucun enrichissement personnel », tout comme les témoignages du « village » qu’il s’était constitué.
« Un potentiel électoral »
Sa position au sein du quartier l’a aussi amené à avoir des velléités politiques. Approché par un élu de M’tsapéré, il a rejoint le parti Les Républicains et l’équipe d’Ambdilwahedou Soumaïla. L’homme a laissé entendre que son réservoir des voix était sans doute ce qui lui avait les portes de la politique. « Il y avait un potentiel électoral », suppose le juge Rousseau, qui note les contradictions entre le message politique de sa formation appelant à mettre fin à l’immigration et les pratiques de l’élu. « On voit un système qui se met en place. Ça interroge sur le fonctionnement de la démocratie », fait remarquer Yann Le Bris. Le procureur de la République a requis six à huit mois de prison avec un sursis probatoire lié à une obligation de payer une amende. « La seule sanction qui ait un vrai sens, c’est de prononcer l’inéligibilité avec exécution provisoire », demande-t-il en plus, espérant dissuader « si d’aventure d’autres élus ont aussi ce double discours, entre les pratiques personnelles et le message politique ».
Le tribunal correctionnel a relaxé Anrif Nourdi pour l’aide à l’entrée ou le séjour d’étrangers en situation irrégulière. En effet, il n’a pas été démontré qu’il a perçu de l’argent en contrepartie des papiers. L’intérêt moral non plus n’est pas évident ont estimé les juges. Les personnes du quartier n’ont pas tous le droit de voter aux élections municipales et les policiers n’ont pu vérifier si ceux qui le peuvent ont été influencés. En revanche, pour les faux en écriture, le prévenu a été reconnu coupable et condamné à verser une amende de 10.000 euros, dont 8.000 euros avec sursis. En outre, la peine d’inéligibilité avec exécution provisoire met fin de manière immédiate aux fonctions politiques du « cheffou ».