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Le délibéré sera connu le 10 octobre prochain. Photo d’illustration.

Deux passeurs sont poursuivis pour homicide involontaire après le décès de passagers qui voulaient rejoindre Mayotte. Une seconde affaire implique en revanche des prévenus qui auraient participé à l’hébergement de ressortissants d’Afrique des Grands Lacs que l’Etat s’apprête à expulser. Le délibéré pour les deux dossiers sera connu le 10 octobre prochain.

Le tribunal correctionnel de Moroni a jugé six personnes ce jeudi 12 septembre, poursuivies pour des faits de trafic illicite de migrants. La première affaire concerne quatre Comoriens accusés d’avoir aidé des continentaux à entrer illégalement sur le territoire de l’Union des Comores. Le 22 août, 24 migrants qui seraient originaires essentiellement du Burundi et de la République Démocratique du Congo, ont été débarqués sur une plage de Vanamboini, une localité située à plus de 10 km de la capitale, Moroni.

Selon le chef du parquet, Ali Mohamed Djounaid, ce n’est qu’une semaine plus tard que les autorités apprennent leur arrivée. D’où la comparution des quatre personnes soupçonnées d’avoir porté assistance à ce groupe de personnes qui voulaient rejoindre Mayotte. A la barre se trouvaient le propriétaire de la maison qui les accueille jusqu’alors, mais aussi celui qui est allé demander les clés de la résidence sise à la plage, et l’autre prévenu anjouanais qui était en contact avec le boss burundais. Ce dernier a reconnu devant les jurés avoir reçu un coup de fil depuis le Burundi pour partir à la recherche de migrants arrivés à la Grande Comore. « J’ai ainsi exigé que l’on m’envoie treize personnes, seulement des hommes. Je ne voulais pas d’enfants ni de femmes dans le contingent. Ils sont venus à Anjouan et j’ai trouvé un endroit où les héberger. Et le quatrième jour après leur venue, j’ai été arrêté« , a-t-il indiqué, devant le tribunal.

“Je suis juste venu en aide à des personnes en détresse”

Le même homme, inculpé pour trafic illicite de migrants a admis qu’il a reçu 3.000 euros (1,5 million de francs comoriens) pour accomplir le travail. Il a utilisé une partie de cet argent pour l’achat de moteurs, lesquels ont été confisqués, d’après lui, par les forces de l’ordre. Ce passeur anjouanais dit avoir aussi accepté la mission pour subvenir aux besoins de sa famille. Pour le moment, le reste des migrants est pris en charge par l’Etat qui cherche un moyen de les renvoyer chez eux, à en croire le parquet de Moroni.

Devant les jurés, le père de famille qui s’est approché en premier des migrants s’est défendu de toute implication en tant que complice et a juré qu’il n’a touché aucun argent en contrepartie. « Je suis juste venu en aide à des personnes en détresse, parmi lesquelles des enfants âgés entre 3 et 7 ans« , a-t-il martelé. Un argument repris par son avocat, Maître Youssouf Imani, qui a mis en avant le côté humanitaire de son client, pour réclamer sa relaxe, après la prononciation des réquisitoires du parquet. Le ministère public a en effet cité la nouvelle loi sur le trafic illicite de migrants votée en juin dernier et promulguée un mois plus tard, pour demander la condamnation des prévenus. Le parquet s’est appuyé sur près de quatre dispositions qui répriment le trafic lui-même, mais également toute complicité, fait qui inclut l’hébergement de personnes entrées illégalement sur le territoire.  Le ministère a ainsi requis des peines de trois ans de prison ferme pour les quatre prévenus, assorties d’une amende de 20 millions de francs comoriens, soit 40.000 euros chacun. Le délibéré est attendu le 10 octobre prochain. C’est ce jour-là que le sort de deux autres passeurs qui comparaissaient ce jeudi sera connu.

Un trafic de cigarettes

Les deux hommes risquent jusqu’à 10 ans de prison ferme, si le tribunal suit le réquisitoire du parquet. A l’origine de leur inculpation, les décès survenus en 2019 et 2021 de passagers (des Comoriens) qu’ils transportaient à Mayotte. Ce n’est pas tout. D’autres charges concernant du trafic de cigarettes et de stupéfiants les visent également. Pour les traversées, les deux hommes ont d’abord nié avoir aidé à conduire depuis 2011 des passagers à Mayotte, a précisé l’un d’eux. « La deuxième fois c’est au début de 2024 quand le président de l’assemblée, Moustadroine Abdou, m’a sollicité pour faciliter le transport de quatre personnes à Mayotte, dont un blessé lors d’un accident de circulation dans le cadre des travaux de réfection des routes à Anjouan« , a clarifié le père de dix enfants. Son coaccusé, a reconnu pour sa part qu’il lui est arrivé de rechercher de temps en temps des clients en particulier ceux de son village pour les confier à des commandants de kwassa-kwassa.

Au terme des débats, le ministère public a demandé des peines allant de 5 à 10 ans de prison et une amende de 5 millions de francs comoriens (10.138 euros) pour chacun. Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense, dont Maître Fahmi Saïd Ibrahim, ont jugé les réquisitoires sévères. « La qualification est erronée car on ne peut pas parler de trafic pour le transport des Comoriens vers Mayotte. Vous savez, depuis l’indépendance, il y a eu cinq constitutions, elles stipulent toutes que Mayotte est comorienne. A cela s’ajoutent 22 résolutions des Nations Unies qui abondent dans le même sens. Il faut être cohérent. Je suis choqué que le parquet, gardien de droit, poursuive des Comoriens pour un trafic de personnes« , a déploré l’avocat Fahmi Saïd.