En guise de protestation, le Gouverneur de l’île autonome de Moheli a ordonné la fermeture de l’Alliance française de Fomboni, où était affecté l’enseignant soupçonné d’avoir publié ses ébats avec des jeunes filles comoriennes. Pour le moment, une enquête a été ouverte, mais il y a peu de chance qu’elle aboutisse à un procès étant donné que le mis en cause est déjà rentré chez lui en France.
Quatre mois après le renvoi en France d’un enseignant pour des propos homophobes tenus à l’endroit de ses élèves du lycée français Henri-Matisse de Moroni, voilà un autre ressortissant français qui se trouve dans la tourmente. En effet, l’apparition depuis une semaine de nombreuses sextapes impliquant un ancien enseignant qui travaillait à l’Alliance française de Fomboni fait beaucoup parler en ce moment dans le pays. Dans ces vidéos, l’auteur filme ses ébats avec des jeunes filles comoriennes, dont certaines seraient des anciennes élèves. À Moheli où les faits se seraient produits, l’histoire scandalise.
Interrogée par le site Comores Infos qui est le premier média à révéler l’affaire, l’ambassade de France aux Comores a seulement réagi de façon évasive. « Nous venons d’apprendre l’existence de vidéos à caractère sexuel qui mettent en cause un ancien enseignant de l’Alliance française de Moheli. Il est important que soit procédé l’établissement des faits dans le respect de la présomption d’innocence et de la vie privée de chacune et chacun. Si comportements inappropriés ou pénalement répréhensibles, il appartient à la justice de se prononcer qu’elle soit comorienne ou française », écrit la chancellerie dans son communiqué du 12 juillet. Mais comment la justice comorienne peut-elle organiser un procès alors que le présumé auteur ne se trouve plus sur le territoire ? En effet au moment où les films sont apparus, l’enseignant incriminé, un certain Pascal Solet, avait déjà regagné son pays, la France. « Même s’il n’est plus là, la procédure peut aller jusqu’au bout. L’enseignant, s’il est reconnu coupable, pourrait être condamné par contumace », fait-on remarquer dans le sérail judiciaire.
Arrêt des activités de l’Alliance
Dans le pays, la fuite de ces vidéos a créé un scandale. Le 13 juillet, en signe de protestation, le Gouverneur de l’île autonome de Moheli, Mohamed Said Fazul a ordonné l’arrêt des activités de l’Alliance française de Fomboni jusqu’à nouvel ordre afin de clarifier la situation. Une manifestation pour condamner la publication de ces sextapes devait également avoir lieu sur l’île vendredi, mais elle a été annulée deux jours plus tôt. Aux dernières nouvelles, nous avions appris par la voix du substitut du procureur de l’île de Moheli, Djanfar Mouhoudhoir, qu’une enquête avait finalement été ouverte.
C’est le ministère public qui s’est autosaisi a déclaré le magistrat, samedi. « Certes le mis en cause n’est pas comorien et ne se trouve pas non plus au pays, mais si les faits s’avèrent, la justice comorienne est compétente. Le problème, la France n’extrade pas ses citoyens. Cela constituera automatiquement un obstacle pour la partie comorienne si elle souhaite organiser un procès », note Abdoulabstoi Moudjahidi. Cet avocat au barreau de Moroni a en revanche souligné que la justice française peut de son côté appréhender l’inculpé et mener ses propres enquêtes. Obtenir des éléments depuis les Comores ne sera toutefois pas possible puisque la convention d’entraide judiciaire en matière pénale liant les deux pays n’a été ratifiée que par la France.
Convention d’entraide judiciaire
En effet, Moroni et Paris n’ont jamais réussi à trouver un terrain d’entente sur le statut de Mayotte dans ladite convention. Voilà pourquoi cet accord judiciaire datant de 2014 n’est toujours pas entériné par les parlementaires comoriens a glissé un juriste. « Or, si la convention était ratifiée par les deux pays, cela aurait permis par exemple que des témoins qui se trouvent ici puissent être auditionnés soit par un juge français qui se déplacerait jusqu’aux Comores en présence bien sûr d’un homologue comorien, soit par un magistrat ici qui le ferait à sa place en envoyant des éléments à la justice française », a poursuivi Me Abdoulbastoi Moudjahidi. Ce dernier a également énuméré d’autres avantages qu’offrirait la convention si elle était entrée en vigueur des deux côtés.
Selon lui, en cas de procès, des personnes clés restées aux Comores auraient pu se rendre en France pour une comparution. « La convention d’entraide judiciaire a en gros inclus tous les aspects sauf l’extradition. Un tel accord permet d’éviter aussi les longues procédures. Les deux ministères de la justice peuvent communiquer sans passer par la voie diplomatique », a conclu, Me Abdoulbastoi. Au moment où nous écrivions ces lignes, la brigade de recherches avait seulement confirmé l’ouverture d’une enquête sans pour autant donner d’autres détails. De nombreuses informations relayées par la presse, notamment un article de Comores Infos publié jeudi décrivent cet enseignant comme un « prédateur sexuel », habitué à des attouchements sur mineures. Des parents ont même interpellé dans le passé la direction de l’Alliance pour ces comportements. La hiérarchie l’a seulement changé de classe. Selon certaines informations, pour obtenir des faveurs sexuelles, le mis en cause promettait des visas pour la France et des bonnes notes à ses proies. Pour l’heure, l’institution a fermé ses portes et sa directrice se trouverait même à la Grande Comore.
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.