Comores : le procès de l’ex-président Sambi débutera le 21 novembre

L’ancien raïs, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, enfermé depuis 2018 dans sa résidence, sera enfin traduit devant une cour spéciale, dont les peines ne peuvent faire l’objet de recours. Le choix de cette juridiction suscite déjà interrogation puisque l’infraction de haute trahison retenue est floue, relèvent de nombreux juristes.

Le compte à rebours est lancé pour l’ancien président, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, enfermé sans jugement depuis le 19 mai 2018. Après la sortie de l’ordonnance de renvoi, on connaît désormais la date de son procès. Selon le parquet de Moroni, l’audience commencera à partir du lundi 21 novembre pour prendre fin deux jours après. Selon le chef du parquet, Ali Mohamed Djounaid, les poursuites dans le cadre de la très tentaculaire affaire de la citoyenneté économique ont été notifiés officiellement aux avocats de la défense. Une première. Quatre ans et six mois après son incarcération, l’ex-président qui a dirigé les Comores de 2006 à 2011, pourrait donc connaître son sort d’ici deux semaines. Jusque-là, personne n’était en mesure de fixer la date du jugement de l’opposant qui n’a jamais cessé de dénoncer la réforme constitutionnelle menée en 2018 par Azali Assoumani, l’actuel chef d’État. Les rares ministres, qui osaient évoquer le sujet, avançaient seulement des périodes, mais jamais de précisions sur les jours. C’était devenu presque un serpent de mer. Mais le nouveau calendrier dévoilé par le parquet confirme que cette fois c’est la bonne. Au total, onze personnes seront déférées devant la cour de sûreté de l’État. Seulement, huit charges ont en revanche été retenues contre l’ancien président Sambi, Nourdine Bourhane, son vice-président, et Mohamed Ali Soilihi, connu sous le sobriquet de Mamadou, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2016. L’ordonnance qui date du 10 septembre fait mention « de haute trahison », « détournements de deniers publics », « faux et usage de faux », « abus de fonction », « forfaiture », « corruption », « recel » et « complicité ».

Pas de définition de haute trahison

Le bémol, la tournure qu’a pris le dossier ces derniers jours suscite déjà débat. D’abord en raison du choix de la juridiction vers laquelle l’affaire a été envoyée : la cour de sûreté de l’État dont l’existence juridique est loin de faire l’unanimité. Même si certains juristes, comme maître Abdoul Elwahab Moussa Bacar, estiment que la cour de sûreté est légale citant un avis favorable rendu en mars dernier par la cour suprême sur la question : « Pour qu’elle soit abolie, il faut l’abrogation de la loi de 1981 par une autre loi en vertu du principe juridique du parallélisme de forme. »

Au-delà de son existence, se pose par ailleurs la question de la compétence de la cour de sûreté. Est-elle habilitée à juger une affaire de haute trahison ? Rafsandjani Mohamed répond par la négative sans broncher. Ce docteur en droit public, résidant en France, rappellera que l’article 30 de la constitution de 2009 visé par le juge dispose qu’en cas de haute trahison, le président, les vice-présidents et les membres du gouvernement sont traduits devant la cour suprême qui siège en haute cour de justice. « Seule la loi pour le cas échéant, on parle de loi organique, peut définir les éléments constitutifs d’une infraction. Puisque cette haute cour de justice n’a jamais existé, alors la haute trahison non plus. Et ce n’est pas à un juge de la définir vu qu’aucun texte ne l’a fait », clarifie, Rafsandjani. Autant d’interrogations qui renforcent le sentiment d’un procès dont le seul objectif serait d’en finir avec des opposants. Dans communiqué publié le 11 novembre, le parti Juwa, la formation dont l’ex-raïs assure la fonction de président d’honneur, annonce déjà qu’il ne reconnaitrait pas « les conclusions d’un procès que l’on organise sur la base de la fabrique de mensonge ».

Sambi contre Azali

Le parti anti-système , Naribarikishe Yi komori, qui se bat pour un état de droit (Dawula ya haki)  s’aligne également sur ce même discours. Selon le premier secrétaire national de ce mouvement qui se ligue contre la dictature, Salim Youssouf Idjabou, il ne s’agit pas d’un procès qui engage la République mais plutôt celui d’Azali contre Sambi, un simulacre dont seul Azali connait les tenants et les aboutissants. « Les tâtonnements flagrants dans les qualifications des faits expliquent tout. Nous considérons que la prise d’otage de Sambi par les milices d’Azali est un acte politique de bas niveau. Azali est un peureux qui enferme tous ceux qui peuvent lui faire face depuis ses mascarades de 2019 », a-t-il réagi. Depuis 2018, l’ancien président est incarcéré dans sa résidence d’abord pour trouble à l’ordre public par note ministérielle avant d’être inculpé formellement pour détournement de fonds dans l’affaire de la citoyenneté économique. Des faits qu’il a toujours niés. Quant à sa détention [il a entamé sa cinquième année le 21 août dernier ], elle est qualifiée  d’illégale pour avoir dépassé le délai de huit mois fixé par la loi pour le mandat de dépôt. Il est d’ailleurs le seul inculpé dans cette affaire qui se trouve en détention. Pire, malgré son état de santé vacillant, il n’a jamais été autorisé à partir se soigner à l’extérieur.

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