L’ancien président de l’Union des Comores était poursuivi avec d’autres personnalités ayant occupé de hautes fonctions sous son régime pour détournement de biens publics, corruption et haute trahison. Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, dont les avocats ont dénoncé dès le départ un procès joué d’avance, ne se présentait plus à l’audience. Le verdict sera connu, lundi 28 novembre.
En attendant le délibéré fixé au 28 novembre prochain, on connaît déjà les peines qui doivent être étudiées par la cour de sûreté de l’Etat. Pour le cas de l’ex-raïs, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi (qui n’était pas présent aujourd’hui), le commissaire au gouvernement a requis la perpétuité. L’opposant de l’actuel chef de l’État, Azali Assoumani, avait été inculpé pour haute trahison, détournement de deniers publics entre autres. Même peine pour l’ancien ministre de Finances, Mohamed Ali Soilihi alias Mamadou, qui se trouve actuellement en France depuis plus d’un mois. L’ancien secrétaire général du gouvernement, Nourdine Bourhane, dont le parquet a estimé qu’il n’y avait pas lieu de garder la charge de haute trahison écope en revanche de deux ans de prison avec sursis. Les deux autres inculpés qui ont répondu présent à savoir Mohamed Bacar Dossar, qui a occupé le poste de directeur de cabinet et celui d’argentier de l’État ainsi qu’Abdillahi Saïd, ont également pris la même sentence. Le reste des réquisitions se décline ainsi : dix ans de prison ferme et une confiscation des biens mal acquis pour les quatre inculpés étrangers, notamment l’homme d’affaires franco-syrien, Bashar Kiwan. Le ministère public a par ailleurs demandé à la cour de retenir une amende de dix millions de francs comoriens (20.000 euros) pour ces personnes citées un peu plus haut. Quant à Abdou Satar Mohamed Abdallah, Zouber Ahmed Soufiane (ancien ambassadeur à Abu Dhabi), et Ibrahim Mhoumadi Sidi (accusé d’avoir fait voter dans l’illégalité la loi qui permettait de lancer le programme de la citoyenneté économique), on a requis neuf ans de prison ferme. Ces réquisitions interviennent quatre jours après l’ouverture du très attendu procès sur la citoyenneté économique. Elles seront infirmées ou confirmées par le jury lundi prochain. Ce programme, institué en 2008, sous la présidence de Sambi consistait à vendre des passeports comoriens à des apatrides originaires des pays du Golfe, notamment les Émirats Arabes Unis en échange de millions de dollars. Mais la population comorienne n’a jamais touché les dividendes de l’initiative qui pourtant a fait ses preuves dans de nombreux pays.
900 milliards de manque à gagner
Au cours du procès, on a appris qu’à cause de l’opacité qui entourait le programme qui se poursuit jusqu’à nos jours (le ministre de la Défense a confirmé en conférence de presse que le pouvoir actuel renouvelle des passeports) peu d’argent a atterri dans les caisses publiques. Le manque à gagner pour la période de 2008 à 2015 s’élèverait à 900 milliards de nos francs., chiffre avancé par Ali Mohamed Djounaid, le procureur de la République, commissaire du gouvernement. Devant la cour, l’ex-ministre des Finances, Mohamed Bacar Dossar, a reconnu que certains millions de dollars issus de la vente des passeports, dont la récolte était confiée à Bashar Kiwan, transitaient au Belize avant d’atterrir à la Banque centrale des Comores. Il a évoqué la somme de sept milliards de francs reçus par Moroni. La société Comoro Gulf holding, dirigée par le sulfureux homme d’affaires franco-syrien, qui bénéficiait d’une exclusivité sur la récolte, n’a jamais versé la totalité des fonds. Son directeur a reconnu une dette de seize millions de dollars qui auraient dû revenir à l’État comorien. Pendant le procès, Abdillahi Said, qui transportait les valises de passeports à Abu Dhabi, a raconté à l’audience qu’un jour les autorités émiraties lui ont notifié l’existence d’un réseau frauduleux de vente de près de 700 passeports. Des mafieux et des terroristes feraient partie des bénéficiaires.
Éliminer des concurrents potentiels
L’unité se vendait à 4.600 euros à l’époque. Là encore, on ne saura jamais rien puisque ni le vice-président concerné, Mohamed Ali Soilihi, ni Abou Achrafi, ex-directeur de la sûreté nationale, citée à plusieurs reprises par les inculpés et considéré comme acteur clé dans cette affaire n’étaient présents. Personne n’a oublié le scandale des passeports diplomatiques comoriens vendus à des dictateurs et des ressortissants peu recommandables. Le bémol, même l’ancien président Ikililou Dhoinine, n’était pas à la barre alors que sa mandature n’a pas été épargnée. Abou Achrafi, qui est devenu député du parti au pouvoir, la CRC, n’a pas été inculpé. Ainsi, après quatre jours de procès, les Comoriens ne sauront pas combien de passeports ont été vendus et les sommes générées. Pourtant, ce fut la plus grande attente de la population. Cela fait partie des raisons pour lesquelles, certains n’ont pas manqué à tort ou à raison de qualifier de mascarade le procès. Notons que la loi sur la citoyenneté économique à l’origine du programme est en vigueur, alors qu’elle est toujours décriée. Des personnalités ont été inculpées pour avoir signé des actes sur la base de cette loi. Des avocats à l’instar de maître Djamal El-dine Bacar, qui défendait Ibrahim Mhoumadi Sidi [il avait opté pour le retrait] a conclu que le réquisitoire montre que le procès est politique. La perpétuité requise est selon lui un moyen pour Azali Assoumani, d’éliminer ses adversaires potentiels à l’approche des élections de 2024. D’autres juristes se joignent à lui rappelant que les infractions retenues comme le détournement de deniers publics sont des délits dont les peines ne peuvent être la prison à vie. La haute trahison prévue dans aucun texte et qui a conduit Sambi et les autres devant la cour de sureté n’a pas été définie. A propos des peines sollicitées contre Dossar, Nourdine Bourhane et Abdillah Saïd, les trois seuls inculpés qui étaient présents, elles sont aperçues comme assimilée à une clémence. Les premiers ont d’ailleurs tout remis sur les épaules de Sambi.