La justice a également ordonné la saisie des biens immobiliers et autres avoirs appartenant à l’ancien président qui bizarrement reste le seul parmi les trois hauts dignitaires poursuivis pour haute trahison dont la cour a condamnée pour cette infraction. L’ex-vice-président Mohamed Ali Soilihi, écope lui de vingt ans de prison ferme et un mandat d’arrêt sera émis à son encontre.
La justice a donc rendu son verdict comme convenu ce lundi 28 novembre. Et il n’y a ni surprise ni changements considérables de peines par rapport à celles qu’avait demandées le ministère public. A commencer par Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. L’ancien dirigeant est condamné à la perpétuité. La cour de sûreté exige par ailleurs la saisie de ses biens et avoirs au profit du trésor public. En plus de ces lourdes peines, l’ex-chef de l’État se voit priver de ses droits politiques et civiques avec une inéligibilité. Jeudi dernier, l’accusation avait requis la prison à vie contre Sambi, poursuivi pour détournement de deniers publics, corruption, haute trahison, mais pas seulement. L’ancien raïs (il a présidé les destinées de l’archipel de 2006 à 2011) qui a boycotté avec ses cinq avocats le procès sur la citoyenneté économique est reconnu coupable par la cour d’avoir touché une gratification de 105.000 dollars qu’il aurait reçue de la part des autorités émiraties afin de soutenir la mise en place du programme sur la citoyenneté économique dont le but initial est d’octroyer à des richissimes investisseurs afin de financer le développement des Comores. La cour de sûreté de l’État, jugée illégale faute d’existence juridique estime que le président d’honneur du parti Juwa, a usé de ses fonctions pour accorder une exclusivité à des sociétés privées étrangères, notamment Comoro Gulf, holding de Bashar Kiwan, la récolte des milliards de dollars issus de la vente des passeports de la citoyenneté. Un choix qui a favorisé l’opacité du processus pendant des années au détriment de la population qui ne touchait que les miettes. Ses avocats qui s’attendaient à ces sanctions sévères (ils avaient prévenu qu’ils ne reconnaîtraient pas le verdict) n’ont pas l’air surpris. Maître Ahamada Mahamoud, conseiller de Sambi, s’étonne seulement du retrait des droits civiques frappant son client alors que pendant le réquisitoire, cela n’avait pas été réclamé. Certains rappellent que le jury n’est nullement tenu de suivre à la lettre les réquisitions.
Cour inexistante
Dès le premier jour du procès, l’ancien président a informé la justice qu’il n’y assisterait pas pour différentes raisons. D’abord parce que la cour de sûreté est sujette à débat. La défense de Sambi constituée d’avocats de renom notamment, Fatima Ousseni du barreau de Mayotte et Jan Fermon, entre autres l’a souligné depuis que non seulement la juridiction retenue n’existe pas sur la loi portant organisation judiciaire, mais le président choisi ne pouvait non plus continuer à juger l’affaire pour avoir consulté le dossier déjà lorsqu’il siégeait à la chambre d’accusation. La haute trahison, principale infraction à l’origine de la saisine de la cour de sûreté dont les peines ne peuvent faire l’objet d’appel, divise aussi, dans la mesure où aucun texte ne la définit. « Le délit n’existe pas. On ne peut donc poursuivre ou condamner quelqu’un sur la base d’une infraction qui n’est prévue nulle part. Mais le juge d’instruction s’est permis de la qualifier s’arrogant ainsi les pouvoir du législateur à qui revient de définir les peines », dénonçait hier, maître Fahmi Said Ibrahim, un des avocats constitués pour assister l’opposant déclaré du régime en place, aujourd’hui âgé de 64 ans et dont les quatre dernières ont été passées en détention. Autant de raisons qui ont poussé les avocats de tous les prévenus de nationalité comorienne (excepté ceux des trois inculpés qui se sont présenté) à se retirer. Même si cette politique de la chaise vide n’est pas vue d’un bon œil par le conseiller de l’État, le Togolais, maître Éric Sossah, qui s’est réjoui des peines prononcées. « Les sentences correspondent à la gravité des faits et les responsabilités sont situées. Ceux qui ont affronté la vérité dans ce dossier et la contradiction en faisant valoir des moyens convaincants s’en tirent à bon compte. Les autres qui ont opté pour le déni n’ont qu’à s’en prendre à eux », a-t-il taclé.
Mandat d’arrêt international
Pour rappel, la justice a finalement reconnu que la constitution de parties civiles dans ce procès n’était pas conforme à la loi qui régit la cour de sûreté, datant des années 81. L’autre personnalité qui se voit infliger une lourde peine est l’ancien vice-président chargé des finances sous la présidence d’Ikililou Dhoinine, Mohamed Ali Soilihi, qui se trouve en dehors du pays. Celui qui est arrivée en deuxième position lors de l’élection présidentielle de 2016, qui a autorisé ses avocats à ne pas assister au procès a pris vingt ans de prison ferme. Ses biens et avoirs seront confisqués, a annoncé le président de la cour, le juge Omar Ben Ali, son délibéré. Mohamed Ali Soilihi, appelé aussi Mamadou qui a occupé la fonction de ministre des Finances pendant trois ans sous Sambi, était poursuivi pour détournement de deniers publics, faux et usage de faux, abus de fonction, forfaiture, corruption, concussion, recel et complicité. Vice-président sous le règne du président Ikililou Dhoinine, il aurait signé des contrats de vente de passeports, des actes qui dépassent ses prérogatives. S’elle a fini par abandonner l’accusation de haute trahison le visant, la cour a en revanche en plus des condamnations, émis un mandat d’arrêt international contre lui. Une démarche qui risque de faire long feu étant donné qu’aucun accord d’extradition ne lie les Comores à la France où il est réfugié. Faut-il rappeler aussi qu’un mois avant l’ouverture du procès les autorités comoriennes l’ont autorisé à quitter le pays ?
Pendant que les autres co-accusés doivent retrouver les geôles, Mohamed Bacar Dossar, Nourdine Bourhane, respectivement anciens directeur de cabinet du chef de l’État et secrétaire général du gouvernement sont les seuls inculpés avec Abdillahi Said, ex-chef de mission chargé du monde arabe, qui sont parvenus à tirer leur épingle du jeu. Les réquisitions de 24 mois de prison avec sursis formulées par le commissaire du gouvernement n’ont pas changé. L’ex-député Ibrahim Mhoumadi Sidi, par contre, risque s’il rentre au pays retrouver la case prison où il doit purger neuf ans. Le jury a enfin confirmé les dix ans d’emprisonnement et une amende individuelle de 4000 euros pour les étrangers impliqués dans le programme de la citoyenneté économique. Il s’agit de Bashar Kiwan, Ahmed Jaroudi, Ali Kazma pour ne citer que ceux-là. Ils sont visés par des mandats d’arrêt et leurs biens doivent aussi être confisqués. Comment ? On ne sait pas encore. Au-delà de toutes ces imperfections, et procédures bafouées, la population qui attendait avec impatience ce procès n’aura rien appris sur le montant exact généré par le programme encore moins des sommes montants détournés ni leur localisation.